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Le bonus: Salaire ou gratification

La question du bonus est un thème récurrent dans la jurisprudence de droit du travail. Plus particulièrement lorsqu’il s’agit de savoir si la qualification du bonus doit être considérée à titre de gratification volontaire ou en tant qu'élément du salaire assorti d’un droit. Cette question est d’ailleurs très fréquemment source de divers litiges.

29/03/2022 De: Gian Geel, Marc Ph. Prinz
Le bonus

Les types de boni

Un bonus est une rémunération spéciale variable qui s'ajoute au salaire de base fixe, mais qui n'est pas défini dans la loi. D'un point de vue juridique, le bonus est soit qualifié d'élément de salaire (art. 322/322a CO), soit de gratification (art. 322d CO) en fonction des accords passés entre les parties et des circonstances entourant chaque cas.

Bien que l'employé ait un droit juridiquement exécutoire sur l'élément de salaire, la gratification est basée sur un certain bon vouloir de l'employeur. Le bonus est subdivisé en gratification réelle entièrement volontaire et fausse gratification.  Si l’on a un droit fondamental de se voir verser une fausse gratification, son montant est toutefois laissé à la discrétion de l'employeur.

    Délimitation entre élément de salaire/gratification

    Ce qui est décisif, pour la qualification d'une prime en tant qu’élément de salaire ou de gratification, ne sont pas tant les désignations (éventuellement erronées) présentes dans le contrat ou les règlements (de gratification) prévus à cet effet que les accords effectifs des parties et la pratique courante. Les critères décisifs sont l’appréciation, la régularité et l'accessoriété de la chose.

    Marge de manœuvre / Pouvoir discrétionnaire 

    La marque distinctive des gratifications par rapport aux salaires est qu'elles sont entièrement (véritable gratification) ou au moins partiellement (fausse gratification) laissées à la discrétion de l'employeur.

    Ce critère d’appréciation doit être pris en considération s'il existe un droit au versement du bonus, mais l'employeur a toute latitude pour en déterminer le montant. Ce pouvoir discrétionnaire doit être assumé si le montant de la prime ne dépend pas (seulement) de la réalisation d'un certain résultat commercial, mais aussi de l'évaluation subjective des performances personnelles du travailleur par l'employeur.

    L’une des principales caractéristiques d'une gratification est que son montant dépend de l'évolution de certaines circonstances - comme les résultats de l'entreprise ou les performances du travailleur - et varie donc d'une année à l'autre. S'il a été convenu qu'une prime puisse être clairement calculée sur la base de données commerciales (par exemple le chiffre d’affaire ou les ventes réalisées), il s'agit alors en règle générale d'un élément de salaire.

    Si le paiement d'un bonus a été convenu contractuellement, mais que son montant est laissé à la discrétion de l'employeur (fausse gratification), ce dernier doit déterminer le montant de la prime selon une appréciation équitable et des critères objectifs. Ici aussi, l'employeur ne peut pas porter atteinte à son obligation de verser la prime en la fixant à un niveau arbitrairement bas ou en permettant d'y renoncer complètement.

    Régularité

    Si les boni sont versés régulièrement chaque année, la pratique judiciaire suppose qu'un bonus est réputé convenu conformément au principe de confiance si celui-ci a été versé sans réserve pendant au moins trois années consécutives. Cela s'applique même si le caractère volontaire du versement des boni dont il est question a été explicitement mentionné dans le contrat de travail. Toutefois, compte tenu de la fluctuation des montants des boni, cette pratique ne touche régulièrement que le principe de devoir verser une gratification (fausse gratification).

    Si l'employeur veut éviter cette conséquence juridique, il doit régulièrement souligner le caractère volontaire du bonus lorsqu'il le verse. Même la répétition constante et volontaire d’une réserve pendant des décennies peut conduire à ce que cette même réserve devienne une phrase vide de sens du point de vue du salarié si le comportement de l'employeur indique qu'il se sent obligé de verser un bonus. L’une des conditions pour cette hypothèse est que l'employeur ait eu des raisons de ne pas verser ledit bonus pendant la période concernée (par exemple en cas de mauvaises performances de l'entreprise ou de performances professionnelles insuffisantes) et l'ait néanmoins fait.

       Accessoriété

      Le contrat de travail étant soumis à une rémunération obligatoire, une simple compensation volontaire des prestations de travail sous la forme d'une gratification ne suffit pas. Une gratification peut donc devenir un salaire et perdre ainsi son caractère volontaire si elle n'est plus de nature purement accessoire (secondaire). Ceci est déterminé par certaines circonstances spécifiques et est généralement le cas pour les revenus moyens et élevés, si la prime est régulièrement égale ou supérieure au salaire annuel. Dans le cas de revenus plus faibles, l’accessoriété nécessaire peut faire défaut, même avec des éléments de bonus plus petits. Pour les revenus très élevés, supérieurs à cinq fois le salaire médian, la condition d'accessoriété ne s'applique plus en l'absence du besoin de protection sociale de l'employé.

      Exigibilité

      Si la véritable gratification n'est pas exécutoire en tant que prestation entièrement volontaire, il existe une revendication en matière de salaire et de fausse gratification qui est, elle, légalement exécutoire. Il convient de noter que même s'il existe une créance exécutoire sur le paiement de la fausse gratification, son montant reste à la discrétion de l'employeur. L'obligation de verser la fausse gratification ne doit pas être rendue inopérante par l'employeur qui la fixe arbitrairement à un niveau bas ou même qui permet d'y renoncer complètement. En règle générale, si les circonstances (par exemple, la marche des affaires, les performances individuelles) restent les mêmes, une (fausse) gratification du montant moyen des dernières années sera due.

        Suppression en cas de résiliation ?

        Selon le Tribunal fédéral, le droit au salaire, contrairement à la gratification et ne serait-ce que du point de vue du paiement d'un élément de salaire, ne peut être subordonné à la condition d'une relation de travail encore existante ou non reconnue à la date concernée. L'échange de travail contre salaire en tant qu'élément essentiel du contrat de travail exclut de fait la possibilité de convenir que le salaire du travail déjà effectué soit soumis à de telles conditions, bien qu’il soit vrai que ce point de vue demeure controversé dans la doctrine.

        L’une des dispositions que l'on retrouve le plus fréquemment dans les règlements sur les bonus est celle stipulant que les boni versés sous forme d’actions et bloqués pendant un certain laps de temps reviennent à l'entreprise si les rapports de travail sont résiliés pendant la période de blocage. Elle n’est d’ailleurs admissible que si une gratification est effectivement versée.

        Selon l’art. 156 CO, la condition est réputée accomplie quand l’une des parties en a empêché l’avènement au mépris des règles de la bonne foi, par exemple à la seule fin d’empêcher la naissance d’un droit en prononçant une résiliation intervenant peu de jours avant une date clé ou de faire échouer une transaction peu avant son dénouement.

        Dans le cas d'une fausse gratification, même s'il n’existe aucun droit inconditionnel au paiement de celle-ci, son montant peut être influencé par des critères tels que la cessation de la relation de travail dans le cadre de l'exercice autorisé du pouvoir discrétionnaire de l'employeur. En règle générale, la gratification n'est pas seulement une récompense pour le travail accompli, mais également perçue à titre de motivation pour un futur emploi. Le fait de rester dans l'entreprise est très souvent un critère objectif lorsque l’employeur est appelé à exercer son pouvoir discrétionnaire.

        Dans le cas de la fausse gratification, le Tribunal fédéral ne s'est pas non plus opposé à la réduction d'un tiers (dite du "tiers futur") lorsque la gratification était due au cours d’une relation de travail résiliée et l'a qualifiée d'assez courante.

        Droit au prorata en cas de salaire

        Si un travailleur part avant la fin de la période de bonus, la question se pose alors de savoir si le bonus lui est dû pro rata temporis pour le temps travaillé.

        La jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle la condition d'une relation de travail existante ou d'une relation de travail non résiliée est inadmissible dans le cas du versement du salaire, prévoit un droit impératif au prorata en cas de salaire lors d’une cessation de fonctions anticipée. Par conséquent, les parties ne peuvent convenir du contraire et doivent s’y tenir.

        Dans le cas de la gratification, le travailleur n’a au contraire droit, si l’on s’en réfère à l’art. 322d, al. 2 CO, qu’à une compensation au prorata lorsque les parties en ont convenu ainsi.

          Participation des collaborateurs

          Les grands employeurs impliquent souvent leurs employés dans l'entreprise (par exemple par le biais d'actions et d'options) afin d’encourager et de récompenser leurs bonnes performances. Pour lier les salariés concernés à l'entreprise, des clauses dites de « vesting » sont régulièrement prévues. Celles-ci permettent en effet de mettre fin aux droits de participation accordés sous condition si, par exemple, la relation de travail prend fin avant la fin de la période spécifiée.

          Les clauses de vesting sont généralement autorisées. Toutefois, si l'employeur donne un préavis de licenciement sans justification objective, dans le seul but de contrecarrer l'attribution définitive des participations à l'employé, la clause en question devient nulle. Il peut en être de même si la « vesting period », c’est-à-dire la période pendant laquelle l’employé doit rester au sein de l’entreprise s’il entend toucher sa gratification, est anormalement longue.

          En principe, les tribunaux appliquent également la pratique en matière de boni aux régimes de participation des employés, ce qui peut d’ailleurs remettre en question la validité des clauses de vesting si la participation des intéressés se voit qualifiée de composante salariale.

          Toutefois, cette protection des travailleurs ne s'applique pas si le salarié agit principalement en tant qu'investisseur lors de l'acquisition de la participation des collaborateurs et qu’il accepte librement le risque associé à l'investissement dans l'attente d'une plus-value élevée. Dans ce cas, les dispositions de l'accord de participation s'appliquent indépendamment des dispositions impératives du droit du travail. Si la participation fait partie du contrat de travail ou en est détachée, celle-ci doit toujours être évaluée sur la base des circonstances entourant chaque cas. Il convient en particulier de savoir si les investissements ou les options font partie du salaire, et ceci peut résulter de divers facteurs. Si le salarié acquiert les participations par achat, il convient dès lors de partir du principe qu'il agit plutôt en qualité d'investisseur (surtout si leur prix n'est pas particulièrement avantageux).

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