Donation: Rappel des principes juridiques

Est considérée comme donation toute libéralité entre vifs par laquelle une personne enrichit une autre sans contre-prestation correspondante, en prélevant sur son propre patrimoine (art. 239 CO). Cet article présente les points essentiels du contrat de donation selon le droit suisse.

04/08/2025 De: Regula Heinzelmann
Donation

Caractéristiques juridiques d’une donation

Pour qu’un acte soit qualifié de donation, les éléments suivants doivent être réunis :

  • La libéralité est effectuée sans contrepartie ;
  • Les parties conviennent expressément qu’il s’agit d’une donation (contrat de donation) ;
  • Le bénéficiaire est enrichi aux dépens du patrimoine d’autrui ;
  • Le patrimoine du donateur est diminué et ce dernier manifeste une volonté claire de gratifier la personne bénéficiaire.

On peut donner tout ce qui peut être vendu. Les dons en espèces sont donc en principe considérés comme des donations. Est également assimilé à une donation le fait de réduire les charges d’un bénéficiaire, par exemple en renonçant à exiger le remboursement d’une dette ou en versant un prêt dû par un tiers directement au bénéficiaire.

Une donation suppose un lien de causalité direct entre l’augmentation du patrimoine du bénéficiaire et la diminution corrélative de celui du donateur. En revanche, les libéralités résultant d’une succession ou le renoncement à une succession ne sont pas considérés comme des donations. De même, renoncer à un droit avant même de l’avoir acquis ne constitue pas une donation au sens de l’art. 239 CO.

Cette disposition s’applique par exemple lorsqu’une personne renonce à exercer un droit d’achat ou à accepter une offre avantageuse. De plus, l’accomplissement d’un devoir moral n’est pas non plus qualifié de donation (voir ci-dessous).

Donation et capacité civile

Une personne incapable de discernement peut tout de même acquérir valablement une donation, à condition qu’elle soit capable de discernement. Toutefois, le représentant légal peut s’opposer à l’acceptation de la donation ou en exiger la restitution (art. 241 CO). Cela peut s’avérer justifié, par exemple si la chose donnée est inadaptée à l’âge ou au développement de l’enfant, ou qu’elle pourrait lui nuire.

La donation n’est pas valablement acquise – ou est annulée – si le représentant légal la refuse.

Selon l’art. 240, al. 2 CO, seuls des cadeaux d’usage à l’occasion d’événements particuliers peuvent être consentis sur le patrimoine d’une personne incapable de discernement. La responsabilité du représentant légal reste néanmoins engagée.

Conditions et charges attachées à une donation

Une donation peut être assortie de conditions ou de charges (art. 245, al. 1 CO).
Ces modalités ne sont toutefois pas considérées comme des contreparties, car cela irait à l’encontre du caractère gratuit de la donation.

La validité du contrat de donation ne dépend donc pas de la réalisation des charges ou conditions. Celles-ci constituent une simple restriction de la prestation du donateur. Par exemple, le donateur peut se réserver la gestion du bien donné ou imposer au donataire d’effectuer des dons à des œuvres caritatives.

Il est fortement recommandé de formuler ces conditions par écrit à des fins de preuve.

Exemples : Je donne mes bijoux à ma fille à condition qu’elle les transmette à ses propres enfants.
Je fais don d’une voiture à mon fils à condition qu’il fasse avec moi, une fois par mois, des courses importantes pour mes besoins. Les marchandises restent bien entendu à ma charge.

Le donateur peut exiger l’exécution des conditions ou des charges attachées à la donation.
Il peut même intenter une action en justice contre le donataire si ce dernier ne respecte pas les obligations prévues dans le contrat de donation (art. 246 CO).

Lorsqu’un intérêt public est en jeu, l’autorité compétente peut, après le décès du donateur, exiger le respect des charges ou l’exécution du contrat de donation.

Le donataire est en droit de refuser l’exécution d’une charge, dans la mesure où la valeur de la libéralité ne couvre pas les coûts engendrés par cette charge et qu’aucune compensation ne lui est offerte pour le préjudice subi (art. 256, al. 3 CO).

Donation manuelle et promesse de donation

Donation de la main à la main

Une donation de la main à la main s’effectue par la remise directe du bien du donateur au donataire (art. 442, al. 1 CO). Dans ce cas, aucune forme particulière n’est requise : le contrat de donation est valablement conclu au moment de son exécution.

La possession du bien doit être transférée au donataire, ce qui peut également se faire de manière symbolique ou abstraite, par exemple via l’ouverture d’un compte bancaire au nom du donataire et la remise de la carte bancaire. En revanche, un virement bancaire ne constitue pas une donation de la main à la main. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la donation n’est considérée comme exécutée qu’au moment où la banque exécute l’ordre de virement et où le donataire a effectivement reçu les fonds.

Promesse de donation

Une promesse de donation n’est valable que si elle est établie par écrit (art. 243, al. 1 CO). Si la promesse a été exécutée, la relation juridique est alors assimilée à une donation de la main à la main (art. 243, al. 3 CO).

Donation immobilière et droits réels sur immeubles

En matière de propriété foncière ou de droits réels portant sur des immeubles, une donation ne produit d’effet qu’avec l’inscription au registre foncier. Cette inscription présuppose une promesse de donation valable (art. 242, al. 2 et 3 CO). Conformément à l’art. 243, al. 2 CO, une telle promesse doit être établie en la forme authentique (acte notarié), lorsqu’elle porte sur un immeuble ou un droit réel immobilier.

Donation sans remise matérielle

Selon l’art. 924 du Code civil suisse (CC), il est possible d’acquérir la possession d’un bien sans remise physique, lorsque le bien reste en possession d’un tiers ou du donateur lui-même, en vertu d’un rapport juridique particulier.

Toutefois, cette transmission de possession ne produit d’effet à l’égard des tiers que si le donateur (ancien possesseur) les a informés du changement de propriétaire. Ainsi, on peut par exemple faire don d’un objet déjà loué : le donataire devient alors propriétaire, tandis que le locataire en reste le possesseur. Il est alors recommandé d’informer ce dernier du transfert de propriété.

Retard d’exécution : intérêts moratoires

Lorsqu’un donateur est en retard dans le paiement d’une somme d’argent donnée, il n’est tenu aux intérêts moratoires qu’à partir de la mise en poursuite ou du dépôt d’une action en justice (art. 105 CO). Toute convention contraire est soumise aux règles applicables à la clause pénale.

Responsabilité du donateur

Le donateur n’est responsable envers le donataire des dommages résultant de la donation qu’en cas de dol ou de négligence grave (art. 248 CO). Cela s’applique notamment dans des cas extrêmes, par exemple si le donateur agit de manière malveillante en altérant volontairement l’objet donné de façon à nuire au bénéficiaire – comme en offrant des produits alimentaires volontairement contaminés. Dans ce type de situation, en plus de sa responsabilité civile selon l’art. 248 CO, le donateur s’expose à des poursuites pénales, notamment pour tentative de lésions corporelles.

Le donateur engage également sa responsabilité en cas de négligence grave, même sans intention criminelle, s’il remet un objet dangereux sans informer le bénéficiaire des risques – comme une voiture dont les freins sont défectueux. En revanche, il n’est tenu de garantir la chose donnée ou la créance cédée que dans la mesure des garanties expressément promises dans le contrat de donation.

Révocation et restitution d’une donation

Révocation d’une donation ou d’une promesse de donation

La donation ou la promesse de donation peut être révoquée dans les cas suivants :

  • Si le donataire a commis une infraction grave à l’encontre du donateur ou d’une personne qui lui est proche ;
  • S’il a gravement manqué à ses obligations découlant du droit de la famille à l’égard du donateur ou de ses proches ;
  • S’il n’exécute pas injustement les charges attachées à la donation.

Révocation spécifique d’une promesse de donation

La promesse de donation peut être révoquée notamment :

  • en cas de détérioration de la situation financière du donateur ou de nouvelles obligations familiales survenues après la promesse ;
  • en cas de faillite du donateur, la promesse devient caduque ;
  • une clause de retour du bien donné après le décès du donataire peut être prévue et inscrite au registre foncier.

Il est également possible de prévoir contractuellement le sort de la donation en cas de décès du donataire avant l’exécution de la promesse, bien que cela ne soit pas réglé par la loi.

Contrat de donation et fiscalité

Les donations d’un montant élevé peuvent être soumises à l’impôt sur les donations, sauf exonération prévue par les législations cantonales — notamment en cas de don entre membres d’une même famille.

Important : il convient de vérifier si, selon le droit fiscal cantonal applicable, le donateur est solidairement responsable du paiement de l’impôt sur les donations avec le donataire.

Certaines libéralités offertes en remerciement de prestations rendues peuvent constituer un revenu imposable. Dans ce cas, il ne s’agit généralement pas d’une donation, mais d’un rapport de travail de fait. Conformément à l’art. 320 CO, aucun contrat écrit n’est nécessaire pour qu’un tel rapport soit reconnu. Un lien de subordination et une prestation significative qui, en temps normal, justifieraient une rémunération suffisent à établir un rapport de travail. Si la libéralité est qualifiée de revenu professionnel, le bénéficiaire doit également s’acquitter des cotisations sociales.

En revanche, aucun rapport de travail n’est présumé lorsque les prestations sont fournies à titre bénévole ou dans le cadre de l’entraide de voisinage ou familiale, comme l’aide apportée à des personnes âgées ou handicapées par des proches, amis ou voisins.

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