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Comprendre le certificat de travail: Une source de contentieux

Le contentieux du certificat de travail, soit le dépôt d’une demande en justice requérant l’employeur de délivrer ou de corriger un certificat de travail, pose quelques problèmes particuliers. Après avoir brièvement traité du certificat de travail en général, nous traiterons de la rédaction des conclusions, de la valeur litigieuse du certificat et de la possibilité d’user de moyens de contrainte envers un employeur récalcitrant.

14/04/2022 De: Philippe Ehrenström
Comprendre le certificat de travail

Comprendre le certificat de travail

Selon l’art. 330a CO, l’employé peut demander en tout temps à l’employeur un certificat portant sur la nature et la durée des rapports de travail ainsi que sur la qualité de son travail et sa conduite (al. 1). A la demande exprès du travailleur, le certificat ne porte que sur la nature et la durée des rapports de travail (al. 2). Dans le premier cas on parle de certificat de travail complet ou qualifié. Dans le second cas, il ne s’agit que d’une attestation de travail.

Le certificat de travail a pour but de permettre au travailleur d’améliorer sa situation et de retrouver du travail. Il doit être conforme à la vérité, complet et ne pas contenir de double sens (en théorie du moins !) Dans la réalité, il en va naturellement très différemment : il s’agit de documents lourdement codés, à tel point que l’on écrit des livres entiers sur leur herméneutique, et la mention même de l’absence de code en est un!

Le droit à la délivrance d’un certificat de travail appartient à l’employé pendant les rapports de travail (certificat de travail intermédiaire) et après ceux-ci sous réserve d’un délai de prescription de dix ans dès la fin desdits rapports.

C’est à l’employeur seul qu’il incombe de rédiger le certificat de travail. Le certificat doit contenir la description précise et détaillée des activités exercées et des fonctions occupées dans l’entreprise, les dates de début et de fin de l’engagement, l’appréciation de la qualité du travail effectué ainsi que de l’attitude du travailleur. S’il doit être établi de manière bienveillante, le certificat peut et doit contenir des faits et appréciations défavorables, pour autant que ces éléments soient pertinents et fondés.

Lorsque l’employeur établit un certificat faussement élogieux et qui ne correspond pas à la réalité, il commet un acte illicite (art. 41 et ss CO) qui peut engager sa responsabilité envers les futurs employeurs qui se baseraient sur ce document objectivement inexact pour engager l’employé en cause. L’employeur qui établit un certificat inexact ou incomplet au détriment du travailleur ou qui n’en établit aucun engage également sa responsabilité envers celui-ci sur la base des art. 97 et ss CO.

Si les parties sont en mauvais termes ou en procès, l’employeur ne peut en particulier pas refuser de délivrer un certificat de travail. Il n’a pas le droit de retenir ou d’utiliser le certificat de travail comme moyen de contrainte à l’égard du travailleur.

L’action en délivrance ou en rectification du certificat

Face à un employeur rétif ou de mauvaise volonté, l’employé peut exercer l’action en délivrance ou en rectification du certificat de travail qui serait insatisfaisant ou inexact. Il lui appartiendra alors d’alléguer et de prouver les faits à la base des modifications qu’il demande. L’employeur devra prouver, quant à lui, la réalité des appréciations négatives contenues dans le certificat.

En cas de désaccord avec l’employeur, l’employé sera toujours bien inspiré de proposer le texte du certificat de travail qu’il considère comme juste et exact, et, si l’employeur persiste, de demander au tribunal compétent qu’il condamne l’employeur à délivrer un certificat conforme à ce projet (qui sera bien évidemment annexé à la demande).

L’action relative au certificat de travail doit en effet être formulée clairement et contenir des conclusions précises. Si le travailleur demande la rectification du contenu du certificat de travail, il doit formuler lui-même le texte requis de manière à ce que le Tribunal puisse le reprendre sans modification dans son jugement. Le travailleur ne peut pas se borner à conclure à ce que l’employeur lui délivre un certificat de travail, par exemple, dont le contenu serait « conforme à la vérité » ou « selon le droit ».

Valeur litigieuse du certificat de travail

La valeur litigieuse (art. 91 et ss CPC) est celle de l’objet du litige exprimé en somme d’argent. L’objet du litige se détermine par les conclusions de la demande au jour de la litispendance.

La détermination de la valeur litigieuse a d’importantes conséquences procédurales, par exemple pour déterminer la procédure applicable ou les règles de compétence matérielle ou fonctionnelle afin d’arrêter le tribunal compétent pour connaître du litige.

Dans ce contexte, la détermination de la valeur litigieuse de conclusions relatives au certificat de travail pose des problèmes récurrents.

La valeur litigieuse du certificat de travail ne peut en effet être fixée dans l’absolu en fonction d’un nombre indéterminé de mois de salaire. L’importance du certificat de travail varie selon la qualification du salarié, le marché de l’emploi, etc. La valeur litigieuse ne peut pas non plus être établie schématiquement selon que le certificat de travail est totalement ou partiellement contesté : seul compte le fait que le certificat serait litigieux sur des points essentiels ou non.

Il convient donc dans un cas d’espèce de chiffrer la valeur litigieuse au regard de l’entrave à l’avenir professionnel du travailleur, en fonction de toutes les circonstances, telles que la profession, la fonction, la durée des rapports de travail, le niveau de salaire, la qualification du salarié et la situation sur le marché de l’emploi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_151/2010 du 31 août 2010 consid. 2). L’employé doit démontrer en fonction de sa situation concrète la valeur de ses conclusions (arrêt du Tribunal fédéral 4A_45_2013 du 6 juin 2013 consid. 4.2).

Exemples: Valeur litigieuse de Frs. 15'000.—pas atteinte dans le cas d’un employé qui n’allègue pas être entravé d’une manière ou d’une autre dans son avenir professionnel, ne prétend pas qu’il aurait des difficultés à trouver un emploi ou qu’il envisagerait de chercher un nouvel emploi (RSPC 2013, p. 387 ; RSPC 2011 p. 294) ; valeur d’un mois de salaire admise pour un directeur concernant un certificat complet (JdT 2016 III 39) ; valeur de quelques centaines de francs au maximum si la rectification du certificat ne porte que sur un élément factuel relativement minime qui n’est pas à même de porter un grand préjudice à l’employé (CACI 19 novembre 2014/599) ; procédure non gratuite portant sur la somme de CHF 30'000.—et la délivrance d’un certificat de travail « respectueux » (CREC 17 avril 2013/113) ; valeur litigieuse inférieure à un mois de salaire dans un cas où l’appelant n’a pas allégué d’entrave concrète à son futur économique, son salaire mensuel était de l’ordre de CHF 14'000.—, et ses conclusions d’appel ne portaient que sur la rectification d’une partie du certificat de travail (CAPH/35/2016).

Contraindre l’employeur ?

Peut-on contraindre un employeur récalcitrant à exécuter ses obligations en matière de certificat de travail ?

La Chambre des prud’hommes de la Cour de justice du Canton de Genève a examiné récemment le cas d’un employeur condamné à délivrer un certificat de travail en première instance mais qui ne s’exécutait pas et ne semblait prendre aucun intérêt à la procédure (CAPH/99/2017, consid. 4).

Selon l’art. 337 CPC, le tribunal qui rend la décision peut également ordonner les mesures d’exécution nécessaires, sur requête de la partie qui a eu gain de cause (art. 236 al. 3 CPC). Lorsque la décision prescrit une obligation de faire, de s’abstenir ou de tolérer, le tribunal de l’exécution peut ordonner l’une ou l’autre des mesures prévues par l’art. 343 al. 1 let. a à e CPC, qu’il peut aussi cumuler. L’art. 343 al. 1 CPC prévoit ainsi notamment que lorsque la décision prescrit une obligation de faire, de s’abstenir ou de tolérer, le tribunal de l’exécution peut assortir la décision de la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, prévoir une amende d’ordre de 5000 francs au plus et/ou prévoir une amende d’ordre de 1000 francs au plus pour chaque jour d’inexécution.

Le juge doit prendre les mesures d’exécution adéquates et proportionnées aux circonstances. Entre plusieurs solutions, l’autorité d’exécution choisira la moins dommageable et la moins onéreuse.

Dans le cas d’espèce, la Cour a tenu pour constant que l’employeur n’a pas participé à la procédure de première instance, ni à celle d’appel. Compte tenu de l’importance pour l’employée de se voir délivrer un certificat de travail, afin de pouvoir rechercher une nouvelle activité professionnelle, et du total désintérêt dont semblait faire montre l’employeur, il se justifiait d’assortir la condamnation à délivrer un certificat de travail de la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP.

Conclusion

Il importe de rappeler, pour conclure, que le certificat de travail est un document qui ne coûte rien à l’employeur, même s’il peut, à titre exceptionnel, engager sa responsabilité, et qui a une importance pratique démesurée par l’employé.

Il devrait dès lors être envisageable de régler cette question dans les échanges habituels entourant la fin des rapports de travail, sans solliciter indûment les tribunaux sur ce document. Le meilleur contentieux du certificat de travail, c’est encore celui qui n’a pas eu lieu.

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