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Congés sabbatiques: Quelles sont les conséquences juridiques et financières?

La prise d’un congé non payé est un besoin qui s’impose de plus en plus pour de nombreux collaborateurs souhaitant marquer une pause dans leur travail au quotidien. Un congé sabbatique requiert néanmoins l’assentiment de l’employeur et implique une multitude de conséquences, que cela soit au niveau juridique, financier ou des assurances sociales et il convient d’être parfaitement au clair avec celles-ci.

23/08/2022 De: David Schneeberger
Congés sabbatiques

Contexte

Le terme « sabbatique », repris de l’hébreu par la langue française, a pour racine le verbe « shābath », signifiant « s’arrêter, se reposer ». Bien que ce mot, dans la Torah, désigne également la période de jachère de sept ans d’une terre arable, on entend par année ou congé sabbatique le fait de marquer une pause délibérément longue dans sa vie professionnelle. Cette période de repos dure, en règle générale, de trois à douze mois et est mise à profit à des fins multiples: pour voyager à l’étranger, mener à bien un projet personnel, s’engager socialement ou encore poursuivre une formation continue. Selon la législation suisse, il n’existe toutefois aucun droit en matière de congé sabbatique et un tel congé doit être convenu d’entente avec l’employeur. A quoi faut-il dès lors prêter attention?

Aspects de droit du travail

Les congés sabbatiques suspendent les rapports de travail convenus par contrat pour une période déterminée, changeant ainsi leur dynamique habituelle. Ce dernier point requiert d’autant plus que l’on convienne de la chose par écrit. Il est dès lors recommandé d’y inclure et d’y faire figurer tous les points principaux, à savoir ce qui est à l’initiative d’un tel congé et qui en profitera.

Selon l’art. 322, al. 1 CO, l’employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention collective. Si, en revanche, les parties conviennent d’un congé sabbatique, l’obligation de prester du travailleur doit être mise au repos étant donné que ce dernier est libéré de ses obligations professionnelles. Cela justifie pour sa part le fait que l’absence en question puisse ne pas être payée. Les parties peuvent toutefois aussi convenir que les congés sabbatiques soient partiellement ou intégralement payés par l’employeur ou encore déduits de ses heures supplémentaires.

Si le travailleur est libéré de ses obligations professionnelles dans le cadre d’un congé sabbatique, ses droits et devoirs accessoires sont également suspendus étant donné que le travailleur en question n’est plus astreint à se conformer au droit de donner des directives de son employeur. Ceci signifie à son tour que le travailleur ne devrait, en principe, plus être atteignable en cas d’urgence ou de demande de renseignement. Si, par ailleurs, cette dernière solution ne devait correspondre ni aux intérêts du travailleur ni à ceux de l’employeur, il serait alors bon d’en convenir par écrit. Le fait de savoir dans quelle mesure une accessibilité minimale doit être indemnisée et dans quel délai il convient de répondre aux éventuelles sollicitations de l’employeur devrait également faire l’objet d’une discussion éclairée.

Protection contre le congé

Qui prend un congé non payé n’interrompt pas ses rapports de travail mais les suspend, les met en veille. Cela signifie que le contrat de travail continue d’exister et qu’il ne change pas. Suite à cela, l’employeur peut également prononcer une résiliation dans le cadre d’un congé sabbatique étant donné qu’aucune protection contre le congé n’y est prévue, comme en cas de service militaire, par exemple. Il convient toutefois de garder à l’esprit qu’une résiliation ne prend effet que lorsque le travailleur en a pris connaissance. On recommande dès lors de convenir d’une adresse à laquelle le travailleur peut être joint en tout temps durant sa période de repos.

Ce qui est vrai pour l’un étant également vrai pour l’autre, le travailleur peut pareillement décider de mettre fin à ses rapports de travail pendant un congé non payé.

Vacances

Le droit aux vacances est réduit proportionnellement à la durée du congé sabbatique.

13e salaire

Le droit au 13e salaire est réduit proportionnellement à la durée du congé sabbatique.

Accident et maladie

Comme les droits et devoirs accessoires sont suspendus en période de congé sabbatique, il n’existe, en cas de maladie ou d’accident, aucune obligation de continuer de verser le salaire du côté de l’employeur. En cas d’accident, le travailleur est renvoyé à l’assurance-accidents obligatoire. Les personnes ayant quitté leur emploi ou pris un congé non payé ne sont assurées contre les accidents non professionnels que pour une période de 31 jours à compter de leur dernier jour de travail. La couverture d’assurance pour les accidents non professionnels peut toutefois être prolongée jusqu’à six mois par l’assurance de l’employeur dans le cadre d’une assurance par convention. Une telle assurance peut être au plus tard contractée 31 jours après le dernier jour de travail. Pour les absences de plus longue durée, on devrait qui plus est conclure une assurance accident non professionnel via sa caisse-maladie.

En cas de maladie, le travailleur bénéficie, en règle générale, des prestations fournies par l’assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie de son employeur. En cas de congé sabbatique, celles-ci ne sont plus versées plus et c’est pourquoi il convient d’examiner si la conclusion d’une assurance individuelle d’indemnités journalières est à l’ordre du jour. Cela s’avère en outre et pour le moins compliqué étant donné qu’une indemnité journalière doit, en cas de maladie, compenser le salaire perdu et qu’en cas de congé sabbatique, l’on a déjà sciemment renoncé à l’obtention dudit salaire. Dans tous les cas, il s’avère payant de régler cette question au préalable et de solliciter les prestations convenues en cas de séjour à l’étranger.

AVS/AI/APG (1er pilier)

Les cotisations AVS/AI/APG se montent, pour les salariés, à 10,25% du salaire brut. Les cotisations sont versées pour moitié par le salarié et pour moitié par l’employeur. Une personne gagnant moins que 2'300.- par an peut verser des cotisations AVS à titre volontaire. Pour les personnes sans activité lucrative, les cotisations AVS sont calculées comme suit: la fortune, ainsi que le revenu acquis sous forme de rente multiplié par 20, sont déterminants pour le calcul des cotisations à l’AVS, à l’AI et aux APG. On peut prendre connaissance de la valeur de référence obtenue au moyen de la table de calcul de l’AVS (lien: https://www.ahv-iv.ch/p/2.03.f). Le montant minimal est de 482.- par an et le montant maximal de 24'100.- annuels.

Sont entre autres réputées personnes sans activité lucrative les assurés exerçant une activité lucrative, mais dont les cotisations annuelles provenant de cette activité, part de l’employeur comprise, n’atteignent pas 482 francs (ce qui correspond à un revenu annuel brut de 4 702 francs). La personne qui – par exemple dans le cadre d’un congé sabbatique – n’exerce pas durablement d’activité lucrative à plein temps peut alors être rattachée à la catégorie des personnes sans activité lucrative. C’est effectivement le cas lorsque les assurés qui n’exercent pas durablement d’activité lucrative à plein temps et dont les cotisations provenant d’une activité lucrative (part de l’employeur comprise) sont inférieures à la moitié des cotisations qu’ils devraient payer en tant que personnes sans activité lucrative. Sont donc considérées comme telles les personnes qui exercent une activité lucrative durant moins de 9 mois par an ou durant moins de 50 % du temps usuellement consacré au travail.

Exemple: un cadre interrompt son activité professionnelle (jusqu’à la fin de l’année) pour prendre un congé sabbatique au 1er juin. Jusqu’à cette date, son revenu a atteint 50'000.- dont 10,25% de cotisations AVS/AI/APG (5'125.-). Dans le premier cas de figure, sa fortune se monte à 1 million de francs et dans le second à 4 millions de francs. Pour une fortune de 1 million de francs, il doit payer des cotisations de personne sans activité lucrative d’un montant de 1'947.50.- et, pour une fortune de 4 millions, des cotisations de personne sans activité lucrative de 10'403.75.- (concernant le calcul, se référer au mémento AVS consultable sous: https://www.ahv-iv.ch/p/2.03.f.

Dans la mesure où les prestations qu’elle a fournies dans le cadre d’une activité lucrative atteignent la moitié des cotisations des personnes sans activité lucrative, la personne concernée est considérée comme exerçant une activité lucrative. Dans le premier cas de figure, la moitié des cotisations des personnes sans activité lucrative se montent à 973.75 francs. Etant donné que l’on a déjà versé 5'125.-, l’obligation de cotiser est considérée comme étant remplie. Dans le second cas de figure, la moitié des cotisations des personnes sans activité lucrative se monte à 5'201.90 francs. Etant donné que le cadre n’a versé que 5'125.- jusqu’ici, il est considéré comme une personne sans activité lucrative pour toute l’année. Il doit en outre payer une différence de 5'278.75 francs (10'403.75 – 5'125) en sus d’une contribution aux frais d’administration. On peut à son tour déroger à cela lorsque le conjoint est assuré en tant que personne exerçant une activité lucrative et qu’il a déjà versé le double du montant minimal.

Un congé sabbatique, selon son ampleur, le revenu, la fortune et l’état civil de l’intéressé, peut se révéler onéreux au regard de l’obligation de cotiser. Un calcul préalable s’impose donc en ce sens. Selon les circonstances, un calcul présentant par trop de désavantages financiers peut être contourné en fixant la prise du congé sabbatique à une date plus propice, par exemple à cheval sur deux années civiles.

La rente AVS se calcule sur la base du revenu annuel moyen. Celui-ci se compose des revenus de l’activité lucrative, des bonifications pour tâches éducatives et des bonifications pour tâches d’assistance (art. 29quater LAVS). Alors que les années de cotisation répondent à la question relative à la durée complète des cotisations et qu’elles définissent en cela l’échelle des rentes applicable (si la durée de cotisation est complète, l’échelle des rentes 44 s’applique par ailleurs), le revenu annuel moyen déterminant fixe à son tour le montant de la rente vieillesse dans le cadre de l’échelle des rentes applicable. Le revenu annuel moyen déterminant maximal est de 85'320.- francs et implique de toucher la rente vieillesse maximale selon l’échelle des rentes applicable.

Sont pris en considération les revenus d’une activité lucrative sur lesquels des cotisations ont été versées (art. 29quinquies, al. 1 LAVS). La personne considérée comme exerçant une activité lucrative et qui, en raison d’une pause, ne perçoit pas de salaire pour une année complète réduit par conséquent son revenu annuel moyen déterminant. Aussi longtemps que ce dernier est supérieur à 85'320.- francs, cela n’a pas de conséquences négatives sur la rente vieillesse.

Les cotisations des personnes sans activité lucrative sont multipliées par 100, puis divisées par 8,4 (le double du taux prévu à l’art. 5, al. 1 LAVS) et sont comptées comme revenu d’une activité lucrative. Dans le second cas de figure susmentionné, la qualité de personne sans activité lucrative est reconnue. Etant donné que les cotisations auraient dû, en l’espèce, se monter à 10'403.75 francs, cette somme devrait être multipliée par cent puis divisée par 8,4. Le résultat de l’opération donne un résultat de 120'000 francs. Le congé sabbatique en question n’aurait donc eu aucunes répercussions négatives sur la rente vieillesse étant donné que le revenu de l’activité lucrative imputable aurait été, en l’occurrence, supérieur à 85'320.-

AC

Malgré une possible garantie de réintégration dans son précédent emploi, il existe néanmoins, pour le collaborateur concerné, le risque (ou la chance?) de devoir passer par la case « reconversion professionnelle » ou, de manière transitoire, par la case « chômage ». Le cas échéant, qui n’a pas versé au moins 12 mois de cotisations AC au cours des deux dernières années avant d’être sans emploi ne perçoit pas d’indemnités de chômage. Un congé sabbatique de plus d’un an induit, en toute logique, que l’on court le risque de perdre droit auxdites indemnités.

Allocations familiales

Durant un congé non payé, les allocations pour enfants et les allocations pour formation professionnelle ne sont versées que pour le mois civil en cours et les trois mois suivants. Qui prend un congé sabbatique plus long renonce forcément, dans cet ordre d’idées, à ces allocations. Il peut donc s’avérer judicieux de vérifier, le cas échéant, ce à quoi son conjoint a droit. 

Prévoyance professionnelle (2e pilier)

Dans le cadre d’un congé sabbatique, l’employeur ne verse aucune prestation à la caisse de pension étant donné qu’aucun salaire n’est touché. La personne qui ne change pas d’employeur peut, selon la règlementation prévue par la caisse de pension compétente, être astreinte à payer la cotisation de risque et/ou la cotisation d’épargne pendant encore six à douze mois. Il convient de noter à cet effet que les cotisations du travailleur et de l’employeur doivent être payées. Ces composantes d’épargne et l’assurance contre les risques d’invalidité et de décès ne figurent pas au catalogue de toutes les caisses de pension. Certaines caisses de pension n’offrent qu’une continuation d’assurance contre les risques d’invalidité et de décès (à cotisations de risque réduites) alors que d’autres n’en prévoient tout simplement aucune. Un entretien préalable avec la caisse de pension en question ainsi qu’une consultation attentive du règlement en vigueur paraissent ici indispensables.

La personne qui met en lien sa période de repos avec une résiliation de ses rapports de travail est en droit d’avoir un entretien explicatif avec la caisse de pension concernée jusque-là. Si la personne en question a déjà signé un nouveau contrat de travail, la caisse de pension du nouvel employeur essaiera peut-être, de son côté, de lui apporter son aide. Dans tous les autres cas, le travailleur a la possibilité de se faire assurer via la Fondation institution supplétive.

Prévoyance individuelle liée (pilier 3a)

Les contributions au pilier 3a sont admissibles pour autant que l’on ait réalisé un revenu soumis à l’AVS durant l’année concernée. Ceci est valable, peu importe le montant du revenu soumis à l’AVS. Toute personne ayant pris un congé sabbatique ne s’étendant pas sur la totalité de l’année, par exemple un congé réparti sur deux années, peut donc cotiser au pilier 3a (du moment qu’il existe un revenu correspondant) et déduire les cotisations en question de ses impôts.

Autres assurances

Les autres assurances (privées) ne sont pas concernées par le congé sabbatique pour autant que ce dernier n’ait pas lieu à l’étranger. Dans ce cas, il convient tout particulièrement de prendre connaissance de la couverture géographique de l’assurance responsabilité civile et de l’assurance ménage et aussi de jeter un coup d’œil à la prise en charge des frais de rapatriement.

Impôts

En raison de la progression fiscale, le taux d’imposition augmente avec tout revenu supplémentaire. Qui répartit son congé sabbatique sur deux années civiles peut dès lors, par voie de conséquence, optimiser sa charge fiscale. L’exemple suivant d’un homme célibataire, domicilié à Winterthour, ayant un revenu de 100'000.- net et sans confession le démontre clairement:

Congé sabbatique 2018 2019 Total charge fiscale
01.01.2019-31.12.2019

Revenu: 100'000.-

Charge fiscale: 12'875.-

Revenu: 0.-

Charge fiscale: 24.- (impôt par tête)

12'899.-
01.07.2018-30.06.2019

Revenu: 50'000.-

Charge fiscale: 5'102.-

Revenu: 50'000.-

Charge fiscale: 5'102.-

10'204.-

Une fois la comparaison faite, il devient évident que le fait de bien répartir les dates d’un congé non payé permet de procéder à une optimisation fiscale. Il faudrait encore ajouter à cela que, dans le premier cas de figure, seules les cotisations pour l’année 2018 respectivement pour le pilier 3a auraient été admises.

Congés sabbatiques: Résumé

Les congés sabbatiques ont de nombreuses conséquences juridiques et financières. Il demeure toutefois planifiable et peut être aménagé en conséquence. Il est cependant recommandé au travailleur de s’entretenir au préalable avec son employeur, de prendre contact avec les différentes assurances et autorités concernées et d’en discuter les détails. Du côté des entreprises, il est à son tour recommandé de mettre à disposition du service du personnel et des employés une feuille d’information en résumant les principaux points et de déterminer à l’interne quelles prestations sont fournies dans quelle mesure, quelles sont les contreparties que l’entreprise exige du collaborateur concerné et à partir de quand ce dernier peut ou doit être remplacé par un employé temporaire.

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