Reporting sur le développement durable: Nouvelles obligations pour le conseil d’administration
Aides de travail appropriées
J’ai fait remarquer récemment au responsable du développement durable d’une entreprise de taille moyenne que «ses» cinq notations ESG publiées sur son site internet n’étaient pas très cohérentes. Je lui ai dit que leur divergence semait la confusion chez le destinataire. Il était d’accord avec moi, mais a fait remarquer en même temps que chaque notation utilisait des données différentes et qu’elles étaient évaluées selon des méthodes différentes.
Ce manque de transparence sur les sources de données et les méthodes d’évaluation constitue l’un des grands défis de l’écosystème de la communication en matière de durabilité. En principe, l’élaboration d’une notation ESG se fait à partir d’informations accessibles au public, qu’il s’agisse d’articles de presse ou de rapports de durabilité publiés par les entreprises.
La manière dont les agences de notation évaluent et pondèrent ces informations est – pour l’instant encore – laissée à la seule appréciation de l’agence concernée et n’est que partiellement compréhensible. Ce n’est donc pas tout à fait par hasard que la Commission européenne réfléchit à une réglementation et a publié le 15 juillet 2023 un projet de loi visant à améliorer les notations ESG dans le sens d’une plus grande transparence et d’une plus grande validité.
Obligations de reporting non financier considérablement étendues
Alors que les notations ESG s’adressent principalement aux investisseurs et sont établies par des agences de notation indépendantes et spécialisées, le rapport de durabilité – ou rapport ESG – est publié sous la responsabilité de l’entreprise elle-même. Le rapport de durabilité publie des informations non financières qui peuvent être pertinentes pour toutes les parties prenantes d’une entreprise.
La directive Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), adoptée par le Parlement européen en 2022, modifie en profondeur l’étendue et la nature du reporting sur le développement durable. Les exigences en matière de reporting seront considérablement élargies pour les grandes entreprises à partir de 2024. Grâce à l’extension progressive du champ d’application sur plusieurs années, la CSRD s’appliquera à un nombre croissant d’entreprises. Outre les entreprises déjà couvertes par la NFRD (Non-Financial Reporting Directive), la CSRD concernera également les PME et les entreprises non européennes actives dans l’UE.
«Outside-in» et «inside-out»
Le reporting doit contenir, entre autres, des informations sur les objectifs de durabilité et sur les principaux effets négatifs de l’entreprise. Pour la mise en oeuvre d’un système de reporting approprié, il convient donc d’identifier les impacts possibles, généralement via une analyse de matérialité. Le concept de «double matérialité» est ancré dans la CSRD. Ainsi, les entreprises sont tenues de rendre compte à la fois de l’impact des aspects de durabilité sur la situation économique de l’entreprise («outside-in») et de l’impact des activités de l’entreprise sur la société et l’environnement («inside-out»).
«Transparence sur tous les canaux»
L’un des objectifs du rapport de durabilité est la mesurabilité et la comparabilité des prestations de durabilité. Ce qui n’était qu’un thème de communication avec des déclarations à peine chiffrables devient ainsi un rapport quantitatif et compréhensible qui place les entreprises devant le défi de l’acquisition de données. Alors qu’il est relativement facile d’obtenir des informations sur sa propre consommation d’énergie, l’obtention d’informations sur les émissions de CO2 sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement est déjà nettement plus complexe. De plus, les informations sur la durabilité devront à l’avenir être publiées dans le rapport de gestion et non plus dans un rapport séparé. Pour les entreprises, l’introduction de la CSRD implique de nombreuses nouvelles étapes de processus et d’information avec un énorme travail de collecte de données, de coordination et de communication en interne et en externe. Outre l’obligation de facto d’intégrer des objectifs de développement durable dans la stratégie, il en résulte également la possibilité de briser les silos organisationnels et d’innover au niveau des nouvelles interfaces.
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L’effort en vaut-il la peine?
Le reporting sur le développement durable n’est pas obligatoire pour toutes les entreprises et son introduction se fait par étapes. Dans un premier temps, ce sont surtout les grandes entreprises qui sont tenues de publier des informations. Cependant, même les entreprises qui n’y sont pas obligées ont tout intérêt à mesurer leurs efforts en matière de durabilité et à les rendre publics. Les attentes du marché vis-à-vis des efforts de durabilité d’une entreprise sont de plus en plus élevées, de sorte que des mesures appropriées doivent être prises.
Ces mesures, ainsi que la transparence qui les accompagne, seront indispensables, ne serait-ce que pour des raisons de réputation. A l’avenir, on peut également s’attendre à ce que le reporting sur le développement durable, sur lequel se basent en grande partie les notations ESG, soit d’une importance décisive pour le financement des entreprises, que ce soit en tant qu’information pour l’évaluation des risques par les banques et les investisseurs institutionnels ou en tant que base de décision pour l’octroi de subventions par les bailleurs de fonds publics.
Qui vérifie le rapport de durabilité?
Le rapport de durabilité sera soumis à une obligation d’audit externe, même si l’on n’a pas encore déterminé qui sera autorisé à fournir des services de certification. Ce sont les États membres de l’UE qui en décideront. Pour l’instant, l’audit du rapport de durabilité n’est prévu qu’avec une assurance limitée, mais ce n’est qu’une question de temps avant que le niveau d’audit ne soit relevé à un niveau d’assurance raisonnable.
Sans compétence en matière de durabilité, rien ne va plus au conseil d’administration
La CSRD exige également que le rapport contienne des informations sur le rôle du comité directeur et du conseil d’administration dans le domaine du développement durable. Ainsi, la garantie des systèmes de contrôle internes en ce qui concerne le rapport de durabilité et le système de gestion des risques relève de la responsabilité du conseil d’administration. Cela n’est possible que si la direction et ce même conseil disposent des compétences nécessaires. De nombreuses entreprises devront inévitablement procéder à des changements dans la composition du conseil d’administration.
Les entreprises sont également tenues par la CSRD de prendre explicitement position sur la résilience du modèle d’entreprise. Les organes supérieurs sont ainsi contraints de se pencher de manière intensive sur les aspects stratégiques et de répondre à des questions qui n’ont parfois pas encore été posées. Ce n’est qu’ainsi que les affaires peuvent être adaptées aux exigences de notre temps dans le sens de la durabilité.
Pour des dizaines de milliers d’entreprises en Europe, cela signifie qu’elles doivent se préparer aux obligations de publication et de rapport et développer les compétences correspondantes. Pour les organes de direction pour lesquels le reporting sur le développement durable est un terrain inconnu et dans le cadre desquels les systèmes de reporting correspondants doivent encore être mis en oeuvre, le défi ainsi que l’investissement en personnel et en temps sont considérables. C’est donc le moment ou jamais pour les entreprises concernées de se pencher sur la question.