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Succession: Droit successoral des entreprises révisé

Outre la première étape de la révision du droit successoral, entrée en vigueur le 1er janvier 2023 et portant sur des thèmes plutôt politiques, notamment la réduction de la réserve héréditaire, la seconde étape de la révision portait sur le droit successoral des entreprises. Par droit successoral d'entreprise, on entend désormais les dispositions qui règlent la succession d'entreprise au sein de la famille (changement de génération), c'est-à-dire la transmission d'une entreprise à des héritiers.

19/05/2025 De: Werner Jahnel, Kinga M. Weiss
Succesion

Comment la succession au sein des entreprises a-t-elle été revue?

La succession, au sein d'une entreprise, est probablement d'une grande importance dans la pratique. En effet, il arrive souvent qu'un entrepreneur souhaite transmettre l'œuvre de toute une vie à un seul héritier, par exemple à l'un de ses enfants, pour qu'il la poursuive. Jusqu'à présent, le droit successoral ne connaît toutefois pas encore de règles spécifiques en matière de droit à la succession d'une entreprise, ce qui peut entraîner de nombreuses difficultés : comment l'entrepreneur peut-il s'assurer que ce changement de génération se déroule dans son intérêt et que l'héritier conserve l'entreprise ? Comment peut-il dédommager les autres héritiers ? Quelle est la valeur de l'entreprise ? Bien que la première étape de la révision ait déjà une influence positive sur une succession d'entreprise, notamment parce que la plus grande liberté de disposition du défunt permet une transmission plus facile, la deuxième étape doit maintenant établir des règles spécifiques et de nature à faciliter la succession à la tête d'une entreprise.

Quand le projet de loi sur la succession a-t-il été adopté ? Le projet de loi (PL) ainsi que le message relatif à la deuxième étape ont été adoptés en juin 2022. La date d'entrée en vigueur de cette deuxième étape n'est toutefois pas encore connue.

Les principales modifications prévues vous sont présentées ci-après.

Droit d'attribuer toute l'entreprise (ART. 617 PL-CC)

Selon le droit en vigueur, une personne peut, par disposition pour cause de mort (c'est-à-dire par testament ou pacte successoral), donner à ses héritiers des instructions contraignantes sur le partage de la succession (cf. art. 608, al. 1 et 2 CC). Il lui est donc en principe également possible d'attribuer son entreprise dans son ensemble à l'un de ses héritiers.

Il en va autrement lorsqu'une personne n'a pas pris de dispositions pour cause de mort et que ses héritiers ne parviennent pas à s'entendre lors de la succession. Dans ce cas, ce sont en effet les règles légales de partage qui s'appliquent. Le tribunal doit alors en principe répartir les biens de la succession par tirage au sort. En vertu du droit en vigueur, il n'est toutefois possible d'attribuer des entreprises entières à un seul héritier que de manière très limitée, en particulier lorsque que l’entreprise en question représente une part disproportionnée de la succession. En effet, en cas d'attribution d'un bien, les autres héritiers ont droit à des compensations (pour rembourser la différence de valeur lorsqu'ils reçoivent des biens de moindre valeur). La doctrine invoque à cet égard la règle dite des 10%, selon laquelle l'attribution intégrale d'un bien successoral n'est possible que si celle-ci n'entraîne pas de paiements compensatoires excessifs (plus de 10%) au sein de la communauté héréditaire. Cette règle rend l'attribution de l'entreprise dans son ensemble impossible dans la plupart des cas et peut conduire à la nécessité de vendre cette dernière.

Afin de désamorcer cette problématique, le projet de révision du droit successoral prévoit désormais le droit à l'attribution intégrale d'une entreprise ou de toutes les participations si celles-ci confèrent à l'héritier le contrôle de l'entreprise ou si celui-ci exerce déjà le contrôle de l'entreprise (art. 617, al. 1 PL-CC). Cela doit permettre de garantir qu'une seule personne (avec les rapports de force correspondants) puisse continuer à diriger l'entreprise et que celle-ci ne soit donc pas démembrée. Une telle disposition permettra également de préserver les emplois au sein de l'entreprise concernée.

Selon le projet de loi, tous les héritiers disposeront, à titre individuel, du droit à l'attribution intégrale. Si plusieurs héritiers demandent une attribution intégrale, le tribunal devra alors décider qui semble le plus apte à la conduite de l’entreprise (al. 2). Plusieurs héritiers pourront également demander de conduire conjointement l'entreprise s'ils se mettent d'accord sur ce point (al. 3). En revanche, si le de cujus a lui-même désigné, par disposition pour cause de mort, l'héritier qui recevra l'entreprise ou des participations, les autres héritiers n'auront alors aucuns droits en la matière.

L’art. 617 PL-CC est rédigé comme suit:

  1. 1) Lorsque la succession comprend une entreprise ou des participations dans une entreprise, et que le défunt n’en a pas disposé, chaque héritier peut demander que:
    1. l’entreprise ou l’ensemble des participations si elles octroient le contrôle de l’entreprise lui soit attribué;
    2. toutes les participations n’octroyant pas à elles seules le contrôle de l’entreprise lui soient attribuées s’il détient déjà le contrôle de cette entreprise ou peut ainsi l’acquérir.
  2. 2) Lorsque plusieurs héritiers présentent une demande, l’entreprise ou les participations sont attribuées à celui d’entre eux qui paraît le plus apte à la conduite de l’entreprise.
  3. 3) Les mêmes règles sont applicables par analogie lorsque plusieurs héritiers demandent conjointement l’attribution de l’entreprise ou des participations.

Selon le projet de loi, l'héritier qui demande l'attribution ne doit toutefois pas s'engager, par exemple, à conserver l'entreprise pendant un certain temps et/ou à garantir les emplois. Il ne doit pas non plus assumer de fonction dans l'entreprise après l'attribution. Il n'est pas non plus exigé qu'il ait des compétences ou une formation particulières pour demander une affectation selon l'alinéa 1. Il reste à voir si, dans la pratique, cela pourrait entraîner des difficultés au regard de la pérennité d'une entreprise.

De même, la notion d'«aptitude à la conduite de l'entreprise» selon l'alinéa 2 pourrait désormais conduire à des incertitudes juridiques en droit successoral. Dans son message, le Conseil fédéral décrit ce critère comme suit : « Le critère d'aptitude à la conduite de l'entreprise comprend notamment l'expérience professionnelle et de direction dans l'entreprise concernée, l'expérience dans le domaine d'activité concerné, l'expérience générale en matière de gestion et de direction d'entreprise ainsi que la formation professionnelle ». On ne sait toutefois pas encore comment le tribunal trancherait les cas pratiques où aucun des héritiers ne seraient aptes ou, le cas échéant, où tous les héritiers sembleraient également aptes.

Quoi qu'il en soit, il reste important et recommandé, du point de vue du testateur ou de la testatrice, de régler la succession de l'entreprise de son vivant, afin de ne pas laisser le tribunal ou les héritiers décider librement de la transmission.

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