Notre site web utilise des cookies et d’autres technologies afin d’améliorer votre expérience utilisateur et de mesurer la performance du site web et de nos mesures publicitaires. Vous trouverez plus d’informations et d’options dans notre déclaration de confidentialité.
OK

Hiérarchie formelle: Comment on peut la transformer

Depuis 2016, une entreprise industrielle allemande de fabrication de verres de taille moyenne travaille avec succès sans «chefs». Le propriétaire, Stephan Heiler, et le consultant, Gebhard Borck, considèrent que, dans une culture d’entreprise, la prise de responsabilité des collaborateurs est la voie la plus cohérente pour s’imposer dans un monde de plus en plus complexe. Comment déployer une telle mutation dans une entreprise?

13/07/2021 De: Gebhard Borck, Stephan Heiler
Hiérarchie formelle

Si les entreprises veulent que leurs collaborateurs travaillent en responsabilité propre dans l’intérêt de l’entreprise, elles ont besoin d’aborder la hiérarchie formelle de manière totalement nouvelle. Car, dans le passé, tout le monde savait que le contrôle du pouvoir de directive reposait sur deux conditions pour réussir:

  1. Les cadres dirigeants en savent plus
  2. Les collaborateurs éteignent leur cerveau et délèguent constamment toutes leurs tâches de réflexion vers le haut

Les cadres dirigeants ont disparu, et alors?

Est-ce que votre organisation travaille dans un environnement dans lequel ces deux principes ne sont que difficilement satisfaits? Dans l’affirmative, il vaut alors la peine d’envisager des alternatives à la direction classique. Chez nous, la hiérarchie formelle a disparu au cours de la transformation. Nous l’avons constaté au travers des expériences réalisées par Stephan:

C’est usuel chez nous, Hans frappe à la porte du bureau: «Tu as une minute?» Je le regarde en souriant par-dessus mon écran: «Laisse-moi juste le temps de finir ce courriel». En attendant, il fait quelques pas et regarde les photos de ma fille. Je lui jette un coup d’œil. Sans autre commentaire, il dépose une feuille sur le bureau – une demande de vacances. Apparemment, il voulait profiter d’un pont pour prendre une semaine de congé en ne consommant que trois jours de travail. En fait, le personnel organise depuis plusieurs mois ses vacances tout seul entre les collaborateurs. Pour les équipes, il existe un calendrier sur l’année. Chaque collaborateur marque ses jours de congés dans une certaine couleur. Ils partagent le résultat avec la comptabilité du personnel. Jusque-là, tout va bien. Je pressentais un conflit. Il y avait certainement d’autres collègues avec les mêmes intentions. Mais pour quelle raison voulait-il venir me voir pour cela?

«Autrement dit, tu veux prendre des vacances en même temps que quelqu’un d’autre, correct?» Hans hocha la tête. Je continue: «L’autre a déjà déposé ses jours avant toi?». De nouveau, une approbation muette. «Et pour quelle raison viens-tu me voir pour cette histoire?». Il haussa les épaules: «Tu es le dernier supérieur hiérarchique que nous ayons!».

Depuis 2016, l’entreprise de taille moyenne Alois Heiler Sarl, située dans la banlieue d’Heidelberg et spécialisée dans la fabrication de verres, travaille sans cadres dirigeants formels. Il n’y a plus de pouvoir direct de donner des directives. Seul le directeur, Stephan Heiler, dispose, en termes juridiques, d’une position de dirigeant. Mais il renonce activement aux droits de directive qui en découlent. Le consultant Gebhard Brock les accompagne, lui et son entreprise, sur le chemin de la transformation. L’intérêt porté au rôle différent de la direction est devenu grand après la publication de notre livre sur le processus de changement chez Heiler. Cet article vise à monter ce qui est escompté des collaborateurs qui travaillent sans chefs dans une organisation.

Peut-on supprimer tous les interlocuteurs?

À l’image de l’anecdote portant sur la pose de vacances, il y a eu beaucoup d’incidents pendant la transformation de notre entreprise. Toutefois, les changements les plus décisifs ont concerné le domaine de la gestion du personnel. De nos jours, les équipes gèrent en effet par elles-mêmes à la fois les engagements et les licenciements. Les formalités telles que la gestion du contrat de travail ou les versements de salaire sont assumées comme par le passé par la gestion centralisée du personnel. La conception du cadre relatif aux rapports de travail jusqu’au développement du personnel relève toutefois de la responsabilité des collaborateurs et des équipes. Cela se reflète notamment dans les entretiens de présentation.

De nos jours, les candidates et les candidats siègent dès le premier entretien dans un groupe de quatre ou même de huit futurs collègues. Souvent, les participants de Heiler sont tout aussi nerveux que les candidats. Nombreux d’entre eux sentent très bien la situation de leur interlocuteur. En parallèle, cela leur permet de réfléchir à ce que les nouveaux engagements signifient pour leurs propres activités quotidiennes. Certaines choses leur traversent notamment l’esprit, comme:

  • La/le pauvre. Elle/il doit se présenter devant un groupe important de personnes inconnues
  • Ah non, cela va me faire perdre du temps pour son initiation, temps qui va me manquer dans mon travail quotidien
  • Est-ce que j’ai vraiment envie de me confronter à un nouveau collègue?
  • J’espère que nous n’allons pas la/le dégoûter tout de suite de postuler ici
  • Peut-être que la nouvelle/le nouveau va irriter quelques clients pendant sa période d’essai. Je vais alors devoir repasser derrière et remettre de l’huile dans les rouages pour ne pas les perdre

L’entretien de candidature exige de tous les participants une responsabilité et une intégrité personnelles – tout comme dans le cas de la demande de congés. L’anecdote décrite comprend également une confrontation que Hans ne voulait pas aborder directement avec ses collègues. Les deux exemples montrent ce qu’une entreprise qui renonce à des cadres dirigeants formels escompte de ses collaborateurs:

  • Il faut des compétences sociales pour aborder de manière active les conflits et pour vouloir les résoudre dans le groupe
  • Dans la mesure où la totalité des résultats économiques appropriés sont publiés sous forme conséquente, les équipes ont l’obligation de contrôler et de piloter leurs propres succès
  • Toute l’entreprise doit apprendre de nouvelles formes de communication, par exemple au sein de formats de grands groupes de personnes, afin de continuer à résoudre les thèmes à aborder
  • Si l’auto-responsabilité est le fondement requis pour que le personnel se gère seul, elle n’est utile que si les collègues intègrent constamment dans leurs réflexions les intérêts et les besoins de l’entreprise
  • Dès que quelqu’un constate qu’un comportement n’est plus conforme dans un sens entrepreneurial, il faut le modifier ou l’abandonner sous forme conséquente

De notre expérience, les gens posent avec raison la question suivante: «Est-ce que le New Work va solliciter la résilience des collaborateurs?». Ce à quoi nous répondons: «Oui, si les individus sont laissés seuls avec ces exigences, il y a de fortes chances qu’ils vont échouer». C’est la raison pour laquelle, chez Heiler, nous avons créé la fonction de catalyseur d’entreprise. Il existe également des catalyseurs désignés d’entreprise.

Nous  en sommes convaincus: sans cette compréhension du travail, il est dangereux pour une entreprise de s’aventurer dans cette nouvelle activité agile. La réponse que nous avons apportée est, depuis des années, ce que nous appelons la catalyse d’entreprise.

Éléments de base de la catalyse d’entreprise

Nous combinons dans ce nouveau concept quatre éléments de base:

1. Design des prises de décision

Ici, nous distinguons quelles décisions sont prises seules et lesquelles sont prises dans le groupe. En outre, nous les délimitons en termes de contenu entre décisions au quotidien, décisions de structure et décisions stratégiques. Nous restons ainsi aptes à agir au quotidien. Les clients reçoivent immédiatement les renseignements requis, parce que tous les collaborateurs travaillent en toute autonomie. En même temps, nous relevons la qualité à la fois aux niveaux structurels et stratégiques en demandant leur avis à de nombreuses personnes avant de décider quoi que ce soit.

2. ADN de l’entreprise

Il démontre à tous comment l’entreprise et nous, les individus, sommes en interdépendance. C’est avec lui que nous concrétisons les conflits et les problèmes. Il nous permet de comprendre rapidement quelles sont leurs origines. Ce qui nous permet de mieux nous concentrer concrètement sur des solutions.

3. Sens commun

Il est appliqué lors du contrôle de notre collaboration avec une attention vouée aux intérêts des clients et à la réussite sur le marché. Nous publions les chiffres financiers tout comme les interrelations appropriées, par exemple le nombre de nouveaux clients, ceux qui sont partis et ceux qui nous sont fidèles et ainsi de suite. Différentes équipes requièrent différents ratios si elles veulent évaluer de manière logique et avec bon sens les résultats de leur travail.

4. Modèles fondamentaux de réflexion

Contrairement à ce qui se passe dans de nombreuses entreprises, la catalyse d’entreprise ne requiert des collaborateurs aucune valeur au sens d’une liste commune à laquelle ils doivent adhérer. Alternativement, l’entreprise réfléchit sur les modèles de base de réflexion vers lesquels elle veut s’orienter, par exemple l’élucidation ou l’analyse existentielle selon Viktor Frankl. Nous sommes convaincus que si les valeurs sont importantes, elles ont un effet au niveau personnel; mais les enjoindre sur le plan organisationnel est impossible.

Sur la base de ces éléments de base, la catalyse d’entreprise agit sur les orientations suivantes:

Orientations des actions via la catalyse d’entreprise

  • Accompagner les décisions – préparer et moderniser les processus et les événements liés aux décisions
  • Préserver les intérêts de l’entreprise en pleine conscience des collaborateurs – remettre des rapports contenant des chiffres et des informations utiles aux équipes
  • Extension des compétences de communication et sociales – préparer les entretiens difficiles et les modérer, organiser des entretiens individuels, etc.

Pour les décisions opérationnelles, nous appliquons d’autres concepts et méthodes en fonction de la taille des groupes. Nous distinguons ici les entretiens directs avec un ou deux interlocuteurs, les petits groupes jusqu’à 7 personnes et les grands groupes allant de 8 personnes à l’ensemble des collaborateurs. Ce faisant, nous faisons appel à des concepts connus sous forme générale tels que l’agilité, la sociocratie ou la modération de grands groupes.

Naturellement, les catalyseurs n’ont aucun pouvoir de directive. Toutefois, ils se concentrent en permanence sur des thématiques telles que le changement, la structuration, etc. Là où, chez les collaborateurs qui maîtrisent notre quotidien, il manque des disponibilités sous la forme de temps et de savoir-faire, nous les compensons avec des catalyseurs d’entreprise. Ainsi, l’entreprise parvient à fonctionner sans hiérarchie formelle en dépit des exigences qui nous sont imposées par le nouveau monde du travail.

Newsletter S’abonner à W+