Controlling: Une plus-value grâce au Controlling agile
Prof. Dr. Thomas Rautenstrauch
Thomas Rautenstrauch est professeur pour la formation en économie d’entreprise et plus particulièrement en accounting et controlling. Il est d’ailleurs directeur du Center for Accounting & Controlling de la Haute école d’économie de Zürich. De plus, il enseigne, en qualité de professeur invité, le management accounting en Executive MBA au sein de l’Institute for Management in Technology (iimt) de l’Université de Fribourg. Thomas Rautenstrauch est l’auteur de plusieurs ouvrages spécialisés et de nombreux articles pour des revues et pour la presse économique.
Aides de travail appropriées
Le travail agile – une introduction
L’ère actuelle de transformation numérique confronte non seulement les entreprises individuelles, mais des secteurs entiers à de profondes mutations. Cette numérisation se manifeste non seulement par une automatisation croissante des processus ainsi que par l’évolution rapide des besoins et attentes des clients, mais aussi par l’émergence d’offres numériques dans le cadre de modèles d’affaires existants ou entièrement nouveaux.
On observe notamment que des fournisseurs et secteurs traditionnels – comme la finance – sont mis sous pression par de nouveaux acteurs innovants et numériques, souvent désignés sous le terme de Fintech. Ces derniers ne représentent pas seulement un défi technologique: ils peuvent remettre en cause l’existence même des acteurs traditionnels, si ces derniers ne parviennent pas à évoluer et à s’adapter de manière dynamique à un environnement concurrentiel en pleine mutation.
Une réponse aux nouveaux défis managériaux souvent désignés par l’acronyme VUCA – pour volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté – est de plus en plus recherchée, ces dernières années, dans les concepts de gestion d’entreprise agiles.
Les méthodes agiles sont en vogue. Grâce à leur forte capacité d’adaptation à un environnement instable, elles sont considérées comme particulièrement prometteuses, notamment parce qu’elles offrent un degré de flexibilité élevé, en rompant avec des règles, des processus et des instructions trop formalisés.
Le présent article s’interroge sur la manière dont le contrôle de gestion peut, grâce aux méthodes agiles, générer une véritable plus-value.
L’agilité, un principe issu du développement logiciel
Le travail agile est à l’origine un principe apparu dans les années 1990 dans le domaine du développement logiciel, alors jugé trop lent et insuffisamment flexible. Ce n’est toutefois qu’en 2001 qu’un groupe de développeurs a publié le Manifeste Agile, avec pour objectif de provoquer un changement de paradigme face aux processus rigides qui dominaient alors le développement informatique. Leur ambition : rendre ces processus plus légers, plus rapides et plus centrés sur le client.
La planification rigide, avec ses séquences prédéfinies – comme le symbolise la méthodologie en cascade dans la gestion de projet traditionnelle – était devenue inadaptée. Le Manifeste Agile repose ainsi sur les quatre principes fondamentaux de l’agilité, destinés à générer des avantages en termes de coûts, de délais et de qualité grâce à un nouvel alignement stratégique: (https://agilemanifesto.org):
- Priorité aux individus plutôt qu’aux processus
- Priorité à la fonctionnalité plutôt qu’à la documentation
- Priorité au client plutôt qu’aux règles
- Priorité à l’adaptation plutôt qu’à la planification
Cette rupture avec des approches rigides, hiérarchisées et fondées sur les règles n’est plus seulement considérée comme souhaitable dans le cadre des projets logiciels: elle est désormais jugée pertinente pour des équipes, voire pour des organisations entières. Le terme «agile» véhicule ainsi une nouvelle conception des formes organisationnelles.
L’agilité désigne dès lors la capacité des individus, des équipes et des organisations à agir de manière centrée sur le client, autonome et flexible dans un contexte d’incertitude et de transformation.
- Stratégie agile: passer de la conquête de ressources rares à la co-création de valeur avec les parties prenantes
- Structures agiles: passer de hiérarchies rigides à des réseaux d’équipes autonomes
- Processus agiles: passer de plans stricts à des cycles d’apprentissage courts et à l’expérimentation
- Collaborateurs agiles: passer de simples exécutants à des coéquipiers responsables
- Technologie agile: passer d’une fonction de support à un élément intégré de la chaîne de valeur
Caractéristiques et potentiel des méthodes agiles
Dans le cadre de la transformation numérique, les méthodes de gestion agiles – telles que Scrum, Design Thinking ou Kanban – suscitent un intérêt croissant. En effet, les concepts traditionnels de management sont de plus en plus jugés trop rigides, trop hiérarchisés et insuffisamment flexibles face aux exigences dynamiques actuelles.
Cela dit, l’impact réel des méthodes agiles sur l’efficacité des processus et fonctions managériales fait encore l’objet de débats. Il n’est pas établi de manière unanime que ces approches améliorent effectivement les résultats, ni que leur portée ne soit pas surestimée.
Bon nombre des méthodes agiles connues aujourd’hui trouvent leur origine dans le développement logiciel ou dans les approches de développement et de communication d’équipe. La suite du présent article présente en particulier Scrum, l’une des méthodes agiles les plus largement utilisées.
Scrum, la méthode agile la plus connue
La méthode Scrum trouve ses origines au Japon. Deux chercheurs ont souligné l’importance cruciale de la collaboration dans les projets dans un article publié en 1986 dans la Harvard Business Review, intitulé The New New Product Development Game. Ils y montraient que le travail collaboratif favorisait les synergies, révélait des connaissances implicites et ouvrait la voie à l’innovation.
Les deux auteurs plaidaient notamment en faveur d’une organisation des projets complexes fondée sur les impulsions issues de l’équipe projet, plutôt que sur une approche hiérarchique descendante (top-down). Ils furent également les premiers à employer les termes «Scrum» et «Sprint», empruntés au vocabulaire du rugby et devenus des notions centrales dans la méthode Scrum:
- Scrum désigne la mêlée, soit l’agrégation dense de plusieurs joueurs qui, en unissant leurs forces, font avancer le ballon dans une même direction. Par analogie, une organisation atteint ses objectifs lorsque les membres d’une équipe réagissent de manière spontanée et convergente vers un but commun
- Scrum se caractérise notamment par les Sprints, des cycles de travail courts – généralement d’une à quatre semaines – au terme desquels l’état d’avancement du projet est systématiquement présenté
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