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Clause de prohibition de concurrence: Ce qu’il faut savoir

Les prohibitions de concurrence sont très répandues. On entend souvent que ces dernières ne sont pas valables et qu‘elles ne sont de toute façon pas applicables. Toutefois, cela s‘avère beaucoup plus compliqué dans la pratique.

21/01/2022 De: Nicolas Facincani
Clause de prohibition de concurrence

Conditions requises pour les prohibitions de concurrence

Pendant la relation de travail déjà, il est interdit au collaborateur de travailler pour la concurrence, que ce soit contre rémunération ou non, d‘exercer une activité pour le compte d‘une entreprise indépendante concurrente ou encore d‘exercer lui-même une activité de la même teneur. Il s‘agit d‘un aspect du devoir de loyauté du travailleur (art. 321a CO) qui est notamment abordé dans le cadre de l‘interdiction du travail.

Cette interdiction prend en principe effet avec la cessation de la relation de travail. Si la concurrence de l‘ancien employé n‘est pas autorisée, même après la cessation des rapports de travail qu‘il entretenait avec son employeur, une telle interdiction n‘est toutefois permise que dans un cadre étroit. Il peut toutefois être convenu qu‘un collaborateur s‘engage à s‘abstenir, pendant un certain laps de temps, d‘exercer des activités de type concurrentiel, qu’il s’engage notamment à s‘abstenir d’exploiter pour son propre compte une entreprise concurrente, d’y travailler ou de s’y intéresser (art. 340 al. 1 CO). Dans un tel cas, cependant, les limites de la loi doivent être respectées tant en ce qui concerne l’accord valable de prohibition de faire concurrence qu‘en ce qui concerne les conséquences juridiques convenues pour cette dernière. Pour qu‘une prohibition de concurrence soit valable, les conditions suivantes doivent être remplies (art. 340 CO):

  • La capacité juridique du collaborateur – si celui-ci n‘a pas atteint l‘âge légal, le consentement de son représentant légal en vue de convenir d’une prohibition de concurrence n‘est pas admissible
  • Le fait d’avoir connaissance de la clientèle (un contact étroit avec le client est nécessaire) ou des secrets de fabrication et d‘affaires (par exemple, les processus de production, les relations commerciales, etc.) de l‘entreprise respectivement de l‘employeur avec, concomitamment, la possibilité de lui porter préjudice – cette dernière n‘est pas retenue si la connaissance que l‘on a du cercle de la clientèle, des secrets de fabrication et d‘affaires n’est que limitée. Ces conditions ne sont pas non plus remplies en cas de forte rétention de la clientèle (voir ci-dessous).
  • Le caractère écrit de la prohibition de concurrence. Une prohibition de concurrence ne figurant que dans le cadre d’un règlement du personnel serait insuffisante. Si la prohibition de faire concurrence n‘est pas mentionnée dans le cadre d’un accord de résiliation ou s‘il n‘est pas indiqué qu‘elle doit continuer à s‘appliquer, cette dernière n‘est dès lors plus applicable. Il en va de même si une formule du type «le collaborateur nous quitte sans obligation aucune» est employée.

Limitation en cas de prohibition de concurrence

L‘accord portant sur une prohibition de concurrence doit respecter diverses limitations (art. 340a CO). L‘avenir économique du travailleur, par exemple, ne doit pas être compromis de manière significative. Outre cette limitation d’ordre général, une prohibition de concurrence doit également être limitée quant à son espace géographique, son temps et son objet (genre d’affaires):

  • limitation géographique: la prohibition de concurrence doit être limitée à l‘étendue de l‘activité de l‘employeur.
  • limitation dans le temps: la prohibition de concurrence ne peut normalement pas être convenue pour plus de trois ans. Dans la pratique, elle est souvent limitée à un an maximum.
  • limitation quant à l‘objet: la prohibition de concurrence doit être limitée à l‘activité spécifique de l‘employeur selon le contrat de travail ou la description du poste. Dans l‘arrêt 4A_218/109, la Tribunal fédéral a considéré que l‘interdiction «de toute activité concurrente» est suffisamment concrète en soi pour constituer une prohibition de concurrence.

Afin d‘évaluer si une prohibition excessive a été convenue, on prend également en compte le fait de savoir si le collaborateur concerné a reçu une quelconque contre-prestation de l‘employeur pour la prohibition dont il est question (art. 340a, al. 2 CO).

Si une prohibition excessive est convenue, celle-ci sera réduite dans la mesure autorisée par le tribunal compétent. Le facteur décisif est de savoir si la prohibition de faire concurrence porte atteinte à l‘avenir économique du collaborateur d‘une manière préjudiciable que les intérêts de l‘employeur ne sauraient justifier.

Les conséquences d’une indemnité pour prohibition de concurrence

La contre-prestation, dont nous parlions précédemment et versée à titre d’indemnisation de la prohibition, est appelée indemnité pour prohibition de concurrence. Elle peut également être versée, par exemple, si l‘employeur continue à promettre le salaire après la fin du contrat dans le but que le collaborateur respecte la prohibition ayant été convenue. L‘indemnité pour prohibition de concurrence a pour but de compenser la diminution des opportunités qui s’offrent au collaborateur sur le marché du travail et celle-ci ne doit pas être considérée comme une sorte de pénalité contractuelle en cas de résiliation des rapports de travail.

Mais alors que se passe-t-il lorsque l‘employeur met fin à la relation de travail sans que le collaborateur lui ait donné un motif justifié de le faire (cf. section suivante sur la cessation de la prohibition de concurrence)? Dans de tels cas, la prohibition de concurrence est tout bonnement caduque. Dans la décision LA190014, la Cour Suprême du canton de Zurich a décidé que si la prohibition de concurrence n‘entrait pas du tout en vigueur, le collaborateur se trouvait dans la même position que si elle n‘avait jamais été convenue. Dans ce cas, aucune demande d‘indemnisation n‘intervient, car celle-ci dépendrait dès lors de l‘entrée en vigueur de la prohibition.

Cessation de la prohibition de concurrence

La prohibition de concurrence cesse respectivement n’est plus applicable lorsque/lorsqu’il:

  • est établi que l’employeur n’a plus d’intérêt réel à ce qu’elle soit maintenue (art. 340c, al. 1 CO).
  • l’employeur résilie le contrat du travailleur sans que ce dernier lui ait donné un motif justifié de le faire.
  • le travailleur résilie le contrat pour un motif justifié imputable à l’employeur (art. 340c, al. 2 CO).

Violation de la prohibition de concurrence par le collaborateur

Si un collaborateur viole une prohibition de concurrence, il risque ce qui suit:

  • paiement de dommages et intérêts (art. 340b, al. 1 CO): l’employeur doit prouver les dommages qu’il a subis, ce qui est généralement difficile à établir. L‘employeur doit aussi prouver qu‘il subit un dommage dû à une activité concurrente.
  • pour autant qu‘il en ait été convenu de la sorte, paiement de la peine conventionnelle fixée (art. 340b al. 2 CO): le paiement de la peine conventionnelle ne libère pas le salarié de l‘obligation de payer un éventuel dommage supplémentaire excédant le montant de celle-ci. D’autre part, le paiement de la peine conventionnelle libère l‘employé de la clause de prohibition de concurrence, sauf accord contraire. Il convient de noter qu‘une peine conventionnelle jugée excessive par un tribunal peut également être réduite par ce dernier. Cependant, la fixation d‘une peine conventionnelle est le moyen le plus efficace que l‘employeur puisse déployer pour lutter contre les collaborateurs concurrents.
  • que l’employeur exige, s’il s’en est expressément réservé le droit par écrit, outre la peine conventionnelle et les dommagesintérêts supplémentaires éventuels, la cesation de la contravention, lorsque cette mesure est justifiée par l’importance des intérêts lésés ou menacés de l’employeur et par le comportement du travailleur (art. 340b, al. 3 CO). Cette mesure peut être particulièrement pénible pour un collaborateur si elle prononcée à son encontre: si ce dernier a prévu une activité concurrente et que celle-ci est par la suite interdite par un tribunal, il risque en effet de devoir faire une croix sur les contrats déjà conclus (contrat de location, contrats de travail avec ses propres salariés).

Prohibition de concurrence dans le cadre d’un contrat d’apprentissage

Les accords qui portent atteinte à la libre décision de la personne en formation quant à son activité professionnelle après l’apprentissage sont nuls (art. 344a, al. 6 CO). La loi est ici fort explicite: les accords visant à limiter le choix d’un apprenti dans le cadre de sa future vie professionnelle une fois sa période d’apprentissage achevée n’ont aucune valeur juridique.

Invalidité d’une prohibition de concurrence en cas de forte rétention de la clientèle

La prohibition de concurrence n‘est contraignante que si la relation de travail permet à l‘employé d‘avoir un aperçu de la clientèle ou des secrets de fabrication et d‘affaires et si l‘utilisation de ces connaissances est à même de porter un préjudice considérable à l‘employeur (la possibilité de préjudice n‘est donc pas avérée si l‘aperçu de la clientèle ou des secrets de fabrication et de commerce n’est que superficiel). Par conséquent, selon la jurisprudence, la possibilité d‘un dommage dû à la connaissance de la clientèle (ou dû à la connaissance des secrets) n‘entre pas en ligne de compte si la connaissance de la clientèle et des secrets de l’entreprise par le collaborateur concerné n’est pas étendue et lorsque la clientèle en question a été fortement fidélisée par l’entreprise.

Relations entre la clientèle et l’employeur fortement marquées

Le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence dans le cadre de l‘ATF 138 III 67. Si l‘employeur est très connu ou si la relation entre le client et l‘employeur est fortement personnalisée et que c‘est précisément pour cette raison que les clients font appel à ses services, la clientèle ne se tourne généralement pas vers un employé concurrent. Dans ce cas, la prohibition de concurrence n‘est pas applicable et les travailleurs n‘ont pas la possibilité de rompre ou même de faire fléchir le lien entre l‘employeur et ses clients du fait que ce dernier est fortement marqué. Ainsi, un médecin réputé ou un avocat en vue, par exemple, ne peut généralement pas imposer une prohibition de concurrence à son assistant ou à son stagiaire.

Relations entre la clientèle et le collaborateur fortement marquées

Dans le cas de relations personnelles fortement marquées entre les clients et le collaborateur, les clients ne se tournent pas vers celui-ci en raison des connaissances qu’il possède mais le suivent en raison du lien personnel qu‘ils entretiennent avec lui. La personnalité du collaborateur est d‘une importance décisive pour la relation avec les clients. Par conséquent, le lien de causalité nécessaire entre l‘aperçu de la clientèle et la possibilité de dommages importants est interrompu (ATF 138 III 67). La prohibition de concurrence n‘est donc pas non plus valable dans ce cas.

Incertitude

Bien qu‘il soit parfois incertain qu‘une prohibition de concurrence puisse être appliquée ou soit valide, cette dernière est un outil efficace pour l‘employeur désireux de ne pas faire les frais de la concurrence de certains de ses collaborateurs. Même si une prohibition de concurrence devait s‘avérer invalide dans un cas individuel, celle-ci laisse généralement flotter une incertitude considérable chez le collaborateur entretenant certaines velléités de sécession et le conduit souvent à renoncer à entreprendre des activités de type concurrentiel.

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