Démarchage: Le démarchage est-il punissable?

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Introduction
Ce type de comportement est généralement plus fréquent chez les collaborateurs en contact étroit avec la clientèle. Ceux-ci souhaitent conserver les clients dont ils s'occupent, voire qu'ils ont acquis, même après la fin de leur contrat de travail.
De leur côté, les chefs d'entreprise ne souhaitent pas céder/transférer leurs clients sans autre forme de procès. Les employeurs auront donc souvent recours aux moyens disponibles en droit du travail pour empêcher tout démarchage et tout détournement de leur clientèle. On pense ici par exemple aux interdictions de concurrence à titre post-contractuel prévues aux articles 340-340c CO, et surtout aux «conventions de non-démarchage de clients». Il ne sera toutefois pas ici question des possibilités offertes par le contrat de travail.
L’article que nous vous proposons a plutôt pour but de vous montrer de quoi un employé pourrait éventuellement se rendre coupable s'il essayait de démarcher les clients de votre entreprise pour son propre compte ou pour celui d’un nouvel employeur. Les dispositions (pénales) pertinentes se trouvent par exemple dans la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD). Nous y reviendrons ultérieurement dans un article séparé.
Nous nous concentrerons ici uniquement sur les dispositions du droit pénal, régies par le Code pénal suisse (CP). Il s'agit également de montrer comment procéder lorsque vous constatez un tel comportement de la part de l’un de vos (anciens) collaborateurs.
Qu'entend-on par «démarchage»?
Par «démarchage», on sous-entend régulièrement le comportement suivant:
- Influencer les clients de l'(ancien) employeur de manière à ce qu'ils rompent leur lien contractuel avec ce dernier pour nouer par la suite une nouvelle relation d'affaires.
- Influencer les clients non contractuels mais réguliers de l'(ex-)employeur afin qu'ils rompent leur relation d'affaires avec ce dernier et en nouent une nouvelle par la suite.
Pour réussir à détourner votre clientèle, il faut généralement que le démarcheur connaisse la clientèle de votre entreprise ou qu'il soit en contact étroit avec elle. Il arrive également quelquefois que le démarcheur connaisse vos chiffres commerciaux et vos offres. Fort de ces connaissances, il pourra par exemple proposer une offre plus avantageuse que la vôtre.
Aperçu
Le Code pénal ne prévoit pas d'infractions explicites qui interdiraient le débauchage de clients. Cependant, comme le démarchage de clients est régulièrement lié à l'exploitation de connaissances acquises par le débaucheur dans le cadre de son emploi, ce sont principalement les éléments constitutifs suivants qui peuvent lui être reprochés:
- art. 158 CP: «Gestion déloyale»
- art. 162 CP: «Violation du secret de fabrication ou du secret commercial»
- le cas échéant, art. 273 CP: «Service de renseignements économiques»
Nous les expliquerons plus en détail par la suite.
Les faits suivants ne doivent être mentionnés qu’à titre marginal mais sont généralement des conditions préalables à la réalisation des délits susmentionnés:
- art. 143 CP: «Soustraction de données»
- Art. 144bis CP: «Détérioration de données»
- le cas échéant, art. 292 CP: «Insoumission à une décision de l’autorité»
Avant d'aborder les différents éléments constitutifs de l'infraction et afin que vous sachiez comment procéder le cas échéant, voici quelques connaissances préliminaires et utiles en matière de droit pénal.
Deux types de normes pénales
Le droit pénal connaît deux types de normes pénales: (1) les infractions poursuivies sur plainte (2) les infractions poursuivies d'office:
- Pour simplifier, une infraction poursuivie sur plainte nécessite une demande explicite de la personne lésée - une «plainte pénale». Celle-ci doit être déposée auprès d'une autorité de poursuite pénale (police ou ministère public) dans un délai de trois mois à compter de la connaissance de l'acte et de l'auteur. Si la plainte pénale n'est pas déposée dans ce délai ou si elle est retirée en cours de procédure, la poursuite pénale est impossible. La poursuite pénale est, par conséquent, obligatoirement liée à la plainte pénale existante.
- Les infractions poursuivies d'office ne nécessitent pas une telle plainte. L'Etat peut engager des poursuites sans que la personne lésée ne manifeste la volonté de le faire, voire contre sa volonté. La condition préalable est bien entendu que les autorités de poursuite pénale aient connaissance de l'acte potentiellement punissable. En règle générale, cela se fait par le biais d'une « plainte pénale » sans que les poursuites pénales n’en dépendent. L’autorité peut également agir si elle a connaissance d'un comportement punissable d'une autre manière. Elle est alors uniquement liée par les délais de prescription généraux, qui varient en fonction de l'infraction.
Les normes pénales applicables ici sont en partie des infractions poursuivies sur plainte et en partie des infractions poursuivies d'office.
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Détails des infractions
Art. 162 CP: «Violation du secret de fabrication et du secret commercial» Cet article vise à punir quiconque:
- révèle un secret de fabrication ou un secret commercial qu’il est tenu de garder en vertu d’une obligation légale ou contractuelle,
- utilise cette révélation à son profit ou à celui d’un tiers,
Remarque importante: il convient de noter qu'un secret n'est violé que s'il est révélé à un tiers qui n'en a pas encore connaissance. Dans le cas des relations avec les clients, une déclaration faite uniquement à ces derniers ne suffit pas - ils connaissent déjà la relation d'affaires. Il n'y aura violation du secret que si la relation client de l'ancien employeur est divulguée à un nouvel employeur, par exemple en démarchant des clients de l'ancien employeur pour le compte du nouveau.
Les relations avec les clients ou la clientèle d'une entreprise, ainsi que les sources d'approvisionnement ou les calculs de prix, peuvent également être considérés comme des secrets de ce type.
L’une des autres conditions préalables est l'obligation contractuelle ou légale de garder le secret. Il convient ici de distinguer si
- un contrat de travail est en cours ou
- s’il a déjà pris fin.
Pendant la durée d’un contrat
Lorsque le contrat de travail est en cours, l'art. 321a, al. 4 CO prévoit une interdiction complète d'utiliser ou de communiquer des secrets (par ex. le cercle de clients) à d'autres personnes. Si l'employé profite de la connaissance qu’il a de la clientèle, il agit en contradiction avec cette obligation légale et est ainsi susceptible de se rendre pénalement punissable.
Après la fin du contrat
La situation est différente après la fin des rapports de travail. L'art. 321a, al. 4 CO prévoit que l'obligation de garder le secret ne perdure que de manière limitée au-delà de la période d'engagement. Un examen au cas par cas est donc régulièrement nécessaire. Il est recommandé de fixer par contrat (de travail) l'étendue de l'obligation de garder le secret après la fin du travail. Une réglementation contractuelle permettrait de maintenir l'obligation de garder le secret même après la fin du travail. Le non-respect d'une telle obligation contractuelle peut également entraîner une sanction pénale au sens de l'article 162 CP.
L'art. 162 CP est un délit poursuivi sur plainte (voir ci-dessus). Une plainte pénale est donc nécessaire en la matière. Celle-ci doit être déposée par le lésé ou par l'entreprise lésée dans le délai imparti.
Art. 273 CP: «Service de renseignements économiques». Cette disposition rend punissable la divulgation transfrontalière d'un secret de fabrication ou d'affaires (voir ci-dessus). Contrairement à la trahison de secrets sur le territoire national, il s'agit d'une infraction poursuivie d'office. Si vous constatez une telle violation du secret, une plainte pénale est toutefois généralement nécessaire pour que l'autorité de poursuite pénale soit informée du comportement de l'(ancien) employé et soit en mesure d'ouvrir une procédure.
Remarque importante: n'oubliez pas que le simple fait de «se renseigner», c'est-à-dire de préparer une telle divulgation de secret, peut déjà conduire à une sanction pénale. Il n'est pas toujours évident de savoir quand et si les conditions relevant de l'«espionnage industriel» sont remplies. Un examen de la situation initiale par une personne compétente est recommandé dans la plupart des cas.
Art. 158 CP: «Gestion déloyale». La gestion déloyale est une norme spéciale relative au démarchage de clients et constitue une infraction poursuivie d'office. Seule est punie la personne qui, en raison de circonstances particulières - spécifiées dans la loi - est chargée de gérer les intérêts pécuniaires d'un tiers (par ex. l'ancien employeur) et qui laisse ce patrimoine subir un préjudice. La condition est donc double:
- obligation (en vertu d’un mandat, d’un acte juridique) de gérer des intérêts pécuniaires (pour le compte de l'employeur ou indirectement pour ses clients, par exemple en vertu d'une obligation découlant du contrat de travail);
- provoquer ou permettre que les intérêts pécuniaires subissent un préjudice.
Autres faits entrant en ligne de compte
Si l'employé s'empare de vos listes de clients (on pense par exemple à une liste Excel contenant toutes les données relatives à vos clients), il pourrait se rendre coupable d'accès indu à un système informatique (art. 143 CP). Si l'employé modifie ou efface vos données ou les rend inutilisables, cela pourrait également constituer une détérioration de données (art.144bis CP).
Ces deux infractions ne protègent toutefois « que » vos données et donc indirectement votre clientèle. Le vol de données est une infraction poursuivie d'office, la détérioration de données est poursuivie sur plainte.
Insoumission à une décision de l’autorité
De même, la sanction pour insoumission à une décision de l'autorité n'est applicable qu'indirectement. Cette punissabilité est envisageable si vous avez déjà tenté d'empêcher un démarchage par voie (civile) judiciaire. Si le tribunal a interdit - en se référant explicitement à l'art. 292 CP - que vos clients soient contactés, mais que le démarcheur s'oppose à cette injonction, il peut s'en rendre punissable.
Remarque importante: selon le Tribunal fédéral, tout conseil d'administration doit s'abstenir de toute activité susceptible de nuire à la société pendant un à deux ans, même après la fin de son mandat (TF 6B_609/2010, consid. 7.2).
Démarchage: en guise de conclusion
Le démarchage de vos clients relève souvent aussi du droit pénal. Il n'est toutefois pas toujours facile de déterminer avec précision dans le cadre de quelle norme pénale il s’inscrit. La question est alors de savoir comment procéder et de quelle manière les autorités de poursuite pénale doivent être averties. Il s’agit également de respecter les délais qui s’imposent. Si ces délais sont dépassés, il n'est plus possible d'engager de poursuites pénales.