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Incapacité de travailler: Liée au poste de travail

En droit des assurances sociales, la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales définit l’incapacité de travail comme la perte totale ou partielle de l’aptitude de la personne à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique (art. 6 LPGA). En droit des assurances privées, l’incapacité de travail est définie par les conditions générales d’assurances (CGA). Dans la pratique, les CGA définissent souvent l’incapacité de travail de la même manière que dans les assurances sociales.

20/06/2022 De: Nathalie Berger
Incapacité de travailler

Lorsque l’incapacité de travail découle d’une maladie, il n’existe aucune assurance sociale obligatoire (à l’inverse de l’assurance-accident). Si la personne est salariée, l’art. 324a CO prévoit l’obligation pour l’employeur de verser le salaire durant une certaine période. L’employeur a toutefois la possibilité de conclure une assurance maladie perte de gain dont les prestations doivent être au moins équivalentes. La police conclue pourra ainsi être soumise à la LAMal ou à la LCA.

En principe, certains événements ne sont pas considérés comme « incapacité de travail » et ne donneront pas droit au versement du salaire faiblesse constitutionnelle

  • malaise occasionnel
  • processus naturels de l’organisme (maternité, vieillissement physiologique, réaction de deuil, humeur dépressive temporaire
  • absence de motivation
  • environnement de travail stressant sans diagnostic psychiatrique
  • insatisfaction professionnelle
  • cures ou formation à titre préventif
  • interventions esthétiques

Incapacité de travailler liée au poste de travail

L’incapacité de travailler liée au poste de travail ne s’applique qu’en relation avec le travail concret ou le poste de travail actuel. En dehors de celui-ci, l’employé concerné serait en mesure de travailler. Ces restrictions liées au lieu de travail sont souvent liées à des situations de pression psychologique telles que le stress ou le mobbing au lieu de travail.

En ce qui concerne les rapports de travail, des questions juridiques spécifiques se posent dans ce contexte telles que l’attribution d’un autre emploi ou le transfert à un autre lieu de travail, le droit au maintien du salaire et le traitement de ces cas par l’assurance indemnités journalières en cas de maladie ainsi que la protection contre les congés.

Le certificat médical à géométrie variable, ou le certificat médical limité à la place de travail, est un certificat médical délivré par un médecin qui atteste d’une incapacité de travail uniquement pour un employeur ou pour un poste déterminé, mais pas pour un autre.

Différents cas peuvent se présenter :

  • le collaborateur travaille pour un seul employeur et se trouve en incapacité de travail pour le poste occupé, mais pas pour un autre poste disponible au sein de la même entreprise ;
  • le collaborateur travaille pour un seul employeur et se trouve en incapacité de travail uniquement en relation avec cet employeur, à l’exclusion de tout autre. Cette situation particulière vise essentiellement les incapacités de travail dues à des atteintes d’ordre psychique liées à des motifs relationnels qui existent seulement avec l’employeur en question (p. ex. mobbing, harcèlement, stress etc.) ;
  • il se peut également qu’une personne exerce simultanément deux activités lucratives à temps partiel et se trouve en incapacité de travail uniquement pour l’une d’elles mais pas pour l’autre[1].

Le certificat médical à géométrie variable atteste donc d’une incapacité relative, par opposition au certificat médical qui atteste d’une incapacité générale de travail. L’incapacité est donc liée au poste de travail ou à l’employeur.

Le certificat médical à géométrie variable revêt une importance capitale en lien avec l’obligation de l’employeur de continuer à verser le salaire (art. 324a CO) ainsi que la protection contre les congés en temps inopportun (art. 336c CO). La protection contre les congés en temps inopportun se justifie par le fait que l’engagement d’un collaborateur en incapacité de travail à la fin du délai de congé ordinaire paraît hautement invraisemblable en raison de l’incertitude quant à la durée et au degré de l’incapacité de travail[2]. Avec une incapacité de travail à géométrie variable ce besoin de protection n’existe plus, puisque le collaborateur peut rechercher une activité adaptée auprès d’un autre employeur. C’est pourquoi une partie de la doctrine considère que la protection contre les congés donnés en temps inopportun ne s’applique pas dans un tel cas[3]. Dans un arrêt daté du 8 novembre 2016, le Tribunal fédéral a admis qu’il était possible qu’une incapacité soit limitée à la place de travail et a admis la compensation du solde de vacances et heures supplémentaires durant le délai de congé. Cet arrêt peut être interprété comme le fait que le collaborateur au bénéfice d’un certificat à géométrie variable n’est plus protégé contre les congés donnés en temps inopportun. Ce point n’est toutefois pas indiqué noir sur blanc dans l’arrêt du Tribunal fédéral[4].

Les incapacités de travail limitées à la place de travail concernent surtout les atteintes d’ordre psychique induites par les conditions de travail (mobbing, harcèlement sexuel, stress)[5]. Ce type d’atteinte, étant basé de manière prépondérante sur les dires du patient, résulte d’éléments essentiellement subjectifs. C’est d’ailleurs pour cette raison que certains auteurs[6] considèrent qu’une incapacité de travail limitée à la place de travail ne déploie aucun effet en droit du travail et que la constatation d’une telle incapacité de travail ne devrait pas être acceptée par l’employeur.

L’incapacité de travail limitée à la place de travail peut néanmoins aussi résulter d’éléments plus objectifs tels que la confrontation à des substances nocives, l’apparition d’allergies de la part du collaborateur[7]. Nous pouvons encore mentionner toutes autres activités objectivement dangereuses et pénibles (p. ex. les activités impliquant le port de charges lourdes ou celles où les collaborateurs sont soumis à de fortes nuisances sonores, à de fortes chaleurs ou au contraire à des températures largement négatives).

Il appartient à l’employeur, respectivement à l’assurance perte de gain, de prouver que l'incapacité de travail n'est pas générale mais limitée à la place de travail (art. 8 CC).

Continuation de paiement du salaire de l’employeur

En vertu du droit des obligations, l’employé a le droit de continuer à percevoir son salaire pendant une durée limitée s’il est empêché d’effectuer son travail pour cause de maladie.

Il arrive parfois que le collaborateur remette à l’employeur un certificat médical attestant d’une incapacité de travail totale mais limitée à la place de travail ou à l’activité, voire à l’employeur. De même, l’assurance maladie perte de gain peut prendre position et considérer que le travailleur est apte à exercer son activité auprès d’une autre entreprise ou dans un autre domaine d’activité et mettre ainsi fin à ses prestations moyennant le respect d’un délai raisonnable.

Dans ce cas, la question de l’obligation de l’employeur de verser le salaire se pose. Si l’employeur a conclu une assurance maladie perte de gain conformément à l’art. 324a al. 4 CO, il est en principe libéré de toute obligation envers le travailleur. Il en va de même lorsque l’assureur refus de prester ou met un terme aux prestations parce qu’il conteste le bien-fondé de l’incapacité. Il appartient cas échéant au collaborateur d’exercer son droit d’action directe à l’encontre de l’assurance.

Obligations de verser les prestations de l’assurance indemnités journalières en cas de maladie

La diversité des conditions générales d’assurance (CGA) des différents prestataires est extrême.

EXEMPLE DE CGA D’UN FOURNISSEUR
La condition préalable à une prestation est une incapacité de travailler médicalement objectivable. L’assureur a le droit de refuser une demande de prestations si l’incapacité de travailler invoquée est principalement due à des facteurs non-médicaux tels que des difficultés relevant du droit du travail ou si le diagnostic susmentionné ne constitue pas une incapacité de travailler. Un réexamen de l’obligation de verser des prestations après le refus d’un diagnostic survient uniquement sur la base d’un nouveau rapport médical spécialisé.

Dans le cas de cette condition contractuelle, un psychiatre doit être consulté immédiatement par l’employé dans le cas individuel d’incapacité de travailler sur le lieu de travail. Un diagnostic psychiatrique posé par le médecin de famille seul ne suffit pas.

D’autres prestataires versent également l’indemnité journalière convenue en cas d’incapacité de travailler purement liée au poste de travail. Toutefois, les assureurs demandent régulièrement à l’employé de chercher un autre emploi dans le cadre de l’obligation de minimiser le dommage si l’attribution d’un autre emploi ou d’un autre lieu de travail à l’employé n’est pas possible selon les critères ci-dessus.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d’indemnités journalières, l’assuré doit, en cas d’incapacité de travailler de longue durée dans sa profession d’origine, rechercher d’autres possibilités de gagner de l’argent qui lui sont ouvertes aussi longtemps que cela peut être exigé de lui dans les circonstances données. Une période transitoire de trois à cinq mois pour trouver un emploi et s’adapter au changement de situation doit lui être concédé. L’indemnité journalière est ensuite supprimée à l’expiration de la période annoncée. Les obligations de l’employeur après la cessation des indemnités journalières sont controversées. La majorité est d’avis que l’obligation de l’employeur de continuation de versement du salaire ne sera pas rétablie. Par contre, si un tribunal devait juger la situation différemment, l’employeur court le risque d’être poursuivi par l’employé pour la continuation de versement du salaire.

Conseil

Il est recommandé à l’employeur confronté à une incapacité de travail liée au lieu de travailler de consulter un avocat avant d’interrompre, si nécessaire, la continuation de versement du salaire et/ou de licencier. En tous les cas, il peut être judicieux d’ordonner un examen de contrôle auprès d’un médecin-conseil.

Les employeurs sont également bien avisés de discuter en détail avec le prestataire de l’assurance d’indemnités journalières en cas de de maladie avant de souscrire ou de re-souscrire une police et de documenter la procédure à suivre par le biais de la police d’assurance. Ainsi beaucoup de désagréments seront évités lors de la survenance d’un tel cas de prestations; pour la protection de l’employeur et celle de ses employés.

 

[1] Ducor Philippe, Certificat médical d’incapacité de travail lorsque l’incapacité varie selon l’occupation (certificat à géométrie variable), in : La lettre de l’AMG, mars 2014, n°2, p. 4.

[2] Message du Conseil fédéral du 9 mai 1984 concernant l’initiative populaire « pour la protection des travailleurs contre les licenciements dans le droit du contrat de travail » et la révision des dispositions sur la résiliation du contrat de travail dans le code des obligations, FF 1984 II 628.

[3] Cf. p. ex. Wyler Rémy/Heinzer Boris, Droit du travail, 4e éd., Berne 2019, p. 859.

[4] Arrêt du Tribunal fédéral 4A_391/2016 du 8 novembre 2016, consid. 5.2.

[5] Gloor Werner, L’incapacité de travail limitée à la place de travail. La relativisation de la protection contre le congé donné en temps inopportun (art. 336c al. 1 let. b CO) ; analyse de l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_391/2016, Newsletter DroitDuTravail.ch février 2017.

[6] Voir p. ex. Paschoud Sophie, Quelques questions en lien avec le certificat d’incapacité de travail, in : Questions de droit, septembre-octobre, N° 59, p. 10

[7] Novier Mercedes, Le certificat médical dans les relations de travail, in : Dunand J.-P./Mahon P. (édit.), Les certificats dans les relations de travail, Collection CERT, Genève/Zurich/Bâle 2018, p. 105.

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