Gestion du changement: Enjeux émotionnels et pratiques

Les processus de transformation suscitent inévitablement des réactions émotionnelles chez les collaborateurs. Pour une gestion du changement réussie, il est essentiel que les cadres sachent répondre précisément à ces émotions afin d’accompagner efficacement leurs équipes.

09/07/2025 De: Tobias Heisig, Alexander Wittwer
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Les transformations sont souvent associées à la peur. Lorsqu’il est question de gestion du changement, on évoque fréquemment l’inquiétude des collaborateurs, qui explique parfois leur manque d’adhésion selon les attentes des cadres. Pourtant, dans la réalité, la gestion du changement fait également apparaître d’autres émotions fondamentales: la douleur, la colère et le plaisir, chacune conduisant à des comportements très différents.

Les émotions dans la gestion du changement

Pour les cadres, il est déterminant d’identifier les schémas émotionnels chez les collaborateurs et de savoir comment la gestion du changement doit s’adapter à chaque situation. On distingue quatre émotions fondamentales: le plaisir, la douleur, la colère et la peur. Chacune, dans le contexte de la gestion du changement, se combine avec d’autres états émotionnels: le plaisir avec la curiosité, la douleur avec la désillusion, la colère avec l’endurance, la peur avec le blocage, l’absence de peur avec la confiance en soi.

Plaisir et curiosité

L’introduction d’une nouvelle offre de services suscite au sein de l’équipe de vente une curiosité face aux réactions de la clientèle. La gestion du changement engendre alors du plaisir grâce à la confiance dans la réussite des démarches commerciales.

Douleur et désillusion

Dans une grande entreprise de commerce de détail, des collaborateurs engagés pour améliorer l’expérience client constatent, avec désillusion, que leur implication n’entraîne pas les augmentations de chiffre d’affaires escomptées. La pandémie rend tout effort ultérieur caduc : la réalité du changement devient très douloureuse.

Colère et endurance

La direction d’une société industrielle décide de fermer certains sites. Cette décision, perçue comme un échec du management, suscite la colère et une grande endurance parmi le personnel, qui tente alors de retarder, voire de boycotter, la gestion du changement.

Peur et confiance en soi

La digitalisation, les restructurations et les changements sectoriels provoquent la peur de perdre son emploi ou de ne plus répondre aux nouvelles exigences. La gestion du changement, lorsqu’elle amplifie la peur, s’accompagne d’une perte de confiance. Mais à l’inverse, en réduisant cette peur, la confiance en soi peut croître et la perception de sa propre efficacité se renforcer.

Lorsqu’ils comprennent ces dynamiques émotionnelles, les cadres peuvent piloter la gestion du changement de façon plus ciblée et efficace. Il est fondamental de reconnaître que chaque émotion possède sa légitimité, son utilité et sa valeur propres.

Erreurs et bonnes pratiques dans la gestion du changement

La réussite d’une gestion du changement repose sur la capacité à canaliser et maîtriser l’ensemble des états émotionnels (curiosité, désillusion, endurance, confiance en soi). Les émotions négatives ne doivent jamais être ignorées ou réprimées dans la gestion du changement : le risque est alors de voir ces émotions s’exprimer de façon exacerbée, comme des « marqueurs émotionnels » de dysfonctionnements. Sans résonance de leurs émotions, les collaborateurs adoptent généralement des stratégies d’évitement telles que le déni, l’ignorance ou l’attentisme.

Des erreurs de leadership freinent l’expression émotionnelle dans la gestion du changement. Sous pression, les cadres ont tendance à réduire les contacts directs et à accroître la pression par des injonctions. La peur se transforme en panique, la douleur en plaintes, la colère en opposition. Les inquiétudes sont parfois renforcées («Oui, je comprends bien que vous soyez préoccupé»), tandis que les expériences douloureuses sont négligées («Concentrons-nous sur les opportunités»). La colère, liée à des valeurs non reconnues, s’exacerbe lorsqu’elle est dénigrée («Ils exagèrent»).

Communiquer un « sentiment d’urgence » ou une vision positive n’est pas suffisant: la gestion du changement requiert plus qu’un message enthousiaste. Les appels répétés à l’action peuvent au contraire accentuer la dévalorisation ressentie et renforcer le désengagement des collaborateurs.

Interventions adaptées dans la gestion du changement

Pour piloter la gestion du changement, il est indispensable de maîtriser le spectre des émotions et d’y répondre adéquatement: empathie (face à la douleur), canalisation et orientation (pour la colère), développement du sentiment d’efficacité (pour la peur d’échouer), et valorisation du plaisir lorsque celui-ci accompagne l’évolution attendue. Lorsque la douleur naît de la dévalorisation d’efforts passés, il est inutile d’insister sur l’avenir : écouter, reconnaître la souffrance et valider la difficulté s’avère bien plus pertinent. À l’inverse, trop d’empathie face à la peur risque de l’amplifier: il faut rassurer, encadrer et apporter des repères clairs. Face à la colère, il convient d’abord d’écouter, puis de mobiliser l’énergie vers des solutions. Le plaisir partagé doit rester authentique, mais une fausse joie doit être identifiée et recadrée.

Exemples :

  • Peur : Une collaboratrice redoute de ne pas répondre aux exigences d’un nouveau système : il convient de reconnaître sa peur, d’offrir du soutien sans exagérer l’empathie, et de valoriser les petites réussites. Trop d’écoute attentive peut paradoxalement renforcer sa peur.
  • Douleur : Perdre ses repères génère une douleur réelle. Il s’agit de valider cette émotion, d’éviter de rationaliser et de donner du temps pour la traverser. Reconnaître la difficulté est plus utile que l’argumentation.
  • Colère : La canalisation et l’orientation de l’énergie de la colère vers des solutions concrètes permettent à la gestion du changement de rester constructive, à condition d’afficher assurance et détermination.

Conclusion – Réussir la gestion du changement par la prise en compte des émotions

Dans toute gestion du changement, la prise en compte des émotions est incontournable. Chaque émotion – plaisir, douleur, peur, colère – appelle une réponse adaptée. Les cadres doivent développer leur compétence à repérer et ajuster leur gestion du changement en fonction des réactions émotionnelles de leurs équipes. Les arguments seuls ne suffisent pas : seule la justesse de la réaction émotionnelle fait la différence. Face à la peur, la raison est inefficace ; face à la colère, le plaisir peut rebuter ; face à la douleur, la rationalisation détruit la confiance. Seul un plaisir issu de l’action peut favoriser l’adoption de nouveaux comportements. Une gestion du changement efficace vise ainsi à renforcer, pas à imposer, le plaisir ressenti au fil du temps dans la transformation des pratiques.

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