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LEg: L’analyse détaillée des salaires est-elle un vrai plus?

Depuis quelques années, l’égalité salariale est revenue au premier plan du débat public et politique en Suisse. L’entrée en vigueur, le 1ᵉʳ juillet 2020, de la révision de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg) marque une étape décisive: les entreprises d’une certaine taille sont désormais tenues de procéder à une analyse interne de leurs structures salariales et de la faire vérifier. Dans un contexte où la transparence et la responsabilité des employeurs sont scrutées de plus en plus attentivement, cette obligation légale ne se résume pas à une formalité administrative, mais constitue un levier stratégique pour garantir l’équité et renforcer l’image de l’entreprise sur le marché du travail.

28/07/2025 De: Christine Sattiva Spring
LEg

L’égalité salariale est inscrite dans la Constitution fédérale depuis le 14 juin 1981. A cette date, peuple et cantons avaient en effet plébiscité l’adjonction d’un alinéa 2 à l’article 4[1] relatif à l’égalité qui, dans sa teneur initiale, ne visait pas l’égalité des sexes mais établissait l’absence de privilèges tels que les connaissaient les régimes non démocratiques. Issue d’un contre-projet du Conseil fédéral à une initiative populaire qui lui paraissait trop extrême, la disposition postulait que l’homme et la femme sont égaux en droit, que la loi pourvoit à l’égalité notamment dans le domaine du travail et que les hommes et les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. Les difficultés pratiques d’application de cette dernière phrase sont à l’origine de démarches parlementaires réclamant une meilleure concrétisation du principe constitutionnel. Ces mouvements sont à la base de la LEg, portée aussi par les impératifs d’euro-compatibilité du début des années nonante.

Votée le 24 mars 1995 et en vigueur depuis le 1er juillet 1996, la LEg consacre à son article 3 l’interdiction de toute discrimination à raison du sexe, notamment s’agissant de la rémunération. L’équation travail salaire se lit ainsi ; à travail égal ou de valeur égale doit correspondre un salaire égal entre femmes et hommes.

Etablir cette corrélation peut s’avérer extrêmement compliqué lorsqu’on ne connaît pas le salaire de ses collègues, ce d’autant qu’en Suisse dévoiler le montant de sa rémunération reste tabou[2]. Quoi qu’il en soit, le premier pas est de déterminer si on se trouve en présence d’une discrimination directe ou indirecte. Une discrimination est dite directe lorsqu’elle touche la personne du fait de son sexe ; il en va ainsi par exemple lorsque l’employeur rémunère moins les femmes entre 25 et 40 ans, au motif qu’elles pourraient faire valoir des droits à un congé maternité. On parle de discrimination indirecte lorsqu’une règle, qui paraît fondée sur un critère d’apparence neutre, a, en réalité, un effet beaucoup plus sensible sur un des sexes que l’autre ; tel serait le cas d’une disposition réglementaire selon laquelle les personnes à temps partiel inférieur à 80% ne bénéficient pas d’un treizième salaire : sachant que les femmes travaillent beaucoup plus à temps partiel que les hommes, cette réglementation pourrait désavantager les femmes en général et devrait être proscrite.

Pour qu’une collaboratrice puisse avoir gain de cause dans le cadre d’une action en égalité salariale, il est nécessaire qu’elle parvienne à établir une vraisemblance de discrimination à raison du sexe, au sens de l’article 6 LEg. Le juge doit disposer d’indices objectifs suffisants pour que les faits allégués – soit une rémunération sensiblement supérieure pour un travail égal ou de valeur égale ou une rémunération équivalente pour un travail de valeur différente – présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu’il puisse en aller différemment. Le magistrat n’a donc pas à être persuadé du bien-fondé des arguments de la travailleuse et sera en principe convaincu de la vraisemblance lorsque la différence de salaire qui est alléguée se situe dans une fourchette de 15 à 25% selon la présomption découlant de la jurisprudence fédérale.

Après cette première phase dans laquelle c’est à la collaboratrice de fournir des éléments de preuve atténués, il incombera à l’employeur qui veut défendre son système d’établir en apportant une preuve stricte au sens de l’article 8 CC l’inexistence de toute discrimination à raison du sexe ou la justification objective de la différence de rémunération reçue par le personnel. A cet égard, on rappelle que les motifs d’ordre social, tels qu’une famille importante à charge, n’ont en principe plus vraiment leur place dans la rémunération des collaborateurs. Ce qui compte est avant tout lié à la formation, l’expérience professionnelle antérieure, l’ancienneté ou toute caractéristique particulière objective liée au poste en question[ATF 127 III 207.]: le bilinguisme justifie une différence salariale, dans la mesure où il est utile voire nécessaire mais cette différence doit être strictement proportionnelle à l’apport complémentaire représenté par le fait de parler deux langues [TF, 4A_449/2008.].

Dans ce domaine, l’intention de l’employeur ne joue absolument aucun rôle: il ne pourra se disculper en faisant valoir qu’il n’a jamais voulu discriminer. Il lui incombe donc d’obtenir de ses collaborateurs, et de conserver, tous les éléments nécessaires à lui permettre de justifier de leur rémunération s’il en est requis. Sous cet angle, il convient de se souvenir que ce sont uniquement les montants touchés par le collaborateur qui font règle, indépendamment du fait que l’employeur peut toucher des aides notamment sous forme d’AIT[TF, août 2012]. Dans le cadre de l’égalité salariale, Toute compensation pour la contrepartie d’un travail effectué, en nature ou en argent, soit en particulier le salaire de base, la part variable, la gratification, le bonus y compris le paiement des allocations familiales, d’éventuelles allocations prévues dans des CCT et même des frais de formation[ATF 126 II 217], ou encore des indemnités de départ.

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