Obligations du collaborateur: Diligence, fidélité et confidentialité

L’obligation principale du travailleur est la prestation de travail. Pourtant, il ne doit ni ouvrage, ni résultat de travail, mais il doit mettre à disposition de l’employeur sa prestation de travail conformément au contrat, pour une durée déterminée ou indéterminée. Le travailleur doit exécuter en personne le travail dont il s’est chargé, à moins que le contraire ne résulte d’un accord ou des circonstances (art. 321 CO).

07/10/2024 De: Marcel Bersier
Obligations du collaborateur

Travail personnel

L’obligation fondamentale du travailleur consiste à exécuter son travail. En principe, le travailleur ne peut le faire qu’en personne. Selon l’art. 321 CO, le travailleur exécute en personne le travail dont il s’est chargé, à moins que le contraire ne résulte d’un accord ou des circonstances.

En pratique, cela implique tout d’abord que l’employeur ne peut être tenu d’accepter le fait que le travail soit exécuté par un tiers pour le compte du travailleur. Il s’agit là d’une exception au principe général du droit des obligations posé par l’art. 68 CO, qui n’oblige le débiteur d’une obligation à une exécution personnelle que dans la mesure où le créancier y a un intérêt particulier. L’art. 321 CO confirme en cela le caractère éminemment personnel du contrat de travail.

Devoirs de diligence et de fidélité

Le contrat de travail est particulier à beaucoup de points de vue.

Il n’exige pas seulement des parties certaines contraintes matérielles, mais également des relations personnelles spécifiques et indispensables à la bonne exécution du contrat. Cela se traduit d’une part par l’obligation d’assistance de l’employeur et d’autre part par le principe exposé à l’art. 321a CO:

  • le travailleur exécute avec soin le travail qui lui est confié et sauvegarde fidèlement les intérêts légitimes de l’employeur;
  • il est tenu d’utiliser selon les règles en la matière les machines, les instruments de travail, les appareils et les installations techniques ainsi que les véhicules de l’employeur et de les traiter avec soin, de même que le matériel mis à sa disposition pour l’exécution de son travail;
  • pendant la durée du contrat, le travailleur ne doit pas accomplir du travail rémunéré pour un tiers dans la mesure où il lèse son devoir de fidélité et notamment fait concurrence à l’employeur;
  • pendant la durée du contrat, le travailleur ne doit pas utiliser, ni révéler des faits destinés à rester confidentiels tels que les secrets de fabrication et d’affaires dont il a pris connaissance au service de l’employeur; il est tenu de garder le secret même après la fin du contrat comme l’exige la sauvegarde des intérêts légitimes de l’employeur.

L’art. 321a CO est donc constitué de 4 éléments:

  • principe général;
  • utilisation des moyens de production;
  • devoir de fidélité;
  • devoir de discrétion.

Principe général

De manière générale l’art. 321a CO implique l’engagement du travailleur à adopter un comportement qui ne lèse pas les intérêts de l’employeur.

Il s’agit donc avant tout, et principalement, d’un devoir d’abstention.

Utilisation des moyens de production

L’al. 2 de l’art. 321a CO précise l’obligation du travailleur dans le cadre de l’utilisation des moyens de production mis à sa disposition pour l’exécution de son travail. Cette obligation dépend d’une part de la formation du travailleur et d’autre part de l’instruction reçue de l’employeur ainsi que des directives formulées par ce dernier.

Devoir de fidélité

On comprendra aisément que l’étendue du devoir de fidélité du travailleur correspond à des obligations qui résultent des circonstances de chaque cas d’espèce.

En principe et sauf accord ou disposition contraire, le travailleur est libre d’exercer, en dehors de ses heures de travail, une activité en faveur d’un autre employeur (travail accessoire). Il viole toutefois son devoir de fidélité si cette activité nuit à sa capacité de travail et l’empêche d’exécuter correctement ses obligations.

Exemple de la pratique: Ainsi, le devoir de fidélité est d’autant plus grand que le travailleur occupe une fonction importante dans l’entreprise de l’employeur, qu’il est en contact avec la clientèle ou qu’il a d’une quelconque autre manière la possibilité d’intervenir dans les rapports entre l’employeur et des tiers.

Exemple de la pratique:
– le travailleur ne doit pas discréditer ou nuire à la réputation de son employeur envers des tiers;
– le travailleur ne doit pas offrir ses services à un autre employeur immédiatement après avoir conclu un contrat de travail pour une durée minimale de 2 ans (ATF 117 II 560);
– le travailleur ne doit pas se procurer un avantage pécuniaire au détriment de l’employeur;
– le travailleur ne doit pas occuper un emploi accessoire tel qu’il puisse nuire à sa capacité de travail et par conséquent à la possibilité d’accomplir son obligation de travail. En outre, ce travail accessoire ne doit pas faire concurrence à l’employeur;
– enfin le travailleur ne doit pas inciter ses collègues de travail à violer leurs obligations envers l’employeur.

L’application de ce principe peut également, dans certains cas particuliers, obliger le travailleur à adopter un comportement actif, à accomplir des actes positifs pour respecter son obligation de fidélité.

Exemple de la pratique:
Le travailleur violerait son devoir en omettant de signaler un problème rencontré dans l’accomplissement de son travail et qui pourrait ensuite causer un préjudice à l’employeur.

On peut également imaginer qu’il en serait de même si le travailleur ignorait les irrégularités commises par un collègue de travail et qui seraient de nature à causer un préjudice à l’entreprise elle-même.

A ce propos, le CO ne prévoit pas encore de protection spécifique accordées aux donneurs d’alerte ou “whistleblowers” (voir le Message du Conseil fédéral sur la révision partielle du CO, Protection en cas de signalement d’irrégularités par le travailleur, FF 2013 8547).

En l’état la jurisprudence retient qu’un travailleur est autorisé à révéler des infractions commises par son employeur si un intérêt supérieur le justifie et s’il respecte le principe de proportionnalité, notamment en portant d’abord à la connaissance de son supérieur les faits reprochés, avant d’aller les signaler à l’extérieur, auprès d’une autorité voire même au public (ATF 127 III 310).

Devoir de discrétion

Le contenu de l’al. 4 de l’art. 321 est une forme particulière du devoir de fidélité. Dans l’accomplissement de son travail, le travailleur est amené à prendre connaissance de faits confidentiels (secrets de fabrication, secrets d’affaires, procédés de fabrication, listes de clientèle, etc.). Peuvent être également considérés comme confidentiels des faits que l’employeur a expressément qualifiés comme tels.

Le législateur a prévu que l’obligation de discrétion du travailleur était absolue pendant la durée du contrat de travail. Elle peut s’étendre après la fin du contrat si cela est nécessaire à la sauvegarde des intérêts légitimes de l’employeur.

On ne peut pas en effet empêcher le travailleur d’utiliser les connaissances et expériences acquises auprès de son ancien employeur pour toute la suite de sa carrière professionnelle. Seuls des intérêts particuliers de l’employeur peuvent le justifier.

On pense en particulier à des informations sur la situation économique de l’entreprise. La question de savoir à partir de quel moment l’obligation de discrétion du travailleur disparaît dépend de la nature du contrat de travail préexistant.

Précisons enfin que cette obligation est indépendante de l’existence d’une prohibition de concurrence.

Obligation de s’en tenir aux instructions

Pour délimiter le contrat de travail par rapport à d’autres contrats portant sur des prestations de travail, l’obligation de s’en tenir aux instructions à laquelle est soumis le travailleur ainsi que son intégration dans l’organisation de l’employeur, respectivement le droit de donner des instructions de l’employeur, figurent parmi les critères déterminants. Conformément à l’art. 321d CO, l’employeur peut établir des directives générales sur l’exécution du travail et la conduite des travailleurs dans son exploitation ou son ménage et leur donner des instructions particulières. Les travailleurs doivent observer selon les règles de la bonne foi ces directives et instructions.

L’obligation de s’en tenir aux instructions signifie qu’il existe un certain rapport de subordination entre l’employeur et le travailleur.

C’est même une caractéristique essentielle du contrat de travail.

L’employeur peut donner des instructions techniques concernant la prestation de travail et fixer des objectifs concernant le genre, l’étendue et l’organisation du travail à exécuter. En outre, il peut annuler ou modifier à tout moment ses instructions, il peut déléguer le droit de donner des instructions à des cadres supérieurs ou à des tiers.

Selon le Tribunal fédéral, une instruction est en général autorisée si elle vient d’une personne habilitée à donner des instructions et si elle ne dépasse pas le cadre des obligations résultant du contrat de travail. Si, en revanche, une directive se situe en dehors de ces obligations ou est donnée par une personne non autorisée à donner des instructions, le non-respect de cette instruction ne constitue pas une violation des obligations contractuelles.

Le non-respect d’une instruction autorisée peut, suivant le cas, constituer un juste motif pour la résiliation immédiate du contrat de travail.

Ne sont pas autorisées les instructions enfreignant des dispositions légales contraignantes. En font partie les instructions illégales, impossibles ou immorales ainsi que celles contraires aux dispositions de protection du travail de droit public de la loi sur le travail et de ses ordonnances, notamment.

En principe, les salariés ne doivent exécuter aucun travail autre que celui qui a été convenu par le contrat, sauf dans des situations d’urgence. Pour cette raison, il est recommandé de fixer par écrit et de manière individuelle les obligations et les compétences des salariés.

Normalement, le lieu de travail convenu est déterminant. Si le salarié doit travailler à un autre endroit ou si l’entreprise déménage, l’employeur doit prendre en charge les frais supplémentaires résultant des trajets supplémentaires et des repas pris hors du domicile.

Prohibition de faire concurrence

Afin de se protéger, les employeurs ont la possibilité, dans certaines limites, de prolonger l’interdiction de concurrence au-delà de la fin des rapports de travail, en intégrant au contrat une clause dite de prohibition de faire concurrence.

Cette interdiction, particulièrement contraignante pour un employé puisqu’elle porte atteinte à sa liberté économique, est régie par les art. 340 à 340c CO

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