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Gestion de l’agilité: Principaux aspects dans le controlling

L'agilité et la transformation agile sont sur toutes les lèvres. Le présent article montre d'abord brièvement l'importance de l'agilité et de sa gestion. Il aborde ensuite la question de la transformation agile et comment procéder judicieusement. Cela étant, opter pour l'agilité a également des implications sur le plan du contrôle: il faut disposer de nouveaux chiffres clés, de nouveaux systèmes de controlling et, surtout, d’une auto-organisation plus poussée. Les recommandations des auteurs reposent sur de nombreux projets pratiques réussis.

23/11/2021 De: Matthias Sellinger, Rainer Völker
Gestion de l’agilité

Agilité et gestion de l’agilité

Malgré sa courte histoire, l’«agilité» est devenue une partie intégrante de la pratique des affaires. Ce n'est pas pour rien que le sujet s'est hissé au sommet de la liste de la littérature consacrée à la gestion et au conseil. Au sens propre, le terme «agilité» signifie notamment initialement «mobilité» ou encore «flexibilité».

On aimerait:

  • une plus grande réactivité aux changements (réaction),
  • une meilleure capacité à se changer soi-même (apprentissage) et
  • un renforcement du pouvoir d'innovation (innover). Il s’agit, au cours de ce processus, non seulement d’établir les processus et les outils de gestion agiles, mais aussi d’adapter le principe général d'organisation et de gestion. Cette «vague d'adaptations» indique que la «gestion de l'agilité» - quelle que soit sa forme – sera potentiellement un succès.

Il existe des facteurs clés pour aller dans le sens de l'agilité:

  • des changements perturbateurs très fréquents dans les technologies et les marchés
  • des changements très rapides avec de nouvelles exigences de la part de toutes les parties prenantes (clients, investisseurs, nouvelles lois) et des concurrents
  • la numérisation omniprésente, qui nécessite des organisations capables d’y faire face
  • avec des modèles de communication multidimensionnels et des collaborations complexes
  • l'abandon des carrières toute tracées ou à l'ancienneté, moins dynamiques, en raison de l'évolution des exigences en matière de formation, de travail et de responsabilité («guerre des talents»).

L'agilité concerne en principe toutes les tâches classiques de gestion. De nouvelles méthodes, de nouveaux modèles organisationnels ainsi que des principes culturels et de leadership ont donc vu le jour ces dernières années, ou des méthodes existantes ont été «réactivées». Ces méthodes et schémas organisationnels sont appliqués ou recommandés en fonction de la perspective adoptée. En ce qui concerne les différents éléments de la gestion, on peut affirmer ce qui suit:

Niveau des objectifs: il est important de créer un cadre solide grâce à des objectifs clairs – et surtout des visions - pour les étapes agiles nécessaires (voire même des changements de cap stratégiques).

Stratégie: Pour la planification stratégique, il est important d’observer constamment l'évolution des besoins et des avis des clients et des parties prenantes, et de réorienter les plans stratégiques en conséquence. Des outils tels que les «Customer Journey Maps» permettent de répondre à l'évolution des besoins des clients.

Organisation et processus: L'agilité implique des hiérarchies plates, de nouvelles formes d'équipe ad hoc et une auto-organisation. Les départements fonctionnels classiques jouent un rôle mineur voir pas de rôle du tout dans certains cas.

Si l’on prend l’exemple typique de l'organisation du développement de nouveaux produits et services, on peut distinguer différentes étapes (voir Fig. 1). On peut, dans la pratique, distinguer entre les équipes de développement classiques (approche séquentielle/domaines fonctionnels existants), les équipes de développement axées sur la chaîne de valeur (domaines fonctionnels non existants/approche séquentielle), les équipes de développement «hybrides» (domaines fonctionnels existants/approche itérative) et les équipes de développement totalement agiles (domaines fonctionnels non existants/approche itérative). Toutefois, les frontières entre ces quatre étapes sont fluides, et d’autres formes encore peuvent être observées dans la pratique des entreprises.

Culture et leadership

Vivre en tant que personne agile dans une entreprise agile nécessite une culture ad hoc,  qui doit également être vécue par la direction. En termes de leadership, il est essentiel de donner plus de responsabilités aux collaborateurs et d’adapter le controlling en conséquence. Le manager se voit comme un coach qui donne des directives et offre un soutien sélectif. Les équipes agiles ne peuvent certes pas se passer entièrement de leadership - mais cette compétence n'est pas nécessairement liée à une seule personne sur la base de certaines formalités. La répartition des compétences de leadership dans les équipes agiles repose plutôt sur l'acceptation par le groupe, laquelle est en général basée sur l'expertise technique et les caractéristiques personnelles (par exemple, le charisme, la rhétorique). Dans certaines équipes agiles, ce genre de compétences est réparti entre les différents membres de l'équipe en fonction de leurs rôles. L'approche dite de «leadership partagé» exige toutefois un degré élevé de mobilité des rôles, d'adaptabilité et d'auto-responsabilité de la part des membres de l'équipe.

Planification et contrôle des opérations

Il existe ici une variété d'outils et de méthodes qui permettent des approches plus agiles. Pour les approches très flexibles, où les plans rigides n'ont guère de sens, il faut également des outils de controlling spécifiques. Nous y reviendrons plus en détail ultérieurement. La méthodologie Scrum a également permis de développer des chiffres clés qui tiennent compte des exigences de rapidité et d'adaptabilité. Dans Scrum, les chemins vers un objectif qui ne peut être décrit avec précision a priori sont divisés en «sprints». Des indicateurs tels que le chiffre clé «incrément de produit» ou la «vélocité» mesurent en fin de compte la qualité et la rapidité avec lesquelles on se trouve sur la voie agile. Des entreprises telles que Bosch (voir figure 2), qui se sont déjà converties à une organisation totalement agile dans certains domaines, recommandent d'utiliser des méthodes telles que le design thinking, le lean start-up et d'autres en relation avec l'incertitude (par exemple, la notoriété de la marque) et la complexité (par exemple, la sensibilisation à la technologie).

L'agilité uniquement quand elle est rentable

On dit souvent qu'une transformation complète dans le sens de l'agilité n'est pas souhaitable. On prétend notamment qu’il faut traiter les affaires classiques, moins dynamiques, de manière «efficace» dans le cadre de processus clairement définis et avec des départements traditionnels; les nouvelles affaires et/ou les marchés dynamiques exigeraient quant à eux de l'agilité. Les organisations «efficaces» et «agiles» sont, à certains égards, considérées comme contradictoires, toutes les deux doivent néanmoins être maintenues ou déployées en fonction besoins: l'ambidextrie, qui signifie être habile des deux mains, est requise.

Figure 1 : Formes possibles d'agilité pour le développement de nouveaux produits et services

Figure 2 : Utilisation des méthodes en fonction de la complexité et de l'incertitude.

Le choix et la forme des méthodes agiles, des modèles organisationnels ou autres sont ensuite une question d'effort et de rendement. Si, par exemple, l'introduction d'un modèle organisationnel agile et d'une méthodologie Scrum contribue à améliorer le délai de mise sur le marché de manière si significative que le rendement dépasse largement l'effort consenti, alors ce changement en vaut la peine.

En général, on peut faire deux constats:

  • Dans nombre de cas, une «agilisation» complète d'une entreprise n'est souvent ni judicieuse ni nécessaire. Si, par exemple, les résultats des tâches entrepreneuriales - produits et services - sont clairement définis, tout comme les processus opérationnels, alors les processus séquentiels restent la forme d'organisation la plus efficace, même dans des structures hiérarchisées.
  • En cas de doute, il convient d'examiner quelles formes d'organisation, quels principes de gestion ou quelles méthodes agiles ont un sens, quand et comment. La valeur nette de la transformation agile (= valeur du changement) doit simplement être positive.

La figure ci-après montre comment procéder pour choisir la forme appropriée de transformation agile pour l'objectif correspondant. Elle montre une procédure éprouvée pour évaluer d'abord le besoin d'agilité, puis pour effectuer judicieusement la transformation (voir la figure 3).

Figure 3: Indicateurs des projets agiles (représentation personnelle)

Les différentes étapes de la procédure et les exemples de bonnes pratiques sont décrits dans le livre du praticien «Agile Management» de Thomaschewski/Völker (2019).

Implications pour le controlling

Lorsque les entreprises deviennent plus agiles ou se «transforment de manière agile», cela a également des implications pour les fonctions de controlling et les controllers. Mais considérons avant toute chose différentes constellations. Nous devons tout d’abord nous demander si toute l'entreprise ou tout le département dont un controller peut être responsable doit être transformée, ou seulement certains domaines fonctionnels ou peut-être même seulement au niveau du projet. Nous avons déjà évoqué les différents impacts organisationnels de l'agilité. Dans de nombreuses entreprises, l'agilité est par exemple introduite surtout dans les projets d'innovation et/ou dans le domaine de la recherche et du développement. Les ventes, la production ou la logistique sont censées fonctionner de manière plutôt «planifiée» et en mettant l'accent sur l'efficacité. Une telle ambidextrie se constate fréquemment. Selon le degré d'agilité, les controllers et le controlling sont confrontés à des défis plus ou moins importants.

Voici deux exemples qui mettent en évidence les différences: si l'agilité est «seulement» caractérisée par un travail de projet un peu plus agile (par exemple, dans un processus classique par phases où des étapes itératives et/ou une approche Scrum ont été introduites), alors le besoin de changement pour le controlling et/ou le controller n'est pas trop élevé. Des indicateurs orientés vers le travail de projet agile sont nécessaires ou ont un sens dans ce cas, nous le verrons plus en détail ci-après. Si une entreprise transforme complètement son organisation en unités orientées vers la chaîne de valeur, unités qui planifient avec un haut degré de coordination au sein de hiérarchies plates, alors le besoin de changement est évidemment beaucoup plus grand.

Ensemble d’indicateurs pour mesurer l'agilité dans l'entreprise

Comme nous l'avons mentionné, le thème de l'agilité a également fait apparaître de nouveaux indicateurs pour le controlling. Comme tout ce qui concerne l'agilité ou la méthodologie Scrum, elles proviennent du monde du développement de logiciels. Des indicateurs tels que la «vélocité» ou un «burn-down chart» ont été adaptés et utilisés en conséquence par les fabricants de matériel et leurs projets.

Nouvelles exigences concernant les rôles et les tâches de controlling

Les mesures nouvelles ou modifiées ne décrivent qu'une petite partie des changements que la méthode agile apporte au controlling. Un aspect central est le traitement des exigences relatives aux rôles ou aux tâches, qui posent des défis majeurs pour le controlling, en particulier lors de la gestion d'équipes interfonctionnelles et auto-organisées. Dans les entreprises qui comptent un grand nombre d’équipes de ce type, il ne suffit vraiment pas de s'appuyer sur de nouveaux indicateurs de performance. Il est plutôt nécessaire de rendre l'orientation générale du controlling plus adaptable afin que certains garde-fous soient fixés malgré l'auto-organisation et qu’il soit toujours possible de procéder à un contrôle financier de manière transparente. Weber et Schäffer voient les défis suivants pour le développement d’un controlling agile:

  1. les controllers doivent soutenir les équipes de gestion et d'experts auto-organisées.
  2. les controllers doivent rendre la coordination des plans plus adaptable.
  3. les controllers doivent assurer une interface transparente entre les mécanismes de coordination.
  4. les controllers doivent fournir un contexte dans lequel l'agilité peut fonctionner

 

Indicateur

Paramètre

Unité

A) Indicateurs de satisfaction Scrum

Satisfaction des membres de l’équipe

Satisfaction des membres de l’équipe Scrum

La satisfaction est normalement mesurée d manière linéaire de 1 à 5, où 1 = très insatisfait et 5 = très satisfait

B) Indicateurs Scrum pour la maturité

Pourcentage des «sprints» réussi

 

 

Focalisation facteur

Mesure dans laquelle l'équipe respecte ses engagementsProportion du travail d'équipe menant à des «stories» complètes

 

Proportion du travail d'équipe menant à des «stories» complètes

Pourcentage: nombre de sprints réussis réparti sur l’ensemble des sprints

 

 

Pourcentage: rapidité répartie en fonction de la capacité de l’équipe

C) Indicateurs Scrum pour l’alignement

Retour sur investissement relatif

 

Total Business Value Earned

Valeur du travail réalisé par rapport aux coûts d'investissement, ici les story points

 

Somme de la business value dans le cadre d’un sprint

Une somme de value points par story point

 

Nombre de value points

D) Indicateurs Scrum pour la quantité

Rapidité/ «Velocity»

 

 

Efficience du processus

Mesure relative de la quantité de travail réalisée pendant un sprint

 

Efficience de la dépense en lien avec des stories acceptées

Story points

 

 

Pourcentage: effort réel en fonction du temps disponible

E) Indicateurs Scrum pour la qualité

Nombre d’erreurs

 

Pondération des erreurs

Nombre d’erreurs dans le prototype/produit

 

Mesure de la gravité des erreurs corrigées

 

 

Erreurs connues dans le backlog

 

 

Les défauts sont répartis en 3 catégories: Défauts mineurs, gros défauts et défauts critiques. L’équipe Scrum procède elle-même à cette classification

 

Ces défis sont complexes et le controlling doit donc se détacher d'une coordination plutôt planifiée et mettre en place des instruments plus flexibles en collaboration avec la direction. Il peut être intéressant et certainement utile d'utiliser les principes de l'approche «beyond budgeting». Il y a quelques années, cette démarche a échoué dans la quasi-totalité des entreprises, notamment parce qu'elle nécessitait de modifier la structure organisationnelle, les processus et les cultures, ce qui dépassait largement les compétences du controlling et de la direction. Avec l'avènement de la méthode agile, l'occasion est peut-être venue d’appréhender différemment cette approche.

Plus que par le passé, agile offre aujourd'hui au controlling la possibilité d'assumer le rôle de coordinateur et/ou de traducteur «transversal», assumant ainsi un rôle de «partenaire commercial». Dans un monde ouvert, il n'y a plus les obstacles habituels entre départements, mais différents experts tels que le marketing, la production, la R&D, etc. se rencontrent pour une collaboration qui doit être orchestrée. Cette vision claire des responsabilités économiques et des implications financières de toutes les activités donne au controlling la possibilité d'agir comme un «élément unificateur» et de profiter aux équipes.

Conclusion sur la gestion de l'agilité

Le comportement agile est donc un véritable défi pour la plupart des entreprises dans un contexte de numérisation croissante et de changements profonds qui touchent les marchés et les technologies. À cet égard, il est évident que la «gestion de l'agilité» est au centre de la littérature et des pratiques de gestion. Comme d'autres concepts dans ce domaine, cette approche passe par un cycle d'effervescence, où des éléments familiers côtoient de nouvelles idées ou de nouvelles méthodes. La gestion de l'agilité touche en fin de compte tous les éléments de la gestion; les objectifs, les stratégies et la planification opérationnelle ainsi que le controlling, l'organisation et le leadership sont abordés. La transformation agile est complexe et coûteuse et son importance peut varier selon le secteur et l'entreprise. Il existe également des tâches au sein d'une entreprise où le comportement agile est plus subordonné ou moins urgent. Le maître-mot ici est  l'ambidextrie. L'article a montré différentes séquences pour la fonction de controlling et les rôles ou tâches qui relèvent du contrôle dans le contexte de l'agilité. Il a été expliqué qu'au cours de l'agilisation, de nouvelles méthodes et de nouveaux indicateurs enrichissent la «boîte à outils» du controlling ou remplacent les anciens outils. Toutefois, ces aspects ne caractérisent qu'une petite partie des changements nécessaires. Dans les entreprises qui transforment leur organisation dans le sens de l'agilité, les controllers doivent contribuer à soutenir la coordination, qui se fait de plus en plus par l'auto-stabilisation. Leur rôle est en outre d'établir de nouvelles formes pour une planification plus flexible et de créer une transparence économique en tant qu'experts de haut niveau.

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