Le contrat d’agence: Principes

L’agent n’est pas lié à ses mandants par un contrat de travail. Les dispositions relatives au contrat d’agence s’appliquent également aux agents exerçant cette activité uniquement à titre accessoire, sauf convention écrite contraire. Vous trouverez ci-dessous une fiche d’information résumant les points essentiels du contrat d’agence.

05/08/2025 De: Thomas Wachter
Le contrat d’agence

L’activité d’agent est définie à l’article 418a CO : est réputé agent celui qui s’engage, de manière durable, à servir d’intermédiaire pour un ou plusieurs mandants ou à conclure des affaires en leur nom et pour leur compte.

La loi distingue l’agent intermédiaire de l’agent concluant : les dispositions relatives au contrat de courtage s’appliquent à l’agent intermédiaire, celles relatives au contrat de commission à l’agent concluant (art. 418b CO).

Il convient également de distinguer l’agent du représentant commercial, du franchisé et du représentant exclusif :

L’agent est juridiquement considéré comme un entrepreneur indépendant. Il organise librement son activité, son entreprise et son temps de travail. Il achète en son nom propre et revend les marchandises à ses mandants. Il peut représenter plusieurs mandants. S’il renonce à travailler pour plusieurs donneurs d’ordre et agit comme agent exclusif, il devient économiquement dépendant de l’entreprise mandante, à l’image d’un salarié. Cette exclusivité doit toutefois faire l’objet d’un accord écrit (art. 418c al. 2 CO).

Le représentant exclusif achète et vend en son nom propre. Bien que le contrat qui le lie contienne certains éléments du contrat d’agence, il est juridiquement qualifié de contrat sui generis.

Distinction par rapport à d’autres types de contrats

Distinction par rapport à d’autres types de contrats

Le contrat d’agence se distingue d’autres formes contractuelles, comme par exemple le contrat de franchisage. Ce dernier permet à un entrepreneur d’exploiter une marque commerciale déjà bien établie sur le marché ainsi qu’un concept commercial éprouvé dans l’industrie ou le commerce, développé par une autre entreprise. Le franchisé agit en tant qu’entrepreneur indépendant au sein du réseau du franchiseur, dont il développe le marché local. Il commercialise les biens ou services du franchiseur pour son propre compte et à ses propres risques, à l’image d’un représentant exclusif, tout en respectant le concept uniforme de distribution et de communication du franchiseur. Il bénéficie également de la formation du franchiseur, ainsi que de l’usage de sa dénomination, de ses marques, présentations et autres droits de protection. En droit suisse, le contrat de franchise est considéré comme un contrat innommé. En pratique, des dispositions issues du droit de la vente, du bail ou du mandat peuvent s’appliquer, voire dans certains cas des règles du droit du travail.

Il convient également de noter que de nombreuses entreprises se désignent comme agences, alors que leurs contrats ne relèvent pas juridiquement du contrat d’agence. Ainsi, le contrat passé avec une agence de publicité est dans la majorité des cas un contrat d’entreprise. Les contrats conclus entre agences photographiques et leurs clients peuvent être des contrats de vente ou des accords de cession de droits d’usage. La relation entre ces agences et les photographes dépend des clauses contractuelles. Dans le cas des agents littéraires, la rémunération est généralement dépendante du résultat obtenu, ce qui peut indiquer une qualification en tant que contrat d’agence.

Exemple pratique : arrêt du Tribunal fédéral 137 III 32 du 22 novembre 2010

Cet arrêt traite de la distinction entre le contrat de représentant de commerce et le contrat d’agence. Le demandeur faisait valoir qu’il était soumis à des instructions dans l’exercice de son activité, qu’il avait l’obligation de rapporter régulièrement, qu’il participait à des formations obligatoires et qu’il était soumis à une interdiction stricte de concurrence. Enfin, il affirmait être économiquement dépendant de son mandant, ne pouvant exercer aucune autre activité en dehors des 8 à 10 visites clients hebdomadaires. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ces éléments sont caractéristiques de la relation de subordination typique d’un contrat de représentant de commerce.

Éléments du contrat d’agence

Le contrat d’agence peut en principe être conclu librement, y compris verbalement. Il est toutefois vivement recommandé de formaliser le contrat d’agence par écrit.

La forme écrite est obligatoire dans les cas suivants (art. 418c al. 2 et 3 CO) :

  • Lorsque l’agent s’engage à garantir le paiement ou toute autre exécution des obligations du client, ou à supporter en tout ou en partie les frais de recouvrement. Il a alors droit à une rémunération spéciale appropriée, à laquelle il ne peut renoncer.
  • Lorsque l’agent accepte de ne représenter qu’un seul mandant.

L’agent est tenu de sauvegarder les intérêts de son mandant avec la diligence d’un commerçant consciencieux (art. 418c al. 1 CO). Il est possible d’inclure une clause de non-concurrence, qui peut produire ses effets au-delà de la fin du contrat d’agence. Dans ce cas, les dispositions du contrat de travail sont applicables par analogie. Si une telle clause est convenue, l’agent bénéficie lors de la fin du contrat d’un droit inaliénable à une rémunération spéciale appropriée (art. 418d al. 2 CO).

À noter : les dispositions relatives à la clause de garantie (del credere), à la clause de non-concurrence ainsi qu’à la résiliation du contrat d’agence pour justes motifs ne peuvent pas être modifiées au détriment de l’agent. Cela vaut également pour les agents exerçant cette activité à titre accessoire.

Obligations des parties contractantes

L’agent est réputé habilité à servir d’intermédiaire pour la conclusion d’affaires. Il est également chargé de recevoir les réclamations et autres déclarations par lesquelles le client entend faire valoir ses droits pour cause de prestations défectueuses du mandant ou se les réserver, ainsi que d’exercer les droits de ce dernier en matière de preuve.
En revanche, l’agent n’est pas autorisé à encaisser des paiements, à accorder des délais de paiement ni à modifier d’une quelconque manière les termes du contrat avec le client (art. 418e CO).

L’agent ne peut exploiter ni divulguer les secrets d’affaires de son mandant, qu’ils lui aient été confiés ou qu’il en ait eu connaissance dans le cadre du contrat d’agence, même après la fin de celui-ci. Il est recommandé d’inclure une clause de confidentialité applicable non seulement à l’agent, mais aussi à ses collaborateurs ou à des tiers partenaires (art. 418d al. 1 CO).

Le mandant est tenu de tout mettre en œuvre pour permettre à l’agent d’exercer son activité avec succès. Il doit notamment lui fournir les documents nécessaires. Lorsque l’agent se voit attribuer un territoire déterminé ou un cercle de clientèle spécifique, il bénéficie, sauf clause contraire écrite, d’un mandat exclusif à l’exclusion de toute autre personne (art. 418f CO).

Important : le mandant doit informer immédiatement l’agent s’il prévoit que ce dernier ne pourra pas conclure les affaires attendues dans la mesure convenue ou normalement escomptée.

Exemple pratique : arrêt du Tribunal fédéral 136 III 518 du 7 octobre 2010 

Cet arrêt traite de l’étendue du pouvoir d’instruction du mandant envers l’agent. Même en tenant compte du devoir de loyauté de l’agent, les pouvoirs d’instruction du mandant dans le cadre du contrat d’agence sont strictement limités. En l’absence de clause contraire, il appartient à l’agent de déterminer de quelle manière il souhaite rechercher des affaires pour le mandant, sans devoir suivre une stratégie imposée. Il ne peut notamment être contraint à collaborer, contre sa volonté, avec une nouvelle organisation de vente instaurée par le mandant, si cela n’est pas prévu dans le contrat. Une telle imposition constituerait une atteinte inadmissible à sa liberté d’organisation et de gestion du temps, voire une intégration dans une structure étrangère. Cela est contraire à la nature du contrat d’agence, et l’agent n’a pas à s’y soumettre. Dans cette affaire, les juridictions inférieures ont constaté que l’agent n’avait contractuellement accepté aucune obligation de collaborer avec la nouvelle stratégie commerciale du mandant pour un produit donné ; il ne peut donc lui être reproché une violation contractuelle pour avoir refusé cette collaboration.

Conclusion : les obligations de l’agent doivent être définies précisément dans le contrat d’agence, notamment en ce qui concerne d’éventuels changements futurs déjà prévus au moment de la conclusion. Si de nouvelles structures ou circonstances apparaissent en cours de contrat, celui-ci doit être adapté en conséquence, y compris les modalités de rémunération.

Commissions prévues dans le contrat d’agence

L’agent a un droit impératif à une commission d’intermédiation ou de conclusion, selon ce qui a été convenu ou est usuel. Ce droit ne peut lui être retiré par voie contractuelle. Le droit à commission porte sur toutes les affaires qu’il a conclues ou négociées pendant la durée du contrat d’agence (art. 418g al. 1 CO).

Sauf convention contraire écrite, l’agent a également droit à une commission pour les affaires conclues par le mandant sans sa participation, à condition qu’il ait acquis le client concerné pour des affaires de ce type. Cela vaut aussi pour les commandes ultérieures. Les agents intermédiaires peuvent même réclamer une commission pour les affaires conclues après la fin du contrat d’agence, dès lors qu’ils les avaient négociées avant l’échéance du contrat.

Lorsqu’un territoire ou un portefeuille de clients est attribué à l’agent, il est considéré comme agent exclusif, sauf convention écrite contraire. Il peut alors prétendre à la commission sur toutes les affaires conclues dans le périmètre attribué, même celles qu’il n’a pas directement négociées (art. 418g al. 2 CO).

Outre la commission d’intermédiation, la loi mentionne la commission d’encaissement et la commission de garantie (del credere) :

  • La commission d’encaissement est due pour les montants perçus et transmis par l’agent selon mandat. Ce droit s’éteint à la fin du contrat d’agence.
  • La commission del credere peut être réclamée par l’agent lorsqu’il s’est engagé par écrit à garantir le paiement ou l’exécution de la prestation du client. Cette disposition est impérative (art. 418c al. 3 CO).

Sauf disposition contractuelle contraire, le droit à commission naît dès que l’affaire avec le client est valablement conclue (art. 418g al. 3 CO). Si rien d’autre n’a été convenu, la commission est exigible à la fin du semestre civil durant lequel l’affaire a été conclue (art. 418i CO). Dans le secteur de l’assurance, la commission est généralement versée après paiement de la première prime annuelle.

Le droit à commission peut être annulé si l’affaire conclue par l’agent n’aboutit pas, sans faute du mandant. Il en va de même si la contre-prestation attendue n’est pas fournie, ou si elle est si partielle que le paiement de la commission devient inéquitable pour le mandant (art. 418h CO).

L’agent peut être tenu contractuellement d’établir un relevé de ses commissions. À défaut, le mandant doit lui remettre, à chaque échéance, un décompte écrit avec l’ensemble des opérations donnant droit à commission. Sur demande, l’agent peut consulter les documents justificatifs. Ce droit d’accès ne peut être écarté à l’avance (art. 418k CO).

Lorsqu’un agent est lié par une clause d’exclusivité, il peut, en cas d’empêchement sans faute de sa part (ex. maladie, service militaire), demander une indemnité pour perte de gain, mais seulement pour une période relativement brève et si le contrat a duré au moins un an. Ce droit est également impératif (art. 418m CO).

L’agent ne peut réclamer d’indemnisation pour les frais ordinaires liés à son activité, sauf convention ou usage contraires. En revanche, il a droit au remboursement des frais engagés à la demande expresse du mandant ou dans l’intérêt de ce dernier, même sans mandat (frais de douane, de transport, etc.). Ce droit est indépendant de la conclusion de l’affaire (art. 418n CO).

Pour garantir ses créances échues issues du contrat d’agence — voire non échues en cas d’insolvabilité du mandant —, l’agent dispose d’un droit de rétention sur les objets mobiliers et valeurs qu’il détient dans le cadre du mandat, ainsi que sur les paiements reçus des clients en vertu d’un pouvoir d’encaissement. Il ne peut exercer ce droit sur des tarifs ou des fichiers clients. Ce droit est impératif (art. 418o CO).

La question de savoir si l’agent bénéficie d’un privilège en cas de faillite n’est pas tranchée dans la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP). En cas de dépendance économique marquée – par exemple si l’agent travaille exclusivement pour un seul mandant – une requalification du contrat d’agence en contrat de travail peut être envisagée.

Exemple pratique : arrêt du Tribunal fédéral 121 III 414 du 24 septembre 1995

Dans cette affaire, le mandant soutenait que le droit à la commission ne portait que sur les affaires payées ou au moins facturées avant la fin du contrat d’agence. L’agent avait résilié le contrat fin 1990. Le tribunal cantonal a estimé que le demandeur avait droit à la commission sur toutes les affaires conclues en 1990 avec des clients situés dans le territoire qui lui était exclusivement attribué. Le Tribunal fédéral a confirmé cette interprétation, en soulignant que, sauf clause contraire, le droit à commission naît dès la conclusion de l’affaire, même si certaines tâches liées à son exécution restent à accomplir. Le législateur a sciemment admis que l’agent puisse percevoir une commission sur des affaires non encore exécutées au moment de la fin du contrat, sans exiger une exécution complète. Une solution proportionnelle ou un refus pur et simple du droit à commission aurait été jugé peu praticable et inéquitable.

Fin du contrat d’agence

Le contrat d’agence peut prendre fin de différentes manières :

  • Sans résiliation, par l’écoulement du temps si le contrat a été conclu pour une durée déterminée ou pour un objet spécifique. S’il est tacitement reconduit, il est réputé renouvelé pour la même durée, au maximum une année. Si la résiliation est requise mais omise par les deux parties, le contrat est aussi renouvelé (art. 418q al. 1 CO).
  • Par résiliation, si le contrat est à durée indéterminée. Durant la première année, il peut être résilié pour la fin du mois suivant. Une durée plus courte n’est valable que si elle est convenue par écrit. Après un an, le délai est de deux mois pour la fin d’un trimestre civil. Des délais plus longs peuvent être convenus. Les délais de résiliation doivent être identiques pour les deux parties (art. 418q al. 1 CO).
  • Par décès ou incapacité de l’agent. Le décès du mandant met fin au contrat uniquement s’il avait été conclu en considération de sa personne (art. 418s CO).
  • Par faillite du mandant
  • Pour justes motifs, à tout moment, par les deux parties. Les dispositions sur le contrat de travail s’appliquent par analogie (art. 418r CO).

À la fin du contrat d’agence, toutes les créances de l’agent (commissions, remboursements) deviennent exigibles (art. 418t CO). Sauf clause contraire, les commissions liées à des affaires partiellement ou entièrement exécutées après la fin du contrat peuvent être différées par écrit. Les commandes postérieures ne donnent droit à commission que si elles ont été passées avant la fin du contrat, sauf disposition ou usage contraire.

Si l’agent a notablement élargi la clientèle du mandant, et que ce dernier (ou ses successeurs) en tire un avantage économique significatif après la fin du contrat, l’agent ou ses héritiers ont droit, sauf abus, à une indemnité appropriée (art. 418u CO). Celle-ci ne peut excéder le revenu net annuel moyen tiré du contrat, calculé sur les cinq dernières années ou sur toute la durée du contrat si elle est inférieure. Aucun droit ne naît si la rupture est imputable à l’agent.

Chaque partie doit restituer à l’autre tous les biens, données ou documents reçus dans le cadre du contrat, y compris supports de données. Les données confidentielles sans obligation de conservation doivent être supprimées définitivement (art. 418v CO). Le droit de rétention reste réservé.

Exemple pratique : arrêt du Tribunal fédéral 125 III 14 du 25 novembre 1998

Dans cette affaire, un contrat d’agence avait été conclu en 1991 entre le demandeur et la société S. AG, pour la représentation d’un assortiment spécifique de confiserie auprès de certains grands clients. Le contrat prévoyait un délai de résiliation de trois mois. Après avoir appris que l’agent s’était impliqué financièrement dans une société concurrente, S. AG résilia le contrat d’agence avec effet immédiat. L’agent réclama une indemnité, et le litige fut porté devant le Tribunal fédéral. Le mandant contestait le calcul de la rémunération.

Le Tribunal cantonal a jugé le congé immédiat infondé. Il a calculé l’indemnité due selon l’art. 337c al. 1 CO, en se basant sur les commissions mensuelles moyennes perçues durant l’année précédant la fin du contrat d’agence. Pour la clause de non-concurrence et la résiliation pour justes motifs, les dispositions du contrat de travail s’appliquent (art. 418d al. 2 et 418r CO).

Le Tribunal fédéral a confirmé que l’art. 337c CO s’applique aussi au contrat d’agence. Même en cas de rupture immédiate injustifiée, le contrat est considéré comme résilié avec effet immédiat. L’indemnité due correspond à ce que l’agent aurait gagné si le contrat avait été résilié selon les règles ordinaires.

Ce calcul peut s’avérer complexe lorsque la rémunération dépend du chiffre d’affaires. Il est alors conseillé de se baser sur les moyennes historiques. Le dommage doit être déterminé aussi précisément que possible, en tenant compte du revenu hypothétique de la période de résiliation. Ce revenu ne doit pas être déduit des ventes réalisées sans l’agent, mais estimé à partir de périodes comparables antérieures. Si le revenu moyen de l’année précédente est représentatif, il peut servir de base, sous réserve d’ajustements pour les variations saisonnières et les évolutions récentes.

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