Contrat de conseil: Principes et conseils

Un contrat de conseil est juridiquement considéré comme un mandat au sens des art. 394 ss CO. Le mandataire s’engage à exécuter les affaires ou à fournir les services convenus conformément au contrat. Contrairement au contrat d’entreprise, le mandat ne comporte aucune garantie quant au succès de l’activité déployée, et aucune promesse de résultat concret ne peut être exigée du mandataire.

05/08/2025 De: Thomas Wachter
Contrat de conseil

Définition

Un contrat de conseil est juridiquement considéré comme un mandat au sens des art. 394 ss CO. Le mandataire s’engage à exécuter les affaires ou à fournir les services convenus conformément au contrat. Contrairement au contrat d’entreprise, le mandat ne comporte aucune garantie quant au succès de l’activité déployée, et aucune promesse de résultat concret ne peut être exigée du mandataire.

Ainsi, lorsqu’un conseiller en entreprise élabore un concept visant à améliorer l’efficacité des opérations d’une organisation, il ne peut garantir que ce concept sera mis en œuvre dans tous ses aspects. Même le meilleur concept reste inefficace si les supérieurs hiérarchiques et les collaborateurs ne s’y tiennent pas.

Contenu du contrat de conseil

Aucune forme particulière n’est requise pour le mandat. Toutefois, il est vivement recommandé de formaliser un contrat écrit dans le cadre d’une mission de conseil. Celui-ci devrait idéalement couvrir au moins les éléments suivants :

  • Description de la mission de conseil: Les missions de conseil sont souvent formulées de manière vague. Il peut ainsi arriver que des consultants perçoivent des honoraires élevés pour des prestations creuses, voire inappropriées. Il est donc essentiel de définir précisément la mission confiée. En cas de mission complexe, il est judicieux de fixer les contours de l’intervention lors d’un entretien préalable, consigné dans un procès-verbal signé par les deux parties et auquel le contrat pourra faire référence. Il est également important de prévoir un calendrier précis pour la conception et l’exécution de la mission.
  • Recours à des tiers: Conformément au CO, le mandataire est en principe tenu d’exécuter personnellement la mission. Il peut toutefois en déléguer certaines parties à des employés et, si nécessaire, confier certains aspects à des tiers (substitution) dans l’intérêt du mandant. Cela peut par exemple être le cas lorsqu’un consultant est engagé pour traiter des questions managériales ou juridiques, mais ne possède pas les compétences techniques requises. Il est alors pertinent qu’il fasse appel à un spécialiste technique. Il reste cependant responsable du choix soigneux de cette personne. En cas de substitution non autorisée, il répond des actes du substitut comme s’il s’agissait des siens.
  • Honoraires: Des honoraires sont dus s’ils ont été convenus ou s’ils sont d’usage. Dans le cadre d’un mandat de conseil, il est recommandé de fixer les honoraires de manière précise, soit selon le temps consacré, soit sous forme forfaitaire. La rémunération ne dépend pas du résultat. Le mandant doit en outre rembourser les frais et débours liés à l’exécution du mandat. Le paiement des honoraires ne devient exigible qu’une fois que le mandataire a rendu compte de son activité.
  • Utilisation des documents et des données: Le mandataire est tenu de restituer les documents et objets au terme du mandat. Il ne bénéficie d’aucun droit de rétention en cas de non-paiement de la part du mandant. Il est recommandé de prévoir des dispositions précises concernant les documents et les données, notamment en matière de confidentialité. Il est également essentiel de convenir des droits respectifs des parties à l’issue de la collaboration, y compris dans le cas d’une interruption prématurée du projet. En principe, les droits sur les données doivent rester la propriété du mandant.

Cas pratique : Conseil dans le cadre d’un contrat de vente

Il arrive qu’un contrat de vente soit assorti d’un mandat de conseil. Cela peut également soulever des questions de responsabilité. Un arrêt pertinent a été rendu par le Tribunal fédéral en 2000.

Situation initiale

Le demandeur, H.H., avait été chargé par un établissement médico-social à Oberwinterthur de produire et poser des dalles amortissantes, destinées à atténuer les conséquences d’éventuelles chutes. Il s’agissait de dalles en béton recouvertes d’un revêtement élastique monocouche ou multicouche, collé à l’aide d’un adhésif. Dans le cadre du développement de ces dalles, le demandeur a consulté la défenderesse, une entreprise internationale spécialisée dans les adhésifs, pour savoir si un produit de sa gamme convenait à cette application. Un contrat de conseil a été conclu entre les parties, prévoyant notamment des tests de dalles échantillons dans le laboratoire de la défenderesse. Ces essais en chambre climatique ont montré que la colle était adaptée à l’usage envisagé. D’autres tests portant sur les conditions d’application ont également donné des résultats satisfaisants.

Sur la base de ces résultats et des informations reçues, le demandeur a entrepris la construction et l’installation d’une presse à dalles destinée à une production efficace. Durant l’hiver 1994/95, il a fabriqué les dalles, qui ont ensuite été posées sur la terrasse du toit de l’établissement. En mai 1995, des cloques sont apparues sur les dalles. Le demandeur a dû corriger ces défauts à ses frais et a réclamé à la défenderesse l’indemnisation du dommage subi. Le Tribunal de commerce du canton de Zurich lui a accordé une indemnité inférieure au montant réclamé. Le recours en nullité formé contre ce jugement a été rejeté par la Cour de cassation.

La défenderesse a alors interjeté appel auprès du Tribunal fédéral contre le jugement du Tribunal de commerce du canton de Zurich, demandant le rejet de l’action. Le demandeur a requis le rejet du recours et la confirmation du jugement attaqué. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable, et a confirmé la décision cantonale.

Décision du Tribunal fédéral

Le Tribunal fédéral a motivé sa décision comme suit :

Les parties s’accordaient à reconnaître que la délamination de la couche synthétique des dalles provenait d’une pression de vapeur. La défenderesse soutenait dans la procédure cantonale qu’elle n’avait garanti qu’une résistance à l’eau et à la température jusqu’à 90 °C, et qu’elle n’était pas tenue d’anticiper la formation de pression de vapeur. Le Tribunal de commerce lui a opposé que la pression de vapeur résulte d’une combinaison de température et d’humidité. Selon la défenderesse, cette conclusion contredisait des lois physiques élémentaires, car la température et l’humidité ne produisent que de la vapeur, laquelle n’exerce une pression que dans un volume fermé. Elle invoquait donc une erreur manifeste au sens de l’art. 63 al. 2 CO.

Or, selon la jurisprudence, une erreur manifeste n’est retenue que lorsque l’instance inférieure a ignoré ou mal interprété un passage précis du dossier, en particulier en ne le reprenant pas fidèlement. Il était manifeste que tel n’était pas le cas ici. En outre, la plainte pour erreur manifeste était infondée, puisque le Tribunal de commerce avait bien tenu compte des lois physiques, y compris de celles invoquées par la défenderesse. Il avait en particulier correctement constaté que la pression de vapeur résulte de la combinaison de la température et de l’humidité.

Une constatation essentielle du Tribunal fédéral fut que, compte tenu des circonstances concrètes et de la jurisprudence, un contrat de conseil avait bel et bien été conclu entre les parties, et que le droit du mandat devait s’appliquer. La défenderesse s’était ainsi engagée à défendre loyalement les intérêts du demandeur dans le cadre de l’examen de l’aptitude de la colle à l’usage envisagé, et à faire preuve de la diligence requise.

Le Tribunal fédéral a confirmé ici sa jurisprudence relative à l’obligation de diligence. Le degré de diligence attendu est déterminé sur la base de critères objectifs et en tenant compte des circonstances du cas concret. Le point de référence est la diligence dont ferait preuve un mandataire consciencieux placé dans la même situation. Les exigences sont élevées lorsqu’il s’agit d’un spécialiste. Le professionnel mandaté doit informer le mandant de sa propre initiative, notamment sur la pertinence de la mission, les risques encourus et les chances de succès. L’obligation d’information porte en principe sur tout ce qui est important pour le mandant.

Le Tribunal de commerce avait considéré que la défenderesse, en tant que fabricante spécialisée d’adhésifs, aurait dû connaître le problème de pression de vapeur, responsable de la formation de cloques. Elle aurait donc dû examiner avec une attention particulière les sollicitations possibles ou formuler une réserve dans sa recommandation. La défenderesse faisait valoir que, selon les considérations de l’autorité précédente, elle aurait dû anticiper des risques que le demandeur lui-même ignorait. Elle estimait par ailleurs que l’obligation d’investigation que lui imposait le Tribunal de commerce allait trop loin.

Le Tribunal fédéral a rétorqué que, pour apprécier la diligence due par la défenderesse, le fait que le demandeur ignorait lui aussi le risque lié à la pression de vapeur n’était pas déterminant. Ce dernier s’était justement tourné vers la défenderesse, conformément à la fiche technique du produit, précisément parce qu’elle possédait l’expertise nécessaire pour évaluer la pertinence de la colle. La défenderesse connaissait tous les éléments qui, combinés, étaient susceptibles de générer une pression de vapeur, causant ainsi les cloques. Le demandeur était en droit d’attendre d’une spécialiste qu’elle reconnaisse cette problématique – soit par des questions complémentaires, soit en accompagnant les résultats des tests d’une réserve explicite. Le Tribunal de commerce avait donc à juste titre conclu que la défenderesse avait violé son obligation de diligence en communiquant les résultats positifs des tests sans aucune réserve.

La défenderesse faisait également valoir que l’attribution d’une faute par le Tribunal de commerce violait le droit fédéral. Le Tribunal fédéral rappela alors que, dans les cas de responsabilité contractuelle, la faute est présumée. Par ailleurs, la notion de faute est appréciée de manière objective. Une fois établie la violation de l’obligation de diligence, également selon un critère objectif, rien ne justifiait en l’espèce une exonération de la défenderesse. L’imputation d’une faute ne contrevenait donc pas au droit fédéral.

Le Tribunal de commerce avait aussi constaté que les résultats positifs fournis par la défenderesse avaient conduit le demandeur à utiliser l’adhésif pour la fabrication des dalles amortissantes. En matière de responsabilité contractuelle, selon le Tribunal fédéral, l’évaluation de la causalité adéquate ne se fonde pas sur n’importe quel maillon de la chaîne causale naturelle, mais sur la violation contractuelle en question. La question à trancher était donc de savoir si l’information transmise avec négligence par la défenderesse était, selon le cours normal des choses et l’expérience de la vie, propre à entraîner un dommage tel que celui survenu – ou du moins à le favoriser. Le demandeur avait construit la presse à dalles en fonction des caractéristiques de l’adhésif recommandé. D’après les constatations de l’instance inférieure, cette presse ne pouvait plus être utilisée une fois la colle révélée comme inadéquate. Le demandeur avait en outre dû remédier aux défauts provoqués par cet adhésif inadapté. Pour le Tribunal fédéral également, ces postes de dommage avaient été causés de manière adéquatement causale par l’information transmise sans la diligence requise.

Le Tribunal fédéral a encore formulé le principe général suivant : en règle générale, le comportement de la personne lésée ne rompt pas le lien de causalité adéquate entre le comportement du responsable et le dommage, même si la faute de la victime est plus grave que celle de l’auteur. En l’occurrence, le Tribunal de commerce avait déjà admis une faute concomitante du demandeur, et avait réduit l’obligation de réparation de la défenderesse d’un tiers en application de l’art. 44 al. 1 CO. Le Tribunal fédéral a refusé toute réduction supplémentaire, notamment parce qu’il fallait considérer que l’avis donné était rémunéré. En raison de cet intérêt propre de la défenderesse, cette information ne pouvait être considérée comme une simple faveur exonérant de responsabilité au sens de l’art. 43 CO.

À retenir : Ce cas permet de conclure que les vendeurs qui conseillent leurs clients dans le cadre d’un achat sont tenus aux mêmes obligations de diligence que tout autre prestataire de conseil.

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