Où en est-on du recrutement mobile?
C’est un vaste sujet qui n’est pas encore suffisamment mûr. Il existe encore peu d’expériences réelles, d’initiatives consacrées. Les entreprises sont d’abord hésitantes pour des raisons budgétaires. Passer au recrutement mobile représente un investissement. Cela demande souvent de refaire son site carrière. Les solutions mobiles et les ATS (Applicant tracking system) manquent également parfois de compatibilités. Et les DSI pensent peut-être encore plus Web et moins mobile. Finalement, de la même façon que les réseaux sociaux ont mis du temps à émerger, et les jobboards avant eux, le recrutement mobile représente une nouvelle expérience à proposer aux candidats. Beaucoup d’entreprises n’ont pas franchi le pas. Et celles qui l’ont franchi restent frileuses, notamment pour offrir la possibilité de candidater via mobile. Elles pensent encore que le candidat va lâcher son téléphone après la consultation de l’offre pour aller candidater sur son ordinateur. Mais c’est comme permettre de consulter des offres sur un site emploi et demander ensuite d’envoyer une lettre de motivation manuscrite. Ça n’a pas de sens.
Comment se matérialise le recrutement mobile aujourd’hui?
Il existe trois façons de postuler sur mobile:
- via un site en responsive design, c’est-à-dire un site dont la présentation s’adapte automatiquement à la taille de l’écran du support utilisé pour y accéder. Orange, par exemple, a travaillé sur ce sujet.
- via un site mobile, c’est-à-dire un site adapté au mobile, avec un menu moins riche, des boutons plus gros. Comme l’ergonomie et l’expérience ne sont pas les mêmes sur mobile, on fait le choix d’une expérience simplifiée, sans y mettre toute la richesse d’un site classique. Des entreprises comme Deloitte, Accor ou le Crédit Agricole en ont fait l’expérience.
- via une application mobile.
La grosse différence entre un site Web et une application mobile, c’est que le web s’adresse au plus grand nombre et est donc assez standardisé. A l’inverse, l’application va se personnaliser en fonction de l’usage de chacun. Vous allez pousser de l’information en fonction de la géolocalisation, du contexte, etc. Cela permet d’aller assez loin dans l’expérience proposée. Fin 2012, Orange était la seule entreprise au monde à proposer un site et une application mobiles. Aujourd’hui, des entreprises comme BNP Paribas, KPMG, EDF, Crédit Agricole ou Thalès s’y sont également attelé. Et il y a encore plein de projets dans les cartons qui devraient sortir prochainement.
Qu’est ce qui pourrait inciter les entreprises à s’engager pleinement sur le sujet?
La première question que se posent les entreprises c’est: «Est-ce que l’on va aller nous chercher dans un store [plateformes de téléchargement des applications mobiles, ndlr]?» Mais il faut bien comprendre qu’il y a une vraie complémentarité entre un site en responsive design et une application. Par exemple, le site en responsive design est intéressant pour donner des informations sur l’entreprise, sur ses offres. L’application, elle, va permettre de candidater, d’être accompagné dans le process, avec une visibilité sur l’état de votre candidature, les délais de réponse. L’entreprise peut pousser des informations ou des conseils pour préparer l’entretien, inviter le candidat à visionner une vidéo, à entrer en contact avec des membres de l’équipe en poussant leurs profils sociaux, etc. On ne fait pas grand-chose aujourd’hui pour l’expérience candidat. C’est l’occasion de la renouveler; trop d’applications aujourd’hui ne sont encore qu’une reproduction du site carrière.
Comment peut s’opérer ce renouvellement de l’expérience candidat?
Quelques entreprises permettent aujourd’hui de candidater via mobile. Il est déjà possible de le faire via un bouton social qui pousse votre profil Linkedin ou Viadeo. Des entreprises comme Mac Donald’s ou Microsoft le proposent. Au-delà du bouton social, il existe d’autres possibilités pour postuler, comme aller chercher un CV dans le cloud, ou avoir un CV adapté au recrutement mobile qui renvoie vers un CV plus riche. Permettre la candidature mobile, c’est permettre de candidater dès la première visite, sans avoir à télécharger en amont son CV sur la plateforme. Tout ça a déjà évolué: le CV est devenu numérique, on parle de profil. La lettre de motivation s’est transformée en mail de motivation, quand il existe… Si le CV est bon sur des profils pénuriques, l’absence de lettre de motivation ne sera pas discriminante. Si l’on permet de candidater de cette façon, on ne va pas demander les mêmes informations avec autant de champs à remplir que sur un ordinateur. On va poser quelques questions de motivation, relatives au poste. Il s’agit de simplifier à l’extrême la candidature. Même les ATS et les sites carrière devront y passer.
Et les candidats, de leur côté, sont-il prêts?
Sur nombre de jobboards et de réseaux sociaux, les accès mobiles représentent 20 à 50% du trafic. Les candidats sont prêts. Ce sont les entreprises qui affichent du retard sur le recrutement mobile. Offrir la possibilité de candidater en un clic fait peur. Les recruteurs craignent de crouler sous des CV pas toujours bien qualifiés. Mais dans les faits, ceux qui candidatent en un clic sont moins nombreux et se positionnent en général sur des offres qu’ils ont bien ciblées. Autant se poser de vraies questions pratiques sur l’intérêt de mettre en situation, d’évaluer la motivation, le savoir-être…