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Travail mobile: Obstacles et pièges juridiques

Les exigences posées par les employés ont changé, raison pour laquelle de nombreux employeurs proposent des modèles flexibles de travail qui leur permettent également d’exercer leur activité professionnelle en dehors des locaux de l’entreprise. Les deux parties, l’employeur et l’employé, en profitent. Cependant, les conditions juridiques sont souvent mal comprises ou ne sont pas prises en compte.

19/03/2024 De: Severin Boog, Alessandro Giangreco
Travail mobile

Travailler en dehors de l’entreprise

Dans le langage courant, le travail mobile est assimilé à des notions telles que le Home Office, le télétravail, le travail mobile, le Workation, le travail hybride, etc. sans faire de distinction entre les différentes formes. D’un point de vue juridique, le fait qu’un collaborateur travaille pendant ses vacances, parfois même depuis l’étranger, à domicile ou en train, est déterminant. Il convient donc de faire au préalable la distinction entre les différentes notions. Le point commun de toutes ces notions est que le travail est effectué en dehors des locaux de l’entreprise.

Travail mobile (Remote Work)

Pour l’essentiel, le travail mobile (Remote Work) signifie la réalisation d’une prestation à un endroit situé en dehors des locaux de l’employeur. En règle générale, un terminal mobile (par ex. un ordinateur portable) est utilisé à cet effet. Les visites aux clients, les voyages d’affaires, le travail au café, à la bibliothèque ou à la maison sont des exemples de travail mobile.

REMARQUE: De nos jours, le terme le plus répandu est probablement celui de Home Office. Home Office signifie également le travail à domicile. Il s’agit d’un terme familier utilisé entre autres lorsqu’une activité se déroule en dehors des locaux de l’employeur (par exemple dans le train, au café). Dans ce sens, il est également utilisé comme synonyme de travail mobile. Lorsqu’il est question de Home Office, il ne s’agit donc pas uniquement de travail à domicile, du moins dans le langage courant.

Télétravail/bureau à domicile 

Le télétravail au sens classique du terme désigne le travail effectué à domicile.

Workation

Les frontières entre le travail à un endroit fixe dans les locaux de l’employeur et le travail en dehors des locaux s’estompent de plus en plus. De nouvelles possibilités s’ouvrent ainsi aux collaborateurs qui n’étaient jusqu’à présent ni imaginées ni habituelles, du moins historiquement. 

C’est dans ce contexte qu’est née une nouvelle forme de travail, appelée «Workation ». Par Workation, on entend le travail (Work) pendant les vacances ou les congés (Vacation). Il s’agit donc d’effectuer un travail pendant la période prévue de congés (vacances). Ce type de travail peut avoir lieu dans le pays, mais aussi à l’étranger.

Formes mixtes/travail hybride

Il n’est pas rare que les formes de travail susmentionnées soient combinées. Il est tout à fait possible qu’un travailleur travaille aussi bien dans les locaux de l’employeur, depuis le train, depuis son domicile, mais aussi pendant ses vacances. Il s’agit donc d’une forme mixte de travail qui permet d’exploiter au mieux les avantages de chaque forme de travail. Dans ce contexte, on parle de plus en plus de travail hybride.

Lieu de travail

Le lieu de travail est un endroit défini par contrat (de travail) où le collaborateur remplit ses obligations contractuelles. Le lieu de travail peut être par exemple le siège de l’employeur, le domicile de l’employeur, mais aussi le train. Cela dépend de la manière dont le lieu de travail est défini dans le contrat.

Risques

Le travail mobile – utilisé ici comme terme générique pour le travail en dehors des locaux de l’employeur – comporte de nombreux obstacles et pièges juridiques. Selon l’organisation du mode de travail, il existe des risques liés au droit du travail, au droit fiscal et au droit des assurances sociales et il faut également tenir compte des aspects de conformité. Les domaines les plus importants sont ainsi abordés ci-dessous (il ne s’agit pas d’une énumération exhaustive).

Aspects du droit du travail

La loi sur le travail (LTr) et les ordonnances y afférentes régissent la protection des travailleurs. En vertu de l’art. 342 al. 2 CO, les dispositions qu’elles contiennent s’appliquent également aux rapports de travail de droit privé, de sorte que le collaborateur peut exiger le respect des règles directement auprès de son employeur.

L’employeur doit, conformément à l’art. 328 CO en relation avec l’art. 6 LTr, veiller à la santé des travailleurs. L’art. 6 al. 2 LTr exige par exemple de l’employeur qu’il aménage les installations et les processus de travail de manière à minimiser les risques pour la santé et à éviter le surmenage. Par ailleurs, le Conseil fédéral a édicté l’ordonnance 3 relative à la loi sur le travail (OLT 3) dans laquelle il prescrit d’autres mesures de santé. Pour citer quelques exemples: la protection de la santé comprend, par exemple, l’aménagement ergonomique du poste de travail, la qualité de l’air, mais aussi la prise de pauses suffisantes. L’ergonomie englobe le choix approprié d’une table et d’une chaise de travail ainsi que d’autres équipements de travail (clavier, souris, écran, etc.). Il faut également tenir compte de l’aération correcte des locaux de travail.

Pour plus de détails sur l’ordonnance 3, voir les Directives relatives aux ordonnances 3 et 4 de la loi sur le travail et leurs annexes.

Enfin, il existe également des règles relatives à la durée du travail et du repos. À cet égard, il convient de mentionner, entre autres, la durée maximale du travail hebdomadaire. La durée maximale de la semaine de travail peut varier en fonction de la catégorie professionnelle. Pour les cadres non supérieurs, l’art. 9 LTr prévoit les durées maximales de travail suivantes:

  • 45 heures pour les travailleurs dans les entreprises industrielles ainsi que pour le personnel de bureau, le personnel technique et les autres employés, y compris le personnel de vente dans les grandes entreprises du commerce de détail 
  • 50 heures pour tous les autres travailleurs

Il faut également tenir compte de l’interdiction du travail de nuit et du travail du dimanche. En raison de la protection de la santé, le travail de nuit est en principe interdit (art. 16 al. 1 LTr). Si le travail de nuit doit néanmoins être effectué, une autorisation doit être demandée. Le travail entre 23 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit. Le travail du dimanche est également interdit. Le travail du dimanche est la période comprise entre le samedi à partir de 23 heures et le dimanche jusqu’à 23 heures. Il est également soumis à autorisation. La loi sur le travail prévoit en outre l’interruption du travail quotidien par des pauses. Une pause d’au moins un quart d’heure doit être accordée pour un temps de travail quotidien de plus de cinq heures et demie, une pause d’une demi-heure pour un temps de travail de plus de sept heures et une pause d’au moins une heure pour un temps de travail de plus de neuf heures.

Le travail mobile va souvent de pair avec une disponibilité permanente. Il s’agit là d’un facteur à ne pas sous-estimer qui peut mettre en danger la santé des collaborateurs. En règle générale, les travailleurs mobiles ont tendance à consulter plus souvent leur téléphone professionnel que les travailleurs qui travaillent dans les locaux de l’employeur. En déplaçant le lieu de travail à n’importe quel endroit, il est plus difficile de terminer la journée après le travail. Il est donc conseillé d’introduire des mesures qui protègent la santé du travailleur (par ex. pas d’appels téléphoniques après 19 heures, pas d’appels vidéo après 19 heures, No Meeting Days, etc.).

Les prescriptions de santé susmentionnées (une sélection) ne s’appliquent pas seulement au travail sur place, mais aussi au travail mobile, raison pour laquelle l’employeur est tenu de veiller à leur respect. En effet, le non-respect des règles de santé peut, dans certains cas, entraîner une procédure administrative ou pénale. L’employeur est donc tenu de prendre des mesures appropriées pour protéger la santé des travailleurs à la maison, mais aussi dans le train ou dans la résidence secondaire à l’étranger. Cette obligation est d’autant plus forte si le travailleur est mobile à la demande de l’employeur.

En ce qui concerne le travail, il faut également tenir compte de divers aspects liés à la santé. Les vacances sont destinées à permettre au travailleur de se reposer. La loi stipule qu’un travailleur doit prendre deux semaines de vacances consécutives au moins une fois par an. Si le travailleur combine vacances et travail, il faut partir du principe que le facteur de récupération prescrit par le législateur est minimisé. Enfin, il convient de clarifier si le travail doit faire partie des vacances ou non. L’employeur peut régler cette question par le biais d’une convention d’affiliation. En outre, certains secteurs sont soumis à autorisation. Il s’agit par exemple du secteur bancaire, du secteur de la santé, mais aussi, dans certaines circonstances, du secteur des assurances.

ASTUCE: Les prescriptions en matière de santé doivent également être respectées en cas de travail mobile. Prenez connaissance de ces règles et prenez les mesures qui s’imposent pour protéger la santé de vos employés. Consultez les directives relatives aux ordonnances 3 et 4 de la loi sur le travail, qui contiennent des concrétisations sur la protection de la santé.

Aspects de droit fiscal et de droit de la sécurité sociale

Le travail mobile transfrontalier comporte des risques en matière de droit fiscal et d’assurances sociales. Du point de vue du droit fiscal, il existe un risque de création d’un établissement stable au domicile du travailleur. Cela est toujours pertinent lorsqu’un employé travaille à domicile dans un établissement fixe à l’étranger. Un établissement stable est une installation fixe dans laquelle une partie importante (tant du point de vue quantitatif que qualitatif) de l’activité d’une entreprise est gérée de manière permanente, c’est-à-dire sur une longue période.

ASTUCE: Le Home Office pour les employés domiciliés à l’étranger devrait être limité dans le temps ou interdit afin d’éviter les éventuels inconvénients qui en résulteraient sur le plan fiscal. En outre, il est conseillé de limiter le Home Office à l’étranger à un certain nombre de jours par semaine. Enfin, l’employeur devrait se pencher sur le risque de création d’un établissement stable et demander des conseils juridiques.

Il est ainsi possible que le lieu de travail à domicile (par ex. une pièce privée de travail) soit qualifié d’établissement stable de l’employeur. Si un établissement stable est créé au domicile de l’employé sur la base du Home Office, l’employeur ou l’entreprise y est assujetti à l’impôt de manière limitée en raison de la relation économique.

Pour les frontaliers, le travail en Home Office peut avoir pour conséquence qu’il est exercé au domicile et non plus au lieu de l’employeur. Ainsi, un frontalier doit en principe payer des impôts sur le revenu dans son pays de résidence pour les jours de travail effectués en Home Office. Par conséquent, l’employeur doit savoir combien de jours un frontalier travaille à domicile. Ce n’est que pour les jours restants que l’impôt à la source doit être déduit du salaire. Pour les résidents hebdomadaires internationaux, les employeurs suisses sont tenus de retenir l’impôt à la source sur le revenu du travail et de le verser à l’autorité fiscale compétente.

Si un salarié travaille de plus en plus à l’étranger, cela peut conduire à son obligation de s’affilier à une assurance sociale étrangère; si l’employeur s’en aperçoit trop tard, il devra verser après coup des cotisations d’assurance sociale à une institution d’assurance sociale étrangère qui peuvent encore être majorées d’un intérêt de retard. Pour déterminer l’assujettissement aux assurances sociales, il faut tenir compte du principe du lieu de travail en cas d’activité salariée dans un seul État et du principe du lieu d’activité en cas de travail salarié dans plusieurs États.

Visa et permis de travail

Selon la juridiction, un visa est nécessaire pour travailler à l’étranger. Le but de l’entrée et la durée du séjour sont souvent demandés, surtout en cas d’entrée dans un pays non-membre de l’UE. Selon le pays, le fait de ne pas obtenir le permis requis peut avoir des conséquences administratives et pénales importantes pour le travailleur et l’employeur.

ASTUCE: Afin d’éviter les risques liés à l’assujettissement des ressortissants de l’UE/ AELE aux assurances sociales étrangères (par ex. des charges sociales plus élevées, une charge administrative plus importante, des coûts salariaux nets en partie supplémentaires, une éventuelle obligation de verser après coup les montants dus au titre des assurances sociales, d’éventuelles pénalités pour paiement tardif), il est recommandé aux employeurs de prévoir par contrat que les employés domiciliés à l’étranger ne peuvent pas travailler plus d’un jour par semaine (20%) à domicile. Pour plus de détails à ce sujet, il convient de consulter un expert juridique.

ASTUCE: En cas de travail mobile à l’étranger, il convient de clarifier s’il existe une obligation d’autorisation et/ou de visa.

Conformité

Le travail mobile a diverses implications en matière de conformité. L’employeur doit s’assurer que les données sont suffisamment protégées. En particulier si un employé travaille avec des données sensibles (secrets d’entreprise, données personnelles, données relatives à la santé, transactions commerciales, etc.). En effet, la responsabilité de la sécurité des données incombe à l’employeur. Celui-ci ne peut s’exonérer que si un employé ne respecte pas des directives claires. En outre, le meilleur cryptage informatique ne sert à rien à l’employeur si l’employé travaille depuis le train sans prendre de précautions ou s’il ne sécurise pas correctement les documents correspondants. L’employeur ne doit donc pas seulement prendre des dispositions pour le traitement des données sensibles, mais aussi mettre à disposition des services de cryptage et des appareils appropriés.

En outre, les prescriptions de protection des données en vigueur en Suisse doivent également être respectées lorsque l’on travaille à l’étranger. Il convient ici d’accorder une attention particulière au Règlement Général européen sur la Protection des Données (RGPD) qui prévoit des amendes draconiennes. L’employeur devrait s’informer en conséquence et prendre les mesures de protection qui s’imposent, surtout en cas de travail mobile à l’étranger.

ASTUCE: Un filtre visuel devrait être mis à disposition pour les ordinateurs portables lorsque le collaborateur travaille dans des lieux publics comme les trains, les cafés, les bibliothèques, etc. En outre, le collaborateur devrait être formé pour verrouiller son ordinateur portable lorsqu’il quitte l’entreprise, le conserver en toute sécurité à la fin de son travail et protéger les documents contre l’accès non-autorisé de tiers.

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