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Abandon de poste et départ sans préavis: Comment réagir en tant qu'employeur?

«J’en ai marre, je pars!» Le collaborateur a-t-il démissionné ou non? De telles situations favorisent les erreurs, à savoir la résiliation du contrat de travail avec effet immédiat par l’employeur. Mais, à l’instar de la non-entrée en fonction sans raison, il vaut la peine d’adresser un avertissement à l’employé et de faire ensuite valoir une demande de dommages-intérêts dans un bref délai.

20/02/2024 De: Stefan Rieder
Abandon de poste et départ sans préavis

Le processus de recrutement est terminé, le contrat de travail est signé et le jour de l’entrée en fonction est fixé. Mais, voilà que survient une mauvaise surprise: le salarié ne prend tout simplement pas son poste. Non seulement c’est ennuyeux, mais cela entraîne des coûts inutiles pour l’entreprise et la procédure de recrutement doit être relancée. D’autres candidats potentiels ont bien entendu déjà été contactés, mais il n’est pas certain qu’ils soient disponibles en tant que deuxième choix. Le droit du travail prévoit, à l’art. 337d CO, que l’employeur peut exiger de l’employé un dédommagement à hauteur de 25% du salaire mensuel convenu si le poste n’est pas occupé sans raison valable.

Ce dommage forfaitaire est légalement présumé et n’a pas besoin d’être prouvé par l’employeur, c’est-à-dire que le dommage effectivement subi par l’employeur peut être inférieur à ce montant (en cas de litige, un tribunal peut réduire le montant du dommage à sa discrétion). Si un dommage supérieur doit être réclamé, l’employeur doit pouvoir prouver l’intégralité du dommage.

Si un employeur veut faire valoir un droit à des dommages-intérêts forfaitaires à hauteur de 25% du salaire mensuel, il doit agir rapidement. Le droit à l’indemnité forfaitaire s’éteint en effet si l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires dans les 30 jours depuis la non-entrée en service, à savoir via une procédure de poursuite ou de conciliation contre le collaborateur en vue de l’introduction d’une action en droit du travail.

Un licenciement avant l’entrée en fonction est en principe autorisé. La question de savoir à partir de quel moment le délai de préavis s’applique est controversée.

Licenciement avant l’entrée en fonction

Le travailleur bien élevé ne se contentera pas - espérons-le - de ne pas se présenter à son poste de travail sans s’excuser, il fera savoir au préalable qu’il ne prendra pas son poste pour une raison quelconque (probablement pour occuper un autre emploi). Il s’agit de ce que l’on appelle un licenciement avant l’entrée en service. Ce type de résiliation est en principe admissible, mais la question de savoir à partir de quel moment le délai de résiliation applicable est controversée (en règle générale, un délai de résiliation court s’applique pendant la période d’essai, sauf si celle-ci a été supprimée). La jurisprudence cantonale part parfois du principe que le délai de congé ne peut commencer à courir qu’à partir de l’entrée en fonction, de sorte que le délai de préavis ne peut commencer qu’à partir du moment où l’employé a commencé à travailler. Si cela n’est pas le cas, il s’agit d’un cas d’application de l’art. 337d CO. La jurisprudence cantonale part aussi du principe que le délai de congé commence à courir à la réception de la résiliation et il peut alors arriver, en cas de résiliation anticipée, que le poste ne doive plus du tout être occupé. Dans de telles situations, il est fréquent qu’un accord informel de résiliation soit conclu, de sorte que subsiste la déception liée aux efforts inutiles de recrutement.

S’agit-il d’un licenciement avec effet immédiat? Et par qui? Ou pas?

Il arrive que des désaccords dans les rapports de travail donnent lieu à des échanges émotionnels et brûlants qui se terminent parfois par le départ de l’employé. Dans de telles situations, la question se pose toujours de savoir ce que l’employeur doit faire. Cela consiste en ne pas résilier le contrat de travail avec effet immédiat, car il faudra prouver qu’il existait un motif grave. Il est préférable que l’employeur adresse immédiatement un avertissement écrit au collaborateur en lui demandant de reprendre le travail sans délai et en précisant que son comportement sans reprise immédiate du travail ou sans raison valable de s’absenter sera considéré comme un abandon de poste immédiat au sens de l’art. 337d CO. Dans une telle formulation, il faut veiller à ce que le salarié ne puisse pas interpréter la communication comme un licenciement avec effet immédiat de la part de l’employeur.

Le droit à des dommages et intérêts forfaitaires à hauteur de 25% du salaire mensuel selon l’art. 337d CO s’applique également lorsque l’employé quitte son poste sans raison valable. De telles situations (litigieuses) se produisent régulièrement dans la pratique et conduisent étonnamment souvent à des litiges, soit parce qu’un employeur résilie lui-même le contrat de travail avec effet immédiat, soit parce qu’il part trop vite du principe qu’il y a eu abandon immédiat de poste par le travailleur. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il y a abandon de poste au sens de l’art. 337d CO lorsque le travailleur refuse consciemment, intentionnellement et définitivement de commencer ou de poursuivre le travail qui lui a été confié (TF 4A_91/2021 C. 3.1). Dans ce cas, le contrat de travail est immédiatement résilié et l’employeur a droit à une indemnité.

Si ce refus de travailler ne résulte pas d’une déclaration expresse du salarié, le juge doit examiner si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, l’employeur pouvait ou non, de bonne foi, comprendre le comportement du collaborateur comme un abandon de poste. Si l’attitude du travailleur est ambiguë, il incombe à l’employeur de lui demander de reprendre son travail (TF 4A_91/2021 C. 3.1).

Abandon immédiat du poste de travail

En l’absence de tout comportement factuel, comme la remise de la clé en relation avec une évacuation du poste de travail et les adieux à des collègues de travail ou l’expression d’un refus de poursuivre le travail en présence d’autres personnes (collaborateurs, clients, etc.), il ne faut pas considérer qu’il y a abandon immédiat du poste de travail sans mise en demeure écrite et sans invitation à reprendre le travail. En effet, il arrive souvent qu’un certificat médical attestant d’une incapacité de travail soit remis quelques jours plus tard. Si un employé ne se présente pas au travail en raison d’un arrêt maladie, il ne s’agit pas d’un abandon immédiat de poste, même si l’arrêt maladie n’est pas remis dans un premier temps (ATF 4A_454/2022). On ne peut pas non plus considérer qu’il y a abandon immédiat du poste de travail lorsque le médecin du collaborateur continue de déclarer son patient en incapacité de travail alors qu’un médecin-conseil nie l’incapacité de travail (ATF 8C_472/2014). Il n’y a pas non plus d’abandon de poste avec effet immédiat lorsque l’employeur n’accorde pas au salarié l’accès aux locaux de l’entreprise et empêche par ailleurs l’exécution de son travail (y. compris par blocage du compte).

Dans ce type de litiges, il n’est pas rare que le collaborateur qui quitte le lieu de travail affirme par la suite que l’employeur a prononcé un licenciement avec effet immédiat dans le cadre d’une dispute et qu’il a donc quitté son lieu de travail en conséquence. Dans le cas de telles affirmations, le collaborateur doit prouver qu’il a donné son congé avec effet immédiat. Certes, si un licenciement sans préavis ne requiert pas de forme particulière, il doit avoir été prononcé sans équivoque et, en cas de confrontation des versions de l’un et de l’autre, la preuve d’un licenciement sans préavis par l’employeur ne sera généralement pas probante. Les employeurs seraient en tout cas bien avisés d’agir avec prudence dans les situations qui s’enveniment et de ne pas supposer sans autre que le salarié a quitté son poste sans préavis, mais de lui fixer un délai pour reprendre le travail ou pour justifier son absence.

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