Actions préférentielles: Concept et objectif

En droit suisse des sociétés, les actions préférentielles sont un instrument important permettant d'accorder à certains actionnaires certains privilèges financiers que les actionnaires ordinaires n’ont pas. Ces privilèges peuvent notamment porter sur des dividendes, des parts de liquidation ou des droits de souscription. Les paragraphes suivants vous expliqueront plus en détail le fondement juridique, la forme ainsi que l'utilité des actions préférentielles.

03/06/2025 De: David Schneeberger
Actions-préférentielles

Bases juridiques

L'émission d'actions préférentielles («privilégiées» dans le CO) est régie par l'article 654 du Code suisse des obligations (CO). Selon cet article, l’assemblée générale peut, en vertu d’une clause ou d’une modification des statuts, décider d’émettre des actions privilégiées ou de convertir d’anciens titres en actions privilégiées (art. 654, al. 1 CO). L'émission d'actions préférentielles crée une catégorie particulière d'actionnaires auxquels les statuts confèrent un droit préférentiel (ATF 147 III 126 consid. 3).

Statut et droits des détenteurs d’actions préférentielles

Les actions préférentielles jouissent, par rapport aux actions ordinaires, des avantages qui leur sont expressément accordés de par les statuts. Pour le surplus, elles sont assimilées aux actions ordinaires (art. 656, al. 1 CO). Ces avantages peuvent notamment s’étendre:

  • aux dividendes, avec ou sans droit de souscription supplémentaire: les actionnaires privilégiés peuvent avoir droit à des paiements de dividendes préférentiels (art. 656, al. 2 CO);
  • aux parts de liquidation : en cas de dissolution de la société, les actionnaires privilégiés peuvent bénéficier d'une participation préférentielle au produit de la liquidation (art. 656 al. 2 CO).
  • aux droits de souscription en cas d'augmentation de capital : les actionnaires privilégiés peuvent bénéficier de droits de souscription préférentiels lors de la souscription de nouvelles actions (art. 656, al. 2 CO).

Dividendes et produit de la liquidation

Tout actionnaire a droit à une part proportionnelle du bénéfice résultant du bilan, pour autant que la loi ou les statuts prévoient sa répartition entre les actionnaires (art. 660, al. 1 CO). Il a droit, lors de la dissolution de la société, à une part proportionnelle du produit de la liquidation, à moins que les statuts ne règlent autrement l’emploi de l’actif de la société dissoute (art. 660 al. 2 CO). Les privilèges que les statuts confèrent à certaines catégories d’actions sont réservés (art. 660, al. 3 CO).

Des dividendes ne peuvent être prélevés que sur le bénéfice résultant du bilan et sur les réserves constituées à cet effet (art. 675, al. 2 CO). Le dividende ne peut être fixé qu’après les affectations à la réserve légale issue du bénéfice et aux réserves facultatives issues du bénéfice (art. 675, al. 3 CO). Il n'est pas permis de garantir de dividende fixe aux actionnaires privilégiés, indépendamment des résultats de l'entreprise, les dividendes dépendant toujours des bénéfices réalisés.

Le droit préférentiel au dividende peut porter sur un montant maximal fixe ou sur un pourcentage de la valeur nominale, de l'apport effectué ou du bénéfice distribuable. Exemple d'un privilège de dividende sur un montant fixe : versement d'un maximum de CHF 10.- par action préférentielle ; le dividende supplémentaire est versé aux actionnaires ordinaires, sans que les actionnaires privilégiés ne soient à nouveau mis à contribution. Si aucun dividende ne peut être versé, les actionnaires privilégiés ont droit, en cas de droit préférentiel cumulatif, à CHF 20.- chacun au cours de l'exercice suivant. En revanche, le droit non cumulatif de l'année en cours expire, de sorte que l'année suivante, seul le montant régulier de CHF 10.- par action préférentielle entre à nouveau en ligne de compte. Voici l’exemple d'un droit préférentiel au dividende sur un pourcentage du bénéfice distribué : au total, 20% du bénéfice distribué reviennent aux actionnaires privilégiés, le reste étant distribué aux actionnaires ordinaires. Il est également possible de prévoir que le reste soit réparti de manière égale entre tous les actionnaires (actionnaires privilégiés compris).

Le droit préférentiel au produit de la liquidation est souvent fondé sur une certaine proportion du capital investi par les actionnaires privilégiés (initiaux).

  • Exemple 1: les actionnaires privilégiés reçoivent d'abord un dividende à hauteur de leurs apports (c'est-à-dire la valeur nominale plus l'agio), puis un versement d'un montant équivalent est effectué aux actionnaires ordinaires, et enfin le reste est réparti entre tous les actionnaires selon la valeur nominale.
  • Exemple 2: les actionnaires privilégiés reçoivent d'abord un paiement correspondant à l'apport initial, plus un montant de CHF 200.- par action préférentielle. Les actionnaires ordinaires se partagent le reste du produit de la liquidation en fonction de la valeur nominale de leurs actions.

Droit de souscription préférentiel

Les droits préférentiels de souscription concernent le droit d'émettre de nouvelles actions préférentielles ou ordinaires à l'occasion d'une augmentation de capital, les actionnaires privilégiés étant, comme de juste, avantagés par rapport aux actionnaires ordinaires. On pourrait par exemple imaginer une réglementation selon laquelle les actionnaires privilégiés ne détiendraient que 30% du capital-actions, mais seraient autorisés à souscrire jusqu'à 60% des nouvelles actions lors d'une augmentation de capital.

Modification ou suppression de privilèges (droits de priorité)

S’il y a des actions privilégiées, il ne peut être émis de nouvelles actions qui les primeraient qu’avec l’approbation tant d’une assemblée spéciale des actionnaires atteints que d’une assemblée générale de tous les actionnaires. Demeurent réservées les dispositions contraires des statuts (art. 654, al. 2 CO). Cette disposition est également applicable en cas de modification ou de suppression de droits de priorité attachés par les statuts aux actions privilégiées (art. 654, al. 3 CO).

Bons de participation: excursus

Les dispositions relatives aux actions préférentielles s'appliquent en principe aussi aux bons de participation. Selon l'art. 656a, al. 2 CO, toutes les dispositions relatives au capital-actions, à l’action et à l’actionnaire sont applicables au capital-participation, au bon de participation et au participant à moins que la loi n’en dispose autrement. Les bons de participation peuvent donc également être dotés de privilèges (ATF 147 III 126 consid. 3).

Possibilités d'utilisation des actions préférentielles

Les actions préférentielles peuvent se révéler avantageuses dans différentes situations:

  • Création d'une société : des prestations particulières, telles que des apports en capital plus élevés ou un savoir-faire spécifique, peuvent être honorées par l'octroi d'actions préférentielles, sans qu'une majorité des voix ne soit accordée.
  • Augmentations de capital et assainissements : les nouveaux investisseurs peuvent se voir attribuer des actions préférentielles pour compenser le risque accru qu'ils encourent.
  • Combinaison avec des actions préférentielles : les actions préférentielles peuvent être combinées avec des actions à droit de vote privilégié afin de favoriser certains actionnaires, tant sur le plan financier que sur celui du droit de vote.

Restrictions et principe d'égalité de traitement

L'octroi de droits préférentiels doit être conforme aux dispositions légales. Ainsi, les actionnaires ne doivent pas être désavantagés de manière non fondée. Les modifications des statuts et les autres décisions de l’assemblée générale qui aggravent la situation des participants ne sont autorisées que si elles affectent dans la même mesure les actionnaires auxquels les participants sont assimilés (art. 656f, al. 3 CO). En outre, les actionnaires privilégiés ne doivent pas bénéficier d'un traitement plus favorable que celui prévu par la loi ou les statuts.

Parts sociales préférentielles dans les Sàrl

Les règles relatives aux actions préférentielles s'appliquent par analogie à la société à responsabilité limitée (Sàrl). Les dispositions du droit des sociétés relatives aux actions préférentielles s'appliquent par analogie aux parts sociales préférentielles (art. 799 CO).

En résumé

Les actions préférentielles constituent un instrument flexible permettant de répondre aux différents intérêts des actionnaires. Elles permettent d'octroyer des privilèges financiers sans pour autant modifier les droits de vote. Lors de leur conception et de leur introduction, il convient toutefois de veiller soigneusement aux exigences légales prévalant en la matière, notamment à obtenir l'accord des actionnaires concernés et à respecter le principe d'égalité de traitement.

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