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Attestation de l’employeur: Le certificat de travail en Suisse

Bien connu en Allemagne et en Autriche, sans intérêt en France et en Italie, l’attestation de l’employeur ou le certificat de travail a fait couler beaucoup d’encre et reste un document souvent âprement négocié de part et d’autre, avec cette conséquence que le contenu finit par devenir beaucoup moins représentatif de ce qu’il est censé attester. Comment le rédiger au mieux?

23/07/2025 De: Mirjam Richon-Bruder, Christine Sattiva Spring
Attestation-de-l’employeur

La rédaction d’un certificat de travail [1] (attestation de l’employeur) est tout un art: il faut en effet concilier les intérêts souvent contradictoires de l’employé qui doit retrouver du travail, de l’employeur craignant une procédure de licenciement abusif et enfin d’un futur recruteur intéressé à connaître plus que les tâches effectuées ou assignées au postulant selon son cahier des charges. De surcroît, le responsable en ressources humaines chargé des recrutements, bien informé des appréciations usuelles, attend du document remis qu’il soit passablement explicite, alors que les règles légales et jurisprudentielles ne permettent pas d’exiger de l’employeur un certificat particulièrement détaillé. Gageure supplémentaire, le certificat de travail doit être à la fois véridique et bienveillant.

Certes, pour le collaborateur dont le travail et le comportement ne méritent que des éloges, la tâche ne sera pas trop délicate. Tel n’est toutefois souvent pas le cas et le rédacteur du certificat devra dès lors se montrer particulièrement attentif à ce qui y figure, en gardant à l’esprit qu’il engage son entreprise par les termes choisis, qu’ils soient trop élogieux et potentiellement trompeurs pour un nouvel employeur ou, au contraire, trop défavorables et dès lors inacceptables pour l’employé qui s’en va.

Comment définir le certificat de travail

Aux termes de l’article 330a CO, le certificat de travail (attestation de l’employeur) est un document remis par l’employeur à son collaborateur, définissant la durée des rapports de service, listant les tâches assumées par l’employé, se prononçant sur la qualité du travail et le comportement général du travailleur et pouvant émettre un jugement de valeur sur les capacités futures de la personne concernée. La disposition dans sa teneur actuelle date de 1971, lors du remaniement profond des titres dixième et dixième bis du code des obligations (du contrat de travail)[2].

Plusieurs conséquences découlent de la définition légale. Ainsi, il en résulte que le certificat de travail se compose d’une partie objective (tâches confiées et assumées) et d’un élément plus subjectif, soit l’appréciation que l’employeur donne du collaborateur, tant à l’intérieur de l’entreprise que parfois de manière plus générale dans une autre activité. Toute la difficulté consistera alors à objectiver autant que possible cette appréciation, pour la rendre inattaquable.

 

Le but de la remise d’un certificat de travail à l’employé

Déjà dans son message du 25 août 1967, le Conseil fédéral relevait, en lien avec l’article 330a CO, la nécessité d’assurer la protection de la personne du travailleur et son avenir économique[3]. De plus, la disposition a été placée dans la catégorie des normes semi-impératives, ce qui signifie que le collaborateur ne peut renoncer valablement à demander la délivrance d’un tel document. Dans la rédaction, il y a lieu de garder à l’esprit cet objectif de favoriser l’avenir économique du travailleur. L’obligation de l’employeur découle ainsi de celle de protéger la personnalité du travailleur ancrée à l’article 328 CO.

Quelle forme pour le certificat de travail(attestation de l’employeur)

Quand bien même la formulation finale de l’article 330a alinéa 1 CO n’est pas aussi claire sur ce point que la disposition du projet soumis aux Chambres fédérales[4], le certificat de travail doit être écrit. Il conviendra d’utiliser le papier à en-tête de l’employeur afin qu’il puisse être clairement identifié[5], de soigner la mise en forme et de faire signer le document par des personnes autorisées à engager légalement l’entreprise.

Le certificat doit être rédigé dans un français correct, sans erreurs d’orthographe ou de grammaire, qui donnent l’impression d’un manque de sérieux de l’employeur précédent et peuvent dès lors influencer la lecture de ses appréciations; le travailleur peut ainsi exiger un certificat sans fautes et demander la rectification formelle de celui qui lui a été adressé émaillé de coquilles[TF, 4A_117/2007 du 13 septembre 2007, consid. 7.1.].

La langue de cette attestation de l’employeur donne lieu à diverses difficultés lorsque celle du lieu de travail n’est pas identique à celle qui est usuellement pratiquée dans l’activité professionnelle. Le collaborateur doit être en mesure de comprendre le certificat qui lui est remis; ainsi, il pourra être nécessaire de déroger à la règle générale selon laquelle le document doit être écrit et rédigé dans la langue du lieu de travail. La jurisprudence a d’ailleurs admis que le collaborateur a droit à une version du certificat en deux langues lorsque celle de l’activité et du lieu ne coïncident pas; cette jurisprudence paraît cependant être restée lettre morte auprès de certaines multinationales.

Enfin, le certificat final doit être daté du dernier jour des rapports de travail, et non du moment où l’employeur décide, pour des raisons qui lui sont propres, de libérer le collaborateur de l’obligation de travailler. Tout au plus peut-on réserver les cas dans lesquels la libération du collaborateur qui va quitter l’entreprise est notoire.

Le contenu du certificat: les conditions matérielles[6]

Comme déjà mentionné, le certificat de travail(attestation de l’emplyeur) est un document qui se doit d’être complet, conforme à la réalité et rédigé de manière bienveillante. Le choix de la formulation appartient en principe à l’employeur, dans les limites du principe de la bonne foi, qui interdit notamment de recourir à des termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus. Le certificat doit contenir la description précise et détaillée des activités exercées et des fonctions occupées dans l’entreprise, les dates de début et de fin d’engagement, l’appréciation de la qualité du travail effectué, ainsi que de l’attitude du travailleur. S’il doit être établi de manière bienveillante, le certificat peut et doit contenir des faits et appréciations défavorables, pour autant que ces éléments soient pertinents et fondés [TF, 4A_117/2017 du 13 septembre 2007, consid. 7.1 et réf .cit.].

La bienveillance de l’employeur ne signifie pas que celui-ci doit louer un collaborateur peu méritant, mais que le document qu’il remettra à celui qui quitte son entreprise ne saurait porter inutilement atteinte à l’avenir économique de l’employé. La bienveillance trouve ses limites dans le devoir de vérité qui, selon le Tribunal fédéral, l’emporte sur les autres principes[ATF 136 III 510 consid 4.1.].

Selon le même arrêt, le certificat de travail constitue en quelque sorte une carte de visite accompagnée d’un arrêt sur image à un moment donné des compétences, des qualités et de l’expérience professionnelle d’un postulant.

L’employeur bénéficie, dans la rédaction et l’appréciation qu’il donne de son collaborateur, d’une liberté importante, uniquement sanctionnée par le Juge dans les cas d’abus. Il en découle que le travailleur ne peut pas exiger que l’évaluation de sa prestation soit formulée dans les termes qu’il a lui-même choisis, ni se plaindre qu’il manquerait des vœux pour le futur ou des remerciements pour le travail accompli dans son certificat [TF, 4C.36/2004 du 8 avril 2004, consid. 6.].

En tout état de cause, les appréciations de l’employeur qui doivent figurer dans le certificat de travail concernent tant la qualité de l’activité que l’attitude du collaborateur: il n’est pas loisible à ce dernier de réclamer un certificat qui ne porterait que sur l’un ou l’autre point: le principe d’intégralité s’y oppose clairement. Cela étant, pour remplir son obligation légale, l’employeur devra s’appuyer sur le dossier du collaborateur, notamment dans l’hypothèse où ce dernier a fréquemment changé de fonction, voire de département et que les personnes avec lesquelles il a travaillé par le passé ne sont plus dans l’entreprise. C’est dire toute l’importance des évaluations annuelles, des objectifs fixés.

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