Nouvelles formes de travail: Avantages et inconvénients du freelance, crowdworking et cie.

Depuis la pandémie de COVID-19 et le développement rapide des solutions numériques, de nouvelles formes de travail telles que le «freelance», le «crowdworking», le «gigworking» ou encore le «new work» sont autant d’anglicismes à la mode. Les employeurs sont dès lors confrontés à de nouveaux défis et feraient bien de les relever sans perdre trop de temps.

05/08/2025 De: Stefan Müller, Sabine Taxer
Nouvelles formes de travail

Nouvelles formes de travail dans le monde du travail 4.0

Les nouvelles formes d’emploi posent de nombreux défis au droit du travail et à son application. La numérisation favorise l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) et le droit du travail doit se mettre à la page. Aujourd’hui, l’échange de services dans le monde entier, en un temps record, ne pose plus aucun problème. Les nouveaux développements apportés par le Big Data, l’informatique mobile ou le Cloud permettent des formes de travail totalement nouvelles. Le poste de travail classique ne correspond plus aux besoins modifiés et aux idées actuelles des travailleurs. En revanche, ils exigent plus d’autodétermination et de flexibilité dans la répartition et l’exécution du travail. La notion d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est sur toutes les lèvres, et le travail effectué par le biais d’appareils mobiles en déplacement, depuis son bureau à domicile, depuis un café ou depuis des espaces de travail partagés («coworking») est plus prisé que jamais.

La vogue d’une nouvelle forme de travail, appelée «crowdworking», n’est plus à démontrer dans l’actuel monde du travail mouture 4.0. Le crowdworking est une récente forme d’externalisation du travail pour les employeurs et une nouvelle possibilité de création d’emploi pour tout éventuel travailleur. Dans cette forme de travail récente, des plateformes nationales ou internationales fonctionnent à l’image d’une bourse numérique de l’emploi. Grâce à ce processus d’externalisation, de nombreux projets individuels sont mis en ligne sur une plate-forme web dans le monde entier et sans qu’une collaboration allant au-delà de l’exécution de certaines tâches prédéfinies ne soit requise. Sur la plate-forme en question, des micro-emplois individuels sont mis au concours par des clients ou par l’exploitant de la plate-forme lui-même. Les crowdworkers peuvent alors postuler l’emploi désiré. La multitude d’emplois mis en ligne sur la plateforme peut alors prendre des formes très diverses. Le service de transport Uber est un exemple de mise à disposition de missions de transport transmises via Internet ou une application. Une plate-forme peut également être conçue de telle sorte que certaines tâches (par exemple le test d’un nouveau logiciel) soient mises au concours. Sur cette annonce, les personnes intéressées peuvent, dans le monde entier, prendre contact avec l’émetteur de l’appel d’offres et négocier les détails de l’exécution de l’activité concernée ou présenter directement le résultat de leur travail. Les travaux ou projets spécifiques sont, en règle générale, subdivisés en petites commandes qui sont ensuite transmises à la foule («crowd» en anglais). L’entreprise peut ainsi sélectionner, parmi cette «foule», le candidat parfait pour le micro-emploi en question.

Champ d’application limité des nouvelles formes de travail

Il est évident que ces nouvelles formes de travail n’entrent pas en ligne de compte dans le cadre de toutes les activités professionnelles. Il existe de toute évidence des professions dans lesquelles le travail numérique n’est tout simplement pas réalisable. Un chauffeur de bus, une infirmière ou une serveuse, par exemple, ne peuvent guère faire appel à la flexibilité des nouvelles formes de travail dans le cadre de leurs activités classiques. En revanche, il existe certains domaines d’activité dans lesquels des modèles de travail flexibles sont envisageables sans que cela ne pose le moindre problème. Pour un blogueur, il importe peu qu’il écrive son article depuis son domicile ou une plage à Hawaï. De même, un programmeur peut se trouver à l’autre bout du monde et tester un logiciel sur place, même si son employeur est en Suisse. Le résultat sera le même.

Avantages des nouvelles formes de travail

Les avantages de ces nouvelles formes d’emploi sont évidents. Les employés peuvent proposer leur force de travail dans le monde entier via Internet, sans être liés à un lieu de travail fixe ou à un marché du travail local. La flexibilité en termes de temps et de lieu est généralement très appréciée, les employés économisent les temps de trajet normalement inévitables dans le cadre d’une place de travail «conventionnelle». En outre, ils peuvent faire des économies en frais de restauration à l’extérieur, en abonnements aux transports publics ou en frais de carburant. Grâce à ces nouvelles formes de travail, les crowdworkers peuvent déterminer eux-mêmes les tâches qu’ils souhaitent choisir et quand, combien de temps et d’où ils travaillent. Cela leur octroie une grande liberté, un sentiment d’accomplissement personnel et leur assure une grande marge de manoeuvre en matière d’auto-organisation. Ces derniers paramètres sont également garants, en principe, d’une bonne conciliation entre vie professionnelle et vie familiale – alors que les formes de travail dites plus «classiques» ne semblent pas offrir de telles garanties en la matière.

Un tel apport de l’extérieur, plus flexible et plus conciliant, est détaché des structures rigides de l’entreprise dite «classique» et offre de nouvelles perspectives aux employeurs, l’accès à un plus grand potentiel créatif n’étant pas la moindre. Le nombre de candidats postulant ce type de micro-emplois est grand, car les plates-formes concernées ont une portée mondiale, Internet oblige. En règle générale, les employeurs, grâce à ce type d’externalisation, y trouvent aussi leur compte fiscalement parlant. Les frais de personnel sont également moins élevés, les travailleurs de nombreux pays ont en effet des exigences salariales moins élevées que les nôtres, le coût de la vie y étant concomitamment plus bas. Qui plus est, le facteur temps joue en faveur des employeurs: grâce aux TIC, les commandes de travail peuvent être confiées en très peu de temps à une personne résidant à l’étranger. Les employeurs n’ont plus besoin d’engager de nouveaux spécialistes et le crowdworking permet de libérer, au sein même de l’entreprise, des compétences pouvant être utilisées à d’autres tâches.

Inconvénients des nouvelles formes de travail

Les crowdworkers ne bénéficient pas de la même protection sociale et du même droit du travail que les employés locaux, c’est le moins que l’on puisse dire. Les crowdworkers doivent souvent s’assurer eux-mêmes contre les risques tels que le chômage, la maladie ou l’accident. Ils se voient confrontés à des conditions de travail incertaines et ne doivent aucunement compter sur le soutien d’un éventuel syndicat. Souvent, la subordination des crowdworkers, nécessaire à l’établissement d’un rapport de travail selon le droit suisse, fait défaut. Ces derniers sont donc, la plupart du temps, considérés comme des prestataires de services indépendants. En outre, le niveau de salaire est régulièrement bas étant donné que l’on peut toujours trouver quelqu’un qui offre le même travail pour un salaire moins élevé. Cela augmente en même temps la pression sur les travailleurs et revoit à la hausse les exigences à leur égard. S’il n’y a pas assez de tâches à disposition, les employés ne peuvent pas obtenir de revenus réguliers. La disponibilité permanente découlant de l’utilisation des TIC peut en outre avoir des conséquences négatives sur la vie privée et familiale des travailleurs. Si la frontière entre vie professionnelle et vie privée s’estompe, cela peut quelquefois entraîner un surcroît de travail ou de stress. Les crowdworkers sont également exposés au risque de ne pas pouvoir se constituer une prévoyance vieillesse suffisante.

Un autre aspect négatif pour les employeurs est le risque de pseudo-indépendance des crowdworkers. De plus, l’image de l’entreprise peut être écornée si les commandes de travail passées aux crowdworkers ne sont pas exécutées de manière satisfaisante. Le manque de gestion du temps et de l’autonomie des crowdworkers peut potentiellement représenter un risque pour les employeurs. Le manque de surveillance ou de supervision peut également faire échouer un projet. En effet, le droit de donner des instructions se limite souvent à des directives formelles ou matérielles, car les crowdworkers ne désirent pas, en règle générale, s’intégrer dans l’entreprise de l’exploitant de la plate-forme. Les exigences en matière de protection des données ont aussi considérablement augmenté avec l’apparition de ces nouvelles formes de travail. Le monde du travail 4.0 fonctionne en grande partie de manière électronique et cela a pour conséquence que les données traitées par le biais du travail virtuel sont envoyées dans le monde entier, avec les risques que cela représente en matière de sécurité des données ainsi transmises.

En résumé

On peut tout d’abord retenir que les employeurs sont confrontés à des défis auxquels ils n’avaient pas coutume de l’être, en particulier lorsqu’il s’agit d’emplois publiés sur des plates-formes internationales. Dans le cadre de ces nouvelles formes d’emploi, de nombreuses questions se posent quant à la limite qui sépare le crowdworker du salarié ou du prestataire indépendant, à sa couverture par les assurances sociales, à l’applicabilité du droit suisse ou étranger, au rapport de sous-traitance entretenu ou encore à l’applicabilité des dispositions relatives au placement de personnel.

De nouvelles formes d’emploi se développent: elles sont passées des rapports de travail classiques entretenus au sein d’une entreprise aux structures rigides à une relation de travail pensée de manière plus souple. Une application tout aussi rigide de la notion de contrat de travail et des dispositions du droit du travail ne sera pas toujours possible dans le monde du travail 4.0. La jurisprudence et la législation à venir montreront dans quelle mesure des solutions innovantes seront appliquées à ces nouvelles formes de travail.

FAQ – Questions fréquentes sur les nouvelles formes de travail

Question : Quelle est la différence entre un contrat de freelance et un contrat de travail ?

Réponse : Dans le cadre des nouvelles formes d’emploi telles que le freelancing, la question centrale du point de vue juridique est de savoir si la relation contractuelle concernée constitue réellement une collaboration entre personnes indépendantes – ou si les caractéristiques d’un rapport de travail classique sont réunies.

Indices révélateurs de l’existence d’un contrat de travail :

Même si un contrat est désigné comme contrat de freelance, il peut en pratique s’agir d’un véritable rapport de travail – ce qui entraîne des conséquences juridiques importantes. Des indices typiques en sont :

  • intégration dans les structures de l’entreprise,
  • horaires de travail fixes ou plages horaires imposées,
  • mise à disposition du matériel de travail par l’entreprise (p. ex. ordinateur, véhicule),
  • exécution de tâches non limitées à un projet mais fournies de manière continue,
  • rémunération régulière, plutôt fixe,
  • subordination du freelance aux instructions de l’entreprise.

Importance de cette distinction :

Si un rapport de travail est établi, les dispositions protectrices du droit du travail ainsi que les obligations de cotiser aux assurances sociales (AVS, AI, éventuellement LPP) s’appliquent. Dans ce cas, le prétendu freelance doit être qualifié de travailleur dépendant.

Avertissement concernant la pseudo-indépendance :

Les entreprises qui considèrent à tort une activité comme indépendante alors que les autorités sociales y voient un rapport de travail peuvent être tenues de verser rétroactivement l’intégralité des cotisations sociales sur une période pouvant aller jusqu’à cinq ans. Si plusieurs personnes sont concernées, cela peut entraîner des charges financières importantes.

Remarque :

La caisse de compensation compétente décide au cas par cas s’il s’agit d’une activité indépendante – indépendamment de la désignation contractuelle ou des accords conclus par les parties sur les obligations de cotisation.

Si vous avez un doute sur le fait qu’il s’agisse d’une véritable activité freelance ou d’un rapport de travail, il est recommandé de consulter dès que possible la caisse de compensation compétente. Vous trouverez un aperçu sur : www.ausgleichskasse.ch

Question : Que doit contenir un contrat de freelance ?

Réponse : Pour qu’une relation de freelance soit juridiquement conforme et adaptée à la pratique, il est recommandé de régler notamment les points suivants dans le contrat :

  • Objet du contrat (nature et étendue des prestations convenues)
  • Clarification du statut d’indépendant du contractant (en cas de personne physique)
  • Honoraires ainsi que les éventuels frais et modalités de facturation
  • Droit de substitution (représentation autorisée ?)
  • Modalités de représentation vis-à-vis de tiers (au nom propre ou pour autrui ?)
  • Obligation de rendre compte de l’avancement ou de la réalisation des travaux
  • Remise et acceptation du résultat du travail
  • Responsabilité en cas de non-respect des délais (p. ex. clause pénale)
  • Garantie de droit
  • Droits sur les résultats (droits d’auteur, droits d’utilisation, etc.)
  • Durée du contrat, y compris possibilités de résiliation (également possible à durée indéterminée)
  • Confidentialité et protection des données
  • Couverture d’assurance, y compris mentions sur la responsabilité individuelle en matière de sécurité sociale
  • Clause de non-concurrence ou renonciation à un futur engagement
  • For juridique et droit applicable

Un contrat rédigé avec soin protège les deux parties contre les malentendus et les incertitudes juridiques. Des modèles de contrats correspondants sont disponibles dans nos aides de travail recommandées.

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