Résistances aux changements: Que faire?

Face aux nouveautés, l’individu manifeste parfois des comportements limitants qui freinent le déploiement serein de projet. 4 raisons majeures à prendre en compte.

25/02/2022 De: Alain Mounir
Résistances aux changements

Quoi faire des résistances aux changements

Le postulat est que face à l’inconnu, tout individu normal va générer des comportements de prudence. Une sémantique plus objective est proposée pour renommer la « résistance aux changements » par « mécanismes de défenses ». Cette reformulation renvoie ainsi le management à la bonne question « mais de quoi se protègent-ils·elles ? ». Si l’individu ne se projette pas immédiatement dans tout changement avec un enthousiasme chronique et spontané, c’est qu’il a des raisons fondamentales naturelles…

La première : la peur fondamentale du vide. Entendons par « vide » : l’absence de visibilité, le non-dit, l’absence de sens, l’absence de réponse à une question, et toute nouveauté à laquelle l’individu va être confronté. Cette peur est ancrée profondément dans notre système de survie : vide = danger potentiel. Dès que la perception d’une forme de vide est construite, l’humain normal va chercher à se protéger, d’où le mécanisme de défense. Si le vide est raisonnablement comblé, il·elle n’aura aucune raison de « résister » ! Comment faire : en permettant aux individus de se positionner sur le futur grâce à la compréhention du « pour quoi » du projet. Exemples : positionner le projet par rapport au système de Valeurs de l’entreprise pour en présenter la cohérence, expliciter les causes qui ont généré le besoin du projet, communiquer les impacts attendus du projet avec les clés de succès et les risques identifiés, présenter les compromis faits pour marier les besoins de productivité avec ceux de réussite du projet, énoncer les mesures d’encadrements du projet (soutiens, formations continues, coaching interne, remontées d’informations, etc.)

La deuxième : besoin d’appartenance et peur de l‘abandon. Fort chez l’humain, tout risque d’être isolé ou abandonné est une inquiétude profonde. Le non-droit à l’erreur, par exemple, génère de nombreuses situations de dépression ou burnout. Nos exigences de performances jointes à des cadences opérationnelles soutenues ajoutées au sentiment de danger en cas d’erreur vont provoquer à elles seules une grande partie des peurs de conséquences pour soi. Comme la mise en place d’un nouveau projet va automatiquement stimuler la phase d’apprentissage « conscient-incompétent » (voir article du mois de mars), je ne peux que souligner l’importance de faire réussir rapidement l’individu pour qu’il se rassure à court terme. Concrètement ceci se traduit par des évaluations réalistes des charges et des compétences requises avant les déploiements effectifs, des ateliers ou commissions de travail pour faire remonter le plus tôt possible les risques. Ce signal du management va réduire le procès d’intention de la perception « toujours faire plus avec moins » au détriment de l’opérationnel.

La troisième : le besoin de reconnaissance. Ce besoin de « récompense » ne se traduit pas forcément en montants financiers, qui ne répondent souvent qu’à 20% des réels besoins, mais de la production de noradrénaline et de dopamine, molécules du plaisir et de la récompense indispensables à la motivation à agir et aux apprentissages efficaces. Pensons par exemple à des implications concrètes des talents dans les opérations, des groupes de travail, des délégations de responsabilités et non de tâches, une exploitation seine des compétences internes. Communiquer et échanger sur un projet, lorsque la première étape du « vide » a été correctement gérée par le management, est un moteur très efficace de productivité. L’appropriation du projet et le droit de se tromper (mais pas deux fois de la même manière) va stimuler la sécurité nécessaire à libérer la créativité et l’engagement des acteurs.

La quatrième : sécuriser les apprentissages. Prendre le temps de fermer la boucle sur l’exercice. Dans notre trouble compulsif d’hyperactivité, nous oublions trop souvent l’importance de boucler la boucle d’un projet. Il s’agit par ce rituel de permettre au cerveau collectif de classer, stocker, sécuriser les informations pour passer librement à un autre projet. Il s’agit de capitaliser sur l’expérience par une autocritique constructive (positive et négative) des acteurs, du management à l’opérationnel. Dégager ainsi les éléments utiles à reproduire dans le futur, des comportements efficaces à promouvoir, des habitudes prises à laisser de côté et mettre en lumière les contributions de chacun·e vont ancrer les bonnes conditions pour la crédibilité du projet réalisé ainsi que du suivant !

Résumé de quelques vigilances utiles pour chaque motif de défense :

  1. Donner du sens, expliquer le « pour quoi » du projet. Veiller aux compétences requises AVANT le déploiement du projet. Augmenter la qualité de l’encadrement dans les phases de nouveautés. Impliquer les talents disponibles dans un mode coopératif.
  2. Anticiper les formations, les informations et l’appropriation des nouvelles technologies ou des nouveaux processus. Mettre en place des indicateurs individuels qui permettent une auto-évaluation autonome par et pour les acteurs. Mettre les individus en situation de réaliser rapidement des petits succès pour créer et développer la croyance « je peux le faire ».
  3. Reconnaître les contributions, les efforts et les bonnes gestions de risques. Communiquer et encourager l’initiative grâce à des descriptions de fonctions dynamiques. Créer un espace de parole et d’échanges dans les phases à fort enjeu du projet (peer-coaching) pour favoriser l’interdisciplinarité et l’empathie entre services.
  4. Penser à réserver 2 heures de bouclement de projet, au même titre que nous bouclons un exercice financier, boucler un projet est aussi important. Devenir ainsi plus malin pour le prochain projet. Ceci vaut pour les reprises de fonctions dirigeantes afin d’éviter « les éternels recommencements » qui ne tiennent pas suffisamment compte des acquis, des réussites et des aspects utiles à conserver avant de « tout réinventer ».

Une fois de plus, la réussite rentable se fera sur la durée en acceptant d’investir les temps nécessaires et suffisants aux bons moments. Mettre en mouvements des mécanismes humains non immortels requiert un minimum d’attention.

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