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Revenu accessoire: Conflit d’intérêts?

L’article 321a, al. 3 CO prévoit que, pendant la durée du contrat, le travailleur ne doit pas accomplir du travail rémunéré pour un tiers dans la mesure où il lèse son devoir de fidélité et, notamment, fait concurrence à l'employeur. Une telle atteinte au devoir de fidélité se produit particulièrement en situation de concurrence, mais pas uniquement.

19/05/2020 De: Stefan Rieder
Revenu accessoire

Durant les rapports de travail, faire concurrence à son employeur – c’est-à-dire exercer une activité pour un prestataire de services officiant dans la même branche professionnelle et touchant une clientèle (partiellement) identique – est donc expressément illicite. Cette concurrence prohibée peut être autorisée en cas de travail partiel si l’employeur, au vu des circonstances, doit s’attendre à ce que le travailleur concerné travaille aussi pour la concurrence. Dans un tel cas – mais seulement dans la mesure où tout conflit d’intérêts notable est exclu – peut, en toute bonne foi, faire l’objet d’un accord tacite. Afin d’éviter des accords de cette nature, il est judicieux, du point de vue de l’employeur, de régler la question des activités accessoires par contrat.

Les revenus accessoires peuvent porter atteinte au devoir de fidélité sans pour autant que l’on exerce une activité concurrentielle. Les activités accessoires qui, en raison de leur volume, portent atteinte à la santé (fatigue excessive, manque de sommeil) contreviennent au devoir de fidélité de la même manière que, par exemple, le non-respect des prescriptions de la loi sur le travail concernant les temps de travail et de repos. Pareillement, l’art. 329d, al. 3 CO prévoit que, si, pendant les vacances, le travailleur exécute un travail rémunéré pour un tiers au mépris des intérêts légitimes de l'employeur, celui-ci peut lui refuser le salaire afférent aux vacances ou en exiger le remboursement s'il l'a déjà versé. Les revenus accessoires pendant les vacances sont notamment illicites dans le cadre d’une activité concurrentielle ou lorsque ladite activité fait obstacle à l’objectif de détente et de récupération qui est celui des vacances.

Devoir d’information ou d’approbation

Bien que des activités procurant un revenu accessoire puissent constituer une infraction au devoir de fidélité, il n’existe aucune obligation légale expresse de devoir annoncer une telle activité à l’employeur et encore moins l’obligation de devoir la faire approuver. L’employeur a toutefois grand intérêt à savoir, pour diverses raisons, si et dans quelles proportions le travailleur exerce une activité accessoire. C’est pourquoi, il paraît opportun de faire figurer dans le contrat de travail ou le règlement du personnel un devoir d’information, voire d’approbation. Les raisons en sont les suivantes :

  • Une modification (à court terme) ou une extension du temps de travail n’est pas possible ou alors très difficile à limiter en raison des obligations à respecter en matière de travail accessoire.
  • La possibilité d’effectuer des heures supplémentaires n’est, le cas échéant, pas envisageable en raison de l’activité accessoire exercée.
  • L’employeur principal est astreint à respecter les mêmes prescriptions en matière de durée de travail hebdomadaire maximale et de temps de repos que l’employeur fournissant le travail accessoire.
  • La fixation de la date de la prise de vacances, qui, en règle générale, est du ressort de l’employeur tout en tenant compte des souhaits exprimés par le travailleur à ce propos, ne peut se faire qu’avec difficulté étant donné que les deux employeurs doivent fixer la date en question de manière coordonnée.
  • S’agissant des frontaliers, il est possible que, dans le cadre de l’activité exercée en Suisse, ils ne soient pas assujettis aux assurances sociales suisses mais à celles de leur Etat de résidence pour autant que l’activité accessoire exercée représente au moins 25%

Activités accessoires

Les activités accessoires à but lucratif doivent être annoncées et sont soumises à autorisation. L’autorisation est donnée lorsque :

  • l’exercice de l’activité accessoire ne lèse pas les intérêts de l’employeur ;
  • la bonne marche de l’entreprise est garantie ;
  • la prestation de travail n’en souffre pas ;
  • les prescriptions en matière de travail et de temps de repos prévues par la loi sur le travail sont respectées dans leur ensemble ;

L’autorisation peut être octroyée sous conditions.

Les activités accessoires à but non lucratif ne sont pas soumises à autorisation. Elles doivent toutefois être annoncées à l’employeur avant de prendre effet et doivent également respecter les conditions énumérées ci-dessus.

Conflits d’intérêts

Des conflits d’intérêts sont particulièrement susceptibles de survenir dans le cadre d’activités accessoires. C’est le cas lorsque le travailleur poursuit ses propres intérêts et que, dès lors, il n’est plus garanti que ce dernier préserve les intérêts de son employeur. Lors de tels conflits, le devoir de fidélité inscrit à l’art. 321a, al. 1 CO prévoyant que les intérêts légitimes de l’employeur doivent être fidèlement sauvegardés est régulièrement enfreint. Selon le même article, il s’agit en premier lieu de ne rien entreprendre qui puisse nuire aux intérêts de l’employeur. Les comportements contrevenant au droit ou aux obligations vis-à-vis de l’employeur, d’autres collaborateurs, de clients ou encore de partenaires commerciaux ne sont pas admissibles. Le devoir de fidélité dépend de la fonction et de la position du travailleur, c’est-à-dire que plus sa position dans la hiérarchie est élevée, plus les exigences en matière de fidélité sont importantes. Pour cette raison, les cadres sont astreints à un devoir de fidélité plus étendu.

Il y a également conflit d’intérêt lorsque le travailleur exerce une activité pour le compte d’un fournisseur, d’un client ou même d’une entreprise concurrente. Il peut aussi y avoir atteinte au devoir de fidélité lorsqu’il travaille pour le compte d’un tiers n’exerçant pas dans le même secteur que l’entreprise. Un vendeur de voitures qui ne se contente pas de vendre des voitures pour le compte de son employeur mais qui propose aussi une assurance automobile à son client et encaisse une commission versée par une compagnie d’assurances est un cas de conflit d’intérêts manifeste. Dans un tel cas, la résiliation des rapports de travail est sans autres admissible mais, de plus, l’employeur est en droit d’exiger la restitution du gain réalisé par le travailleur attendu que ce dernier s’est arrogé une affaire de manière illicite et l’a réalisée sans en avoir reçu mandat (Jugement LA180012 de la Cour Suprême de Zurich du 11 octobre 2018).

Façon de procéder en cas de conflit d’intérêts

Afin d’éviter les conflits d’intérêts, on devrait établir de manière claire que toutes les décisions en relation avec l’employeur ou qui le touchent doivent être prises de manière raisonnable, impartiale et objective, conformément aux intérêts légitimes de l’employeur. Pour cette raison, il convient d’éviter les situations dans lesquelles les intérêts personnels, les intérêts de tiers ou encore les activités d’ordre privé entrent effectivement en conflit ou peuvent possiblement entrer en conflit avec les intérêts de l’employeur.

Du point de vue de l’employeur, il est recommandé d’édicter des règles sur la manière de procéder en cas de potentiel conflit d’intérêts. Une telle règlementation pourrait par exemple prévoir que, dans le cas d’un éventuel conflit d’intérêts ou d’un soupçon en la matière, le supérieur ou le responsable du domaine soit informé à ce propos de telle sorte que l’on puisse examiner si l’on est effectivement en présence d’un tel conflit et comment la situation pourrait être réglée de manière loyale et transparente en tenant compte des intérêts de l’employeur. Si l’employeur est informé à temps d’une situation représentant un potentiel conflit d’intérêts, ce dernier peut alors accorder une autorisation (par écrit) ou, en s’appuyant sur le droit de donner des directives, convenir de la marche à suivre.

Actes préparatoires en vue d’une activité future

Des conflits d’intérêts épineux peuvent apparaître lorsqu’un travailleur décide de quitter son employeur et envisage par la suite de lui faire concurrence. Il est dès lors question, pour le travailleur, de s’assurer un avenir décent, raison pour laquelle ses intérêts privés occupent ici une place importante. Il convient alors, au cas par cas, de procéder à une pesée des intérêts en tenant notamment compte de ceux de l’employeur et de déterminer quels actes préparatoires sont autorisés ou non. Tandis que la fondation d’une entreprise (SA, Sàrl, raison individuelle, etc.), la location de locaux commerciaux, la préparation de produits, la mise en place d’une campagne publicitaire ou la recherche de personnes en vue d’entreprendre une nouvelle activité à la fin des rapports de travail ne posent en règle générale aucun problème ; le débauchage de collaborateurs, de clients ou de fournisseurs est lui, en revanche, prohibé. On franchit la limite de ce qui est admissible en la matière lorsque les activités commerciales de l’employeur sont compromises ou menacées. C’est par exemple le cas lorsque les activités futures ont déjà fait l’objet d’une campagne publicitaire, lorsque les clients de l’employeur ont déjà été démarchés, lorsque des offres ont déjà été adressées ou lorsque, d’une manière ou d’une autre, il y a déjà eu intervention sur le marché. Les actes préparatoires admissibles en vue d’exercer une activité concurrente ultérieure ne doivent bien entendu pas être entrepris durant le temps de travail effectué au sein de l’entreprise ou en utilisant des équipements de l’entreprise de l’employeur.

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