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Discrimination salariale: Egalité entre les sexes et discrimination salariale

Selon l’art. 3 LEg, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s’agissant de femmes, leur grossesse (al. 1); l’interdiction de toute discrimination s’applique notamment à la rémunération (al. 2). Il s’agit d’une concrétisation du principe selon lequel l’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale, inscrit à l’art. 8 al. 3 in fine Cst. L’action en paiement du salaire dû figure parmi les moyens judiciaires à disposition de celle ou de celui qui subit ou risque de subir une discrimination au sens de l’art. 3 LEg (art. 5 al. 1 let. d LEg).

05/02/2024 De: Philippe Ehrenström
Discrimination salariale

Aux termes de l’art. 6 LEg, l’existence d’une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s’en prévaut la rende vraisemblable. Cette disposition utilise deux institutions indépendantes l’une de l’autre: la présomption de fait et le degré de preuve.

S’agissant du degré de preuve, la discrimination doit être rendue simplement vraisemblable (question de droit fédéral en lien avec l’art. 6 LEg). Il s’agit d’un assouplissement de la preuve par rapport à la certitude découlant du principe général de l’art. 8 CC. La preuve au degré de la simple vraisemblance ne nécessite pas que le juge soit convaincu du bien-fondé des arguments de la partie demanderesse; il doit simplement disposer d’indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu’il puisse en aller autrement. Le juge utilise la présomption de fait, en ce sens qu’il déduit d’indices objectifs (fait prémisses) le fait de la discrimination (fait présumé; question de fait), au degré de la simple vraisemblance.

Par exemple, la vraisemblance d’une discrimination salariale a été admise dans le cas d’une travailleuse dont le salaire était de 15 à 25% inférieur à celui d’un collègue masculin qui accomplissait le même travail. Et si une femme, qui présente des qualifications équivalentes à son prédécesseur de sexe masculin, est engagée à un salaire moins élevé que lui pour un travail inchangé, il est vraisemblable que cette différence de traitement constitue une discrimination à raison du sexe, prohibée par l’art. 3 Leg. Lorsqu’une discrimination liée au sexe est ainsi présumée au degré de la vraisemblance, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve stricte du contraire. Le fardeau de la preuve est donc renversé. Si l’employeur échoue à apporter la preuve stricte qu’il n’existe pas de différence de traitement ou, si celle-ci existe, qu’elle repose sur des facteurs objectifs, l’existence d’une discrimination salariale doit être tenue pour établie.

Pour décider si un salaire déterminé ou si la différence entre les salaires est discriminatoire, il faut, d’une part, tenir compte de questions relevant du fait, tels le montant du salaire ou le montant de la différence entre les salaires ainsi que l’existence de circonstances alléguées, comme la formation professionnelle, l’âge, etc. Il faut déterminer, d’autre part, si les critères d’appréciation ou de différenciation sont admissibles, ce qui est une question de droit. Constituent des motifs objectifs ceux qui peuvent influencer la valeur même du travail, comme la formation, le temps passé dans une fonction, la qualification, l’expérience professionnelle, le domaine concret d’activité, les prestations effectuées, les risques encourus et le cahier des charges. Des disparités salariales peuvent également se justifier pour des motifs qui ne se rapportent pas immédiatement à l’activité en cause, mais qui découlent de préoccupations sociales, comme les charges familiales ou l’âge. La position de force d’un travailleur dans la négociation salariale et la situation conjoncturelle peuvent conduire à une différence de rémunération pour un même travail. Mais les disparités de salaire qui sont dues à des occasions de négociation différentes ou qui résultent de fluctuations conjoncturelles doivent être compensées dès qu’il est raisonnablement possible de le faire pour l’employeur, le cas échéant dans le délai d’une année. Lorsque le cahier des charges est le même ou qu’il est identique pour les travailleurs d’une société, indépendamment de leur sexe, de meilleures prestations de travail, quantitatives ou qualitatives, peuvent justifier une différence de salaire, à condition qu’elles soient établies. Pour qu’un motif objectif puisse légitimer une différence de salaire, il faut qu’il influe véritablement de manière importante sur la prestation de travail et sa rémunération par l’employeur. Celui-ci doit démontrer que le but objectif qu’il poursuit répond à un véritable besoin de l’entreprise et que les mesures discriminatoires adoptées sont propres à atteindre le but recherché, sous l’angle du principe de la proportionnalité.

Si la partie défenderesse apporte la preuve d’un facteur objectif justifiant une différence de traitement, l’ampleur de cette différence doit encore respecter le principe de la proportionnalité et ne pas apparaître inéquitable. Le Tribunal fédéral a jugé ainsi qu’une différence de rémunération de 8 à 9% touchant deux logopédistes ne violait pas le principe de l’égalité salariale, dans la mesure où elle était motivée par une formation préalable différente (maturité d’une part, diplôme d’instituteur d’autre part (ATF 123 I 1 consid. 6e).

Il est par ailleurs admis de se baser sur l’enquête suisse sur les salaires (ESS) de l’Office fédéral de la statistique pour apprécier la situation respective de chacun et les éventuelles inégalités, les données qui y sont contenues étant des faits notoires.

(Arrêt du Tribunal fédéral 4A_344/2022 du 15 mai 2023)

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