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Épuisement professionnel: Les obligations de l'employeur

Un épuisement professionnel ne constitue pas – comme on a tendance à le considérer trop souvent – un diagnostic scientifique reconnu par le système international en vigueur des maladies psychiques. Est considéré d’une manière générale comme Burnout ou comme syndrome de Burnout un état d’épuisement corporel et physique qui peut également être accompagné d’une dépression. Du fait de cette dynamique, on parle souvent aussi d’une «dépression par épuisement» ou d’une «dépression provoquée par le stress». Comme le dit le mot anglais, les personnes atteintes d’un Burnout sont «brûlées», vides et sans énergie. À long terme, ces symptômes peuvent déboucher sur une incapacité de travail pour cause de maladie du collaborateur concerné.

14/12/2021 De: Carol Simona Rothenfluh
Épuisement professionnel

Du fait de la pandémie de Covid 19, une recommandation fut selon lesquelles les entreprises devaient décréter, partout où le type d’activité le rendait possible et où cela était réalisable de manière proportionnée, l’obligation de travailler à domicile. En dehors de divers avantages appréciés par les employés, le télétravail engendre aussi un risque élevé de surmenage dans la mesure où, dans ce contexte, la séparation physique entre le travail et la vie privée est supprimée et où de nombreux collaborateurs travaillent plus que prévu. En outre, nombreux parmi eux se sentent obligés de rester atteignables en dehors des heures fixes de travail, ce qui est possible avec les moyens mobiles de communication, les progrès techniques, la mise globale en réseau et une pression concurrentielle accrue. Ces tendances peuvent déboucher sur des risques d'épuisement professionnel, raison pour laquelle poser la question de la responsabilité d’un épuisement professionnel prend de plus en plus d’importance à l’heure actuelle.

Obligations de l’employeur

Le droit du travail contraint l’employeur à veiller à et à protéger la personnalité du collaborateur et à tenir suffisamment compte de sa santé. Pour protéger la vie, la santé et l’intégrité personnelle des collaborateurs, il doit prendre des mesures qui sont nécessaires selon l’expérience, qui sont applicables selon l’état de la technique et qui sont appropriées aux conditions d’exploitation dans l’entreprise dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l’exiger de lui (art. 328 CO). Cette obligation générale de protection et de diligence de la part de l’employeur est également inscrite dans la loi sur le travail (art. 6 LAA) et dans la loi sur l’assurance accidents (art. 82 LAA). L’art. 2 OTr3 précise également que l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir et améliorer la protection de la santé et pour garantir la santé physique et mentale des collaborateurs. En particulier, il doit veiller à ce que:

  1. de bonnes conditions de travail sur le plan de l’ergonomie et de l’hygiène soient assurées
  2. la santé ne soit pas altérée par des agents physiques, chimiques et biologiques nocifs et perturbateurs
  3. les efforts excessifs ou trop unilatéraux soient évités
  4. le travail soit convenablement organisé

Les employeurs sont donc soumis à des obligations dites de prévention qui les obligent à prendre des mesures adaptées à l’entreprise et aux salariés. Il s’agit notamment de l’analyse des risques de manière générale et spécifique au travail et à l’exploitation, de l’émission et du contrôle des règlements de travail et d’exploitation, en particulier en matière de sécurité et de prévention des accidents, du temps de travail, de l’organisation du travail, de l’interaction entre supérieurs hiérarchiques et employés et, enfin, de la prise de mesures spécifiques en cas de risques ou de stress identifiés.

Dans le contexte des risques de Burnout, la majorité du stress des employés peut être attribuée aux heures supplémentaires ou aux heures de travail excessives, au stress lié au travail et à la pression de performance ainsi qu’à l’absence de démarcation entre travail et loisirs. En théorie, le cadre juridique permettant de distinguer le temps de travail du temps de loisirs est clairement réglementé: la loi sur le travail prescrit une durée maximale de travail de 45 ou de 50 heures par semaine, elle stipule que chaque employé a droit à une période de repos d’au moins onze heures consécutives après la fin du travail et que les dimanches et jours fériés sont généralement chômés. Dans certains cas, cependant, et surtout en période de travail à domicile, il y a parfois des écarts importants entre les dispositions légales et la réalité, ce qui, dans le pire des cas, peut conduire l’employé à s’absenter du travail pour cause de maladie (Burnout).

Fondement possible de la responsabilité civile: infraction du devoir de diligence de l’employeur

En cas d’absence du travail liée à un épuisement professionnel, l’art. 328 CO en relation avec l’art. 97 CO peut constituer un éventuel fondement de responsabilité: le salarié dont la santé physique ou mentale a été atteinte par un manquement à l’obligation de diligence de l’employeur peut poursuivre son employeur en dommages et intérêts et demander une compensation. Le travailleur a la charge de la preuve à cet égard, c’est-à-dire qu’il doit prouver le dommage, la violation du devoir de protection et le lien de causalité adéquat entre la violation du devoir par l’employeur et la perte financière qui en résulte. La faute de l’employeur est présumée; toutefois, encore qu’il peut pouvoir prouver l’absence de tout manquement de sa part.

Positions en cas de sinistre

En cas d’absence liée à un épuisement professionnel, l’employé peut subir divers dommages tels que des frais de guérison, une perte de revenu en fonction de la durée du Burnout, des entraves à l’avancement professionnel, des surcoûts domestiques, des dommages en termes de frais de garde, des frais de justice et des honoraires d’avocat. Dans le cadre d’une éventuelle procédure en responsabilité, l’employé doit prouver ces postes de préjudice de manière détaillée dans la mesure où les postes de préjudice individuels ne sont pas déjà couverts par des assurances sociales.

Violation du contrat

Pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, il faut qu’il y ait une demande excessive imposée au collaborateur qui doit avoir été ou aurait pu être reconnue par l’employeur, d’une part, et qui, d’autre part, n’a pas été ou n’aurait pas pu être éliminée par l’employeur, en violation à ses obligations, par des mesures nécessaires, appropriées et raisonnables.

En ce qui concerne le dépassement d’horaire et les heures supplémentaires, les employeurs ont le devoir d’enregistrer les heures de travail des employés et de contrôler leur respect. Ainsi, en cas d’heures supplémentaires et d’heures en excès, les employeurs ont le devoir strict de réagir de manière appropriée et de prendre les mesures nécessaires, faute de quoi il y a violation du devoir de diligence de l’employeur.

Toutefois, d’autres facteurs pertinents pour l’épuisement professionnel tels que la charge massive de travail, la pression exercée pour respecter les délais et pour fournir le résultat escompté, les entraves au travail dues aux interruptions ou la résistance contre des projets et des décisions de l’employé par les superviseurs ou les collègues, le Mobbing, les conflits interpersonnels au lieu de travail, le manque de soutien ou de reconnaissance, etc.

Le devoir de diligence de l’employeur l’oblige à créer un climat de travail qui minimise d’emblée l’apparition de risques de stress ou les contrecarre le plus tôt possible. Cela comprend, entre autres, des entretiens avec les employés et des réunions d’équipe au cours desquels les employés peuvent rendre compte à l’employeur de leur charge de travail, de leur sollicitation psychique, de l’atmosphère générale de travail et de leur vie professionnelle. L’employeur doit évaluer les résultats obtenus de cette manière dans le cadre d’une analyse des risques et, si nécessaire, prendre les mesures appropriées pour éviter ou réduire la surcharge. Sur la base de son droit ou de son devoir d’émettre des directives, l’employeur peut et, dans certaines circonstances, doit adapter les processus de travail et d’exploitation, réaffecter le travail, restructurer les projets, ordonner les temps de travail, de présence ou de repos et éventuellement les congés, adapter les effectifs, etc.

En cas de problèmes interpersonnels, l’employeur doit mettre en place un système opérationnel de gestion des conflits qui comprenne des instructions et des directives concrètes sur les relations interpersonnelles, des discussions en cas de conflit ou, selon le type et la taille de l’entreprise, la réorganisation des équipes de travail dans l’espace ou dans le temps. Les mesures spécifiques à prendre par l’employeur doivent entrer dans le cadre des possibilités de l’entreprise et elles doivent être raisonnables pour l’employeur et pour l’employé, mais aussi appropriées pour lutter contre l’excès de stress. Au cas où les risques d’une éventuelle surcharge d’un ou plusieurs employés seraient identifiés sans que l’employeur ne prenne les mesures appropriées, l’employeur manquerait à son obligation de diligence et commettrait donc une infraction au contrat.

Faute

La faute de l’employeur est présumée dans le cas d’une infraction au contrat. Il est également déterminant, à cet égard, que l’employeur ait eu connaissance de la surcharge de travail. Inversement, les employés ont le devoir d’informer leur employeur en cas de surcharge, ce qui est particulièrement important dans le cas de facteurs de stress peu évidents.

Lien naturel et adéquat de causalité

Enfin, l’employé doit prouver que la maladie est survenue à la suite de la situation stressante sur le lieu de travail. Pour ce faire, les tribunaux examinent si la maladie de l’employé est apparue comme une conséquence de la situation stressante selon le cours habituel des événements et l’expérience générale de la vie et si elle n’aurait pas pu être évitée si l’employeur avait pris les mesures qui s’imposaient (causalité dite hypothétique et naturelle).

Obligations de l’employeur en vue de réduire les sollicitations
- Obligations de prévention: organisation coordonnée du travail (temps de travail, répartition des tâches, équipements de travail, etc.), introduction et suivi d’un système d’enregistrement du temps de travail, discussions avec le personnel, réunions d’équipe
- Analyse des risques liés au travail et à la situation opérationnelle afin d’identifier les éventuels facteurs de stress
- Prise de mesures pour prévenir la surcharge dans le cadre des possibilités opérationnelles: par exemple, adaptation des processus de travail/de l’organisation du travail/de la répartition des tâches, aménagement/réorganisation des temps de travail/de présence/de repos, adaptation des effectifs, mise à disposition d’un système de gestion opérationnelle des conflits, instructions et directives dans les relations interpersonnelles, discussions en cas de conflits, ligne pour les lanceurs d’alerte, etc.

Opportunités et risques de plainte en responsabilité

Les procès en responsabilité pour stress ne sont pas très courants en Suisse, ce qui est généralement à imputer à des problèmes de preuve de la part de l’employé plaignant. Cela est dû au fait qu’un épuisement professionnel n’est pas provoqué par un seul facteur (le stress), mais par plusieurs incidents et circonstances, également en dehors du travail, qui débouchent, après une longue période, sur une maladie. Ensuite, il y a souvent des facteurs cachés qui ne sont pas évidents pour l’employeur et qui, dans certains cas, ne peuvent pas être détectés malgré les processus existants de contrôle et qui ne peuvent donc pas être évités. Une norme objective doit également être appliquée dans l’analyse des risques de stress, l’appréciation du caractère «normal» ou «excessif» d’un stress dépendant également des ressources individuelles de l’entreprise et de la perception subjective de l’employeur ou du salarié. Dans une action en responsabilité, l’employeur niera tout acte répréhensible sur le lieu de travail, arguant que la surcharge de travail est due à la personnalité de l’employé (hypersensibilité, prédisposition constitutionnelle). En règle générale, cette analyse devra être effectuée par un expert indépendant en cas de litige.

Le fait qu’une violation du devoir de diligence soit généralement invoquée qu’après le licenciement de l’employé complique encore les choses. Dans ce cas, le préjudice direct est relativement faible (puisqu’il est couvert par les assurances sociales), à moins qu’une perte de revenus plus longue ne soit la conséquence de la maladie. Toutefois, les preuves relatives aux circonstances sont considérées comme établies dans les cas de licenciements abusifs et de licenciements avec effet immédiat où c’est à l’employeur de prouver le contraire.

Dans une décision récente, le Tribunal administratif fédéral a protégé la demande en responsabilité d’une ancienne employée de l’État qui rendait son employeur responsable de son épuisement professionnel. Le tribunal a estimé que l’employeur avait manqué à son devoir de diligence et qu’il était responsable d’une partie au moins des dommages causés à sa santé. L’employée avait déclaré à plusieurs reprises, lors de réunions du personnel, que la charge de travail était trop élevée et qu’elle suivait un traitement médical en conséquence. Le tribunal a estimé que l’employée avait ainsi respecté son obligation de notification et que l’employeur aurait dû prendre les mesures nécessaires. L’employeur avait vainement objecté que le stress temporel et émotionnel était typique de l’activité professionnelle spécifique de l’employée qui était responsable des décisions négatives en matière d’asile au sein du Secrétariat d’État aux migrations.

Cette décision historique montre que les employeurs doivent prendre au sérieux les notifications de charges excessives de travail des employés et qu’ils sont tenus de prendre des mesures de réduction du stress. Cette obligation s’applique également aux employeurs si l’activité professionnelle spécifique elle-même est associée à un risque supérieur de stress.

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