CDD: Pièges et solutions en matière de travail sur appel

La flexibilisation du travail est un besoin croissant. Le travail sur appel et la conclusion de cdd sont deux formes très répandues répondant à ce besoin Vous découvrirez dans cet article les écueils dont vous devez impérativement tenir compte dans le cadre de ces deux formes.

08/07/2025 De: Andrin Hofstetter
CDD

Pièges et solutions

Le travail sur appel jouit d'une réputation sulfureuse, car il se trouve enferré dans une dynamique bien particulière:  le besoin économique de l'employeur de pouvoir faire appel rapidement à une main-d'œuvre en cas de besoin et le besoin du travailleur d'avoir la certitude d'être suffisamment sollicité pour pouvoir subvenir à ses besoins. Si le «cdd» garantit une flexibilité certaine, encore faut-il que le choix de cette forme de contrat n'ait pas pour but de contourner certaines dispositions légales contraignantes. L'article que nous vous proposons a pour but de vous montrer quels sont les problèmes liés au choix de l'une ou l'autre de ces formes et quelles sont les solutions pouvant être mises en place.

Travail sur appel

Le travail sur appel revêt différentes formes. Contrairement au travail occasionnel ou temporaire, ces formes ont en commun le fait qu'elles sont conçues pour durer et qu'il ne s'agit pas seulement de fournir un travail, mais aussi, selon la forme, de se tenir prêt pour une intervention. Lorsqu'un travailleur doit se tenir prêt à intervenir et à répondre à un appel, on parle de «vrai travail sur appel». Dans le cas d’un «faux travail sur appel», l'obligation de travailler n'existe que si le travailleur accepte un appel. Dans le cas du faux travail sur appel, le travailleur a donc le droit de refuser une intervention.

Pour le travailleur, ce «travail en cas de besoin» est source d’incertitudes, car en l'absence d'accord portant sur un taux d'occupation minimal garanti, il ne sait pas véritablement si l’on fera régulièrement appel à ses services et s’il réalisera, de ce fait, un revenu suffisant. Ainsi, le vrai travail sur appel transfère le risque d'exploitation de l'employeur (manque de travail) au travailleur, ce qui est en principe contraire à l'art. 324 CO. Néanmoins, le vrai travail sur appel est licite (ATF 124 III 249 consid.2a). Deux besoins se regardent alors en chien de faïence: le besoin compréhensible de pouvoir appeler un travailleur de manière flexible et la règle tout aussi compréhensible voulant que l’on ne répercute pas le risque d'exploitation devant être supporté par l'employeur sur le travailleur.

Il convient alors d'en tenir compte lors de la rédaction du contrat:

1. Indemnité de disponibilité

Le travailleur doit être rémunéré à un taux réduit tant qu'il doit se tenir à la disposition de l'employeur pour une éventuelle intervention (permanence). Si le salaire à verser pour la durée de la permanence n'est pas convenu, c'est le tribunal qui, en cas de litige, en fixera le montant selon l'usage ou l'équité. Ni la loi ni la jurisprudence n'indiquent à quel niveau ce taux doit être fixé dans chaque cas, raison pour laquelle il convient de le fixer au préalable afin d'éviter toutes mauvaises surprises. Ce taux devrait être plus élevé si le travailleur doit répondre immédiatement à un appel. Plus le travailleur est limité dans l'organisation de son temps libre et plus il doit intervenir rapidement, plus la rémunération de sa disponibilité devrait être élevée.

2. Salaire de vacances

Le salaire de vacances doit également être payé en cas de travail sur appel pendant les vacances. Il n'est donc pas permis (sauf dans quelques cas exceptionnels) de verser le salaire des vacances à titre de supplément avec le salaire normal.

Remarque importante: si le salaire de vacances est néanmoins versé avec le salaire normal (ce qui est une pratique très répandue), l'employeur risque de devoir payer une nouvelle fois le salaire de vacances à la fin du contrat de travail. La base de calcul du salaire de vacances est alors le salaire moyen mensuel.

3. Droit de refuser le travail?

Un travailleur n'a - pour autant que l'on puisse en juger - aucun droit à l'attribution d'un travail spécifique dans le cadre d'une relation de travail non résiliée. Ainsi, comme nous l'avons vu, le travailleur supporte le risque que l'employeur ne recoure pas à ses services en raison d'un manque de travail. Cette situation est difficilement supportable pour un travailleur qui doit se tenir en permanence à la disposition d'un seul employeur lorsque l’on ne fait pas appel à lui et qu’il ne peut donc pas subvenir à ses besoins.

Le Tribunal fédéral a en revanche clairement établi qu'un travailleur dont le contrat de travail a été résilié a le droit d'être rappelé par son employeur dans le cadre habituel. Si le travailleur n'est plus appelé pendant le délai de congé, il a donc quand même droit au salaire moyen qu'il gagnait avant son licenciement. L'opinion largement répandue selon laquelle il n'est pas nécessaire de rappeler le travailleur ni de lui verser un salaire pendant le délai de congé est donc erronée. Il est tout de même possible de limiter le risque financier en convenant d'un délai de congé assez court.

En principe, la jurisprudence qui accorde au travailleur un droit à l'attribution de travail dans le cadre d'un contrat de travail résilié pourrait également s'appliquer pendant la durée du contrat de travail non résilié. Cela entraînerait toutefois concrètement la perte de la flexibilité souhaitée et remettrait fondamentalement en question l'admissibilité du vrai travail sur appel. En cas de besoin irrégulier de travail sur appel, il est donc dans l'intérêt des deux parties de se rabattre sur le faux travail sur appel, qui accorde au travailleur un droit de refus. Le travailleur est notamment libre d'accepter d'autres postes, ce qui lui permet de réduire le risque qu'il supporte.

CDD

Les raisons de conclure un cdd sont multiples. De nombreux cdd sont conclus, par exemple, dans le cadre de congés de maternité, en vue de la réalisation de projets déterminés ou dans certains secteurs saisonniers comme l'hôtellerie. Certaines considérations économiques, par exemple celles visant à maintenir une structure salariale légère, sont tout aussi souvent à l'origine du choix de cette forme de travail à durée déterminée. Le grand avantage du « contrat de travail à durée déterminée » est qu'il prend fin sans résiliation. Toute éventuelle opposition à un licenciement – phénomène de plus en plus courant – est ainsi tuée dans l’œuf. Les périodes de protection pour cause de maladie, etc. ne sont plus guère un problème: nulle période de protection ne commence à courir faute de possibilité de résiliation. Conclure un cdd à cette seule fin n’est toutefois pas une bonne idée. Si, en cas de litige, un tel motif était reconnu par un tribunal, il s'agirait d'un acte de contournement de la loi et les normes contournées (par ex. les délais de congé et les dispositions sur la protection contre le licenciement temporel et matériel) s'appliqueraient malgré tout. Ce risque existe notamment lorsque plusieurs cdd se succèdent en cascade avec le même travailleur, sans motif apparent. La jurisprudence interprète de tels cas de figure comme une relation de travail uniforme et illimitée - avec la myriade de conséquences juridiques légales qu’elle implique. Le recours aux cdd reste donc limité.

Lors de la conclusion d'un cdd, il est recommandé de tenir compte des points mentionnés ci-dessous :

1. Raison objective de conclure un cdd

En cas de «contrat de travail à durée déterminée» et, en particulier, en cas de prolongation ultérieure d’un cdd, la raison du choix de la limitation dans le temps devrait être mentionnée dans le contrat. En effet, la juxtaposition de cdd («contrats en chaîne») n'est pas interdite tant qu'il existe un motif objectif pour la limitation de leur durée et que celle-ci ne vise pas à contourner des dispositions légales contraignantes. Si les parties réfléchissent au motif de cette limitation avant la conclusion du contrat et que celui-ci est ensuite spécifié dans le contrat et effectivement vécu au quotidien, le risque qu’un tribunal conclue à un contournement illicite ne peut certes pas être exclu, mais il peut être fortement réduit.

2. En déterminer clairement la durée

Pour qu'un cdd prenne effectivement fin à l'expiration de la durée convenue sans qu'il soit nécessaire de le résilier, il faut qu'il soit clairement réglementé. Si la réglementation convenue n'est pas claire ou si elle fait totalement défaut, le contrat de travail est considéré comme étant de durée indéterminée et devrait être résilié dans les délais prescrits par la loi. Une disposition suffisamment claire serait par exemple la suivante : «Le contrat de travail commence au 1er septembre 20xx et se termine au 30 juin 20xx, date à laquelle il prend fin automatiquement et sans résiliation».

Remarque importante: il convient également de veiller à ce qu'une disposition claire soit prise en cas de prolongation de la relation de travail pour une durée déterminée. En effet, si la relation de travail se poursuit après l'expiration de la durée prévue sans qu'il soit clairement convenu d'une nouvelle prolongation à durée déterminée, la relation de travail sera dès lors considérée comme étant à durée indéterminée et ne pourra à nouveau être résiliée que par un licenciement.

3. Temps d’essai

Si aucune période d'essai n'est convenue dans le cadre d'une relation de travail à durée déterminée, il n’y a pas de temps d’essai. Il ne sera donc pas possible de résilier le contrat en cas de débuts catastrophiques. Il est donc recommandé, en particulier pour les cdd de longue durée, de prévoir dans le contrat de travail une période d'essai d'un à trois mois. Pendant le temps d'essai, le contrat de travail peut être résilié, sauf accord contraire, jusqu'à son expiration moyennant un délai de sept jours pour chaque jour civil, et ce même en temps inopportun, c'est-à-dire en cas de service militaire, de maladie, d'accident, de grossesse, etc.

4. Fin anticipée/Résiliation immédiate

Il convient en outre de noter qu'une résiliation anticipée du contrat (à l'exception d'une résiliation convenue pendant le temps d'essai) n'est possible que d'un commun accord ou sous la forme d'une résiliation immédiate en faisant valoir un juste motif rendant la poursuite des rapports de travail intolérable pour l'une des parties contractantes.

5. Accord sur les possibilités de résiliation du cdd

Il est toutefois permis de convenir de possibilités de résiliation dans le cadre d'un cdd. Le contrat de travail prend alors fin, sans résiliation, au plus tard à l'expiration de la durée convenue mais peut être résilié avant cette date par les deux parties dans les délais convenus. Il convient de noter qu'en cas de recours à cette possibilité de résiliation, la protection contre les licenciements matériels et temporels s'applique tout naturellement. Par conséquent, une telle résiliation sera susceptible d’être contestée. Une résiliation en temps inopportun, par exemple en cas de maladie, d'accident, de grossesse, etc. pourrait être déclarée, en l’occurrence, non valable.

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