Chiffres commerciaux: Obligation de garder le secret?

Aides de travail appropriées
Obligation de confidentialité selon le droit du travail
Le salarié ne peut exploiter ou communiquer à des tiers des faits confidentiels, tels que notamment des secrets de fabrication ou des secrets commerciaux, dont il a eu connaissance pendant la relation de travail (art. 321a al. 4 CO). Il existe donc, durant toute la durée de la relation de travail, une obligation absolue de confidentialité du salarié en ce qui concerne tous les faits devant rester secrets, aussi bien dans le temps que dans leur contenu.
L’obligation de confidentialité s’applique également au-delà de la fin du contrat de travail, dans la mesure où cela est nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l’employeur (art. 321a al. 4 CO). Autrement dit, une fois la relation de travail terminée, l’obligation de confidentialité est limitée aux faits pour lesquels l’employeur conserve un intérêt légitime à la confidentialité. Cette restriction matérielle vise à garantir que le salarié ne soit pas entravé dans sa progression professionnelle. Il faut donc pondérer, au cas par cas, l’intérêt de l’employeur à la confidentialité face à l’intérêt du salarié à son développement économique.
Ce cadre légal peut en outre être modifié contractuellement entre employeur et salarié (cf. art. 361 al. 1 CO et art. 362 al. 1 CO). L’employeur et le salarié peuvent donc convenir, pour le cas de la fin de la relation de travail, d’une obligation de confidentialité post-contractuelle élargie, par laquelle les secrets commerciaux doivent être gardés en toute circonstance. Dans ce cas, la pesée d’intérêts susmentionnée ne s’applique plus.
Contenu de l’obligation de confidentialité
L’obligation de confidentialité en droit du travail concerne des « secrets », c’est-à-dire des faits connus uniquement d’un cercle restreint de personnes. Les faits généralement connus (par exemple, issus du registre du commerce) ou accessibles sans efforts particuliers (par exemple, sur Internet) ne sont pas soumis à l’obligation de confidentialité. Il en va de même pour des faits disponibles dans toutes les entreprises du secteur concerné. En outre, un fait n’est considéré comme secret que si l’employeur souhaite effectivement qu’il le reste (volonté de confidentialité). Cette volonté n’a pas besoin d’être exprimée formellement. Il suffit que, dans les circonstances données, le salarié comprenne ou doive comprendre que son employeur souhaite garder certains faits confidentiels. Outre la volonté de confidentialité, l’employeur doit également avoir un intérêt légitime à garder ces faits secrets. Il ne suffit donc pas que l’employeur qualifie un fait de confidentiel : il doit exister des motifs légitimes à la confidentialité. Enfin, il est sans importance que l’employeur ait transmis expressément ces faits au salarié, que le salarié en ait eu connaissance fortuitement ou qu’il les ait découverts de manière non autorisée.
La loi ne définit pas précisément quels faits sont à considérer comme secrets. En pratique, sont considérés comme secrets commerciaux tous les faits relevant de la distribution et de la situation patrimoniale de l’employeur. Cela comprend par exemple les listes de clients / fichiers clients, les résultats d’enquêtes de marché, les stratégies tarifaires et marketing, les calculs de prix et marges, la situation financière de l’entreprise, les données relatives au personnel, les feuilles de salaires, les sources d’approvisionnement et d’achat, les canaux / possibilités de vente, etc. En ce qui concerne les feuilles de salaires, il faut noter que, selon le Tribunal fédéral, le propre salaire d’un salarié ne constitue pas un secret commercial. Un salarié est donc autorisé à parler de son salaire avec des tiers. Concernant les fichiers clients, il faut également noter que, selon le Tribunal fédéral, la seule connaissance des clients ne fait pas partie des secrets protégés par l’obligation de confidentialité prévue à l’art. 321a al. 4 CO, même après la fin du contrat de travail.
Conséquences en cas de violation de l’obligation de confidentialité
Si le salarié viole son obligation pendant la relation de travail, l’employeur peut, en cas de manquement léger, adresser un avertissement, éventuellement assorti d’une menace de conséquences en cas de récidive. En cas de manquements graves, il peut résilier le contrat avec effet immédiat (art. 337 al. 1 et 2 CO) ou de manière ordinaire. Si l’employeur subit un dommage concret et prouvable à la suite d’une telle violation, il peut aussi demander des dommages-intérêts au salarié (art. 321e CO). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce droit doit être exercé au plus tard à la fin du contrat si le dommage est déjà connu ou reconnaissable. La prescription de dix ans de l’art. 127 CO s’applique par ailleurs.
L’employeur peut également porter plainte pénale contre le salarié pour violation de secret de fabrication ou de secret commercial (art. 162 CP). La plainte nécessaire à la poursuite pénale doit être déposée dans un délai de trois mois dès la connaissance de la violation. Le salarié s’expose alors à une peine privative de liberté allant jusqu’à trois ans ou à une peine pécuniaire.
En plus de ces conséquences prévues par la loi, des sanctions contractuelles peuvent également être prévues. Il est par exemple possible de convenir, dans le contrat de travail, d’une clause pénale applicable en cas de violation de l’obligation de confidentialité (cf. art. 160 al. 1 CO).
Conclusion : chiffres commerciaux et obligation de confidentialité
Les chiffres commerciaux sont, durant la relation de travail, des secrets commerciaux protégés par le droit du travail, qui ne peuvent être divulgués à des tiers. Dès lors que ces chiffres commerciaux sont cependant connus du public ou accessibles (par exemple parce que l’employeur les a publiés lui-même), ils ne sont plus considérés comme secrets et ne relèvent alors plus de l’obligation de confidentialité.
Après la fin du contrat, les chiffres commerciaux de l’employeur restent soumis à une obligation de confidentialité restreinte. Tant que l’intérêt de l’employeur à garder ces chiffres confidentiels ne nuit pas à l’évolution professionnelle du salarié – ce qui est rarement le cas – le salarié demeure tenu à la confidentialité au-delà de la relation de travail.
FAQ sur les chiffres commerciaux
Question : Les chiffres commerciaux sont-ils toujours des secrets d’affaires ?
Réponse : Non. Uniquement s’ils ne sont pas accessibles au public et s’il existe un intérêt légitime à leur confidentialité.
Question : Un salarié peut-il parler de son propre salaire ?
Réponse : Oui. Selon le Tribunal fédéral, le salaire personnel ne constitue pas un secret commercial.
Question : Combien de temps l’obligation de confidentialité perdure-t-elle après la fin du contrat ?
Réponse : Tant qu’un intérêt légitime de l’employeur subsiste – mais c’est souvent limité.
Question : Quelles sanctions sont possibles en cas de violation de l’obligation ?
Réponse : Résiliation (ordinaire ou immédiate), demande de dommages-intérêts, clause pénale (si prévue), et sanctions pénales selon l’art. 162 CP.
Question : L’employeur peut-il renforcer contractuellement l’obligation de confidentialité ?
Réponse : Oui, par une clause de confidentialité ou des dispositions supplémentaires dans le contrat de travail.