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Le contrat psychologique: Reconnaître et tenir les promesses faites

Le contrat de travail régit les relations explicites d’échange entre une organisation et un individu. Par contre, le «contrat psychologique» comprend tous les aspects contractuels de la relation dans la prise en considération de l’individu, également en termes de promesses implicites ou prétendues.

19/09/2022 De: Patrick Hofstetter
Le contrat psychologique

Le «contrat psychologique», un concept d’un intérêt théorique supérieur, est considéré comme ayant une faible utilité pratique. Toutefois, mon expérience personnelle en tant qu’enseignant va à l’encontre de cette idée: année après année, les cadres dirigeants qui participent au «CAS in Human Factors in Leadership» sont enthousiastes par rapport à l’utilité de ces principes pour comprendre les relations au travail de leurs collaborateurs. Si les contrats de travail contiennent toujours les engagements réciproques entre le collaborateur et l’employeur, nous savons sur la base de notre expérience que même les collaborateurs qui ont des conditions comparables et des contrats de travail identiques affichent des différences massives en termes de satisfaction, d’engagement ou de capacité de performance. Une clef pour mieux comprendre cette situation est fournie par le contrat psychologique inspiré par Denise Rousseau.1

Tous les collaborateurs développent – souvent de manière inconsciente – un modèle mental de leur relation de travail. Ce modèle définit le «contrat psychologique» du salarié. Sa satisfaction exerce une influence mesurable empiriquement sur de nombreux ratios relatifs au travail. La compréhension de ce modèle aide les cadres dirigeants et les responsables des RH à influer positivement sur les relations des collaborateurs et à mieux maîtriser leur propre relation de travail. Pour ce faire, il faut d’abord présenter les déclarations de base du contrat psychologique. Ensuite, l’état actuel de la recherche démontre qu’il existe trois domaines distincts de contrats. Enfin, je résumerai les connaissances sous la forme de recommandations pour les supérieurs en ligne et les RH.

Contrats remplis et contrats rompus

Les premières réflexions sur le contrat psychologique au cours des années 1960 partaient du principe que la satisfaction ou la volonté de performer des collaborateurs était élevée lorsqu’il existait un équilibre entre prendre et donner: Quiconque perçoit un bon salaire – ou bénéficie d’une reconnaissance – est satisfait et engagé. Cela semble évident au premier abord, mais la recherche montre que cela ne colle tout simplement pas dans la réalité. C’est seulement en 1989 que la psychologue américaine du travail Denise Rousseau a présenté de manière décisive ce qui a fini par se démontrer rapidement sous forme empirique: la relation entre les incitations promises et les incitations obtenues de la part de l’organisation est décisive dans la prise en compte de l’individu par rapport à la volonté de performer ou à la satisfaction d’un collaborateur.

Deux exemples peuvent illustrer cette situation: une stagiaire peut être très satisfaite en dépit d’un salaire réduit aussi longtemps qu’aucun salaire supplémentaire ne lui a été promis ni d’autres promesses faites, implicites ou explicites, comme une nouvelle responsabilité qui lui aurait été présentée. Un jeune père peut ne pas tenir rigueur du fait que son entreprise ne dispose pas de possibilité de réduire son taux d’activité si rien en ce sens ne lui a été promis ou mentionné.2

La chose se présente différemment lorsque la stagiaire se voit proposer, dans l’annonce, des «salles créatives de conception» alors qu’elle a été engagée en tant que collaboratrice sous-payée. Et elle aura le même ressenti que le jeune père si l’entreprise se présente au préalable comme étant particulièrement adaptée aux besoins d’une vie familiale alors que sa demande de réduction d’horaire de travail lui sera refusée: dans les deux cas, il s’agira d’une rupture de son contrat psychologique. Les conséquences en ont déjà été étudiées par la recherche3: la satisfaction et l’engagement diminueront, le comportement inapproprié au poste de travail et l’intention de démissionner augmenteront.

La répartition méthodique en deux éléments – quelle promesse est prise en compte, laquelle est satisfaite – permet d’aboutir à des découvertes complémentaires surprenantes. J’ai ainsi pu démontrer en 2016, dans ma dissertation sur un échantillon de 2 800 collaborateurs de niveau cadre4, que ce n’était pas le niveau atteint de la promesse qui était important pour la capacité de performer, mais le niveau considéré de la promesse. Cela équivaut à une promesse de confiance de la part des collaborateurs qui fournissent leur prestation en échange de la promesse de l’organisation. La satisfaction et la loyauté en découlent, à condition que la promesse ait également été tenue.

Le cas des contrats satisfaits en excès est moins étonnant, mais tout aussi intéressant: quiconque reçoit plus que ce qui lui a été promis n’augmentera que de manière modérée les caractéristiques désirées. Il vaut donc mieux que l’organisation enregistre la part contractuelle en excès de sa promesse: quiconque promet à ses collaborateurs de grandes marges de manœuvre doit aussi les rendre visibles. Cela permet d’accroître non seulement la satisfaction, mais aussi la motivation à performer.

Trois domaines contractuels

En 1989 déjà, S. Rousseau faisait la distinction entre contrats transactionnels et contrats relationnels. Cette typologie a été confirmée à de multiples reprises au cours des années suivantes. Thompson et Bunderson ont suggéré un troisième aspect en 2003 que j’ai pu démontrer dans le cadre des relations suisses et que j’ai baptisé le domaine idéationnel5. Les trois domaines peuvent être distingués selon la puissance de leurs effets et ils sont précisés ci-après.

Le domaine transactionnel permet de décrire la promesse économique, autrement dit, des aspects palpables, directement mesurables. En dehors de ces promesses purement monétaires telles que le salaire ou les Fringe Benefits qui sont miroités, il s’agit également de promesses relatives au temps de travail ou aux possibilités de formation continue, mais aussi par rapport à une activité concrète. Dans la littérature, ce domaine est souvent classifié en tant qu’effet de fidélisation à court terme et volatil.

Dans le domaine relationnel, entrent en jeu les promesses socio-émotionnelles, l’assistance assumée par l’employeur, le sentiment d’appartenance ou l’appréciation, à titre d’exemples. De tels aspects sont, de par leur nature, plus difficiles à objectiver; étant donné que, dans un contrat psychologique, tout repose uniquement sur la considération des collaborateurs, ces ordres de grandeur pouvant être mesurés avec fiabilité au travers d’enquêtes et attestés dans leurs effets. En réalité, l’effet du contrat relationnel est du double sur la satisfaction et même du triple sur la capacité de résilier par rapport au contrat transactionnel. Dans la littérature, l’effet à long terme et stable du contrat relationnel a été démontré.

Le domaine idéationnel comprend les aspects idéels de la relation au travail. Ce domaine doit être clairement séparé du domaine relationnel, même s’il a un effet tout aussi difficilement appréhensible. En effet, il s’agit ici non pas d’émotions, mais d’idéaux: pour une médecin, cela peut être la santé de ses patients, pour l’enseignant, la valeur de la formation, pour une Start-Up, le développement durable ou, dans l’administration publique, le bien-être général. Quiconque a des difficultés pour comprendre que ces idéaux se distinguent des aspects socio-émotionnels ferait bien de représenter les constellations dans lesquelles seul le contrat relationnel ou seul le contrat idéationnel est satisfait. Alors que, dans l’intervalle, la différenciation a été attestée de manière empirique, la littérature relative à la puissance des effets est encore rare. J’ai pu démontrer, sur un exemple suisse, que l’influence des promesses idéationnelles était plus faible que dans les autres domaines contractuels, même si elle reste quand même significative.

L’effet de changement des trois domaines contractuels ne fait encore l’objet d’aucune recherche intensive. Toutefois, la découverte que la sous-satisfaction dans l’un des domaines ne peut pas être compensée par la sur-satisfaction dans les autres domaines semble appropriée. Quiconque a pris en considération des promesses accrues en relation avec un horaire flexible de travail ou une évolution de salaire ne considérera pas la déception correspondante par une valorisation étonnement élevée ou par une meilleure définition du sens de sa mission – et inversement.

 

Le contrat psychologique: Idées d’application pour votre organisation

Comment mettre en place, maintenant, en tant que cadre dirigeant ou responsable du personnel, le concept de contrat psychologique dans la vie quotidienne de votre organisation?

  1. Identifiez quelles promesses ont été prises en compte par vos collaborateurs, que ce soit sous forme explicite ou implicite. Vous pouvez le faire lors d’un entretien personnel ou en ligne à Vous découvrirez ainsi les différences entre la prise en compte des collaborateurs et celle du management – Vous serez surpris (et si ce n’est pas le cas, tant mieux).
  2. Faites la distinction entre les promesses que votre organisation peut satisfaire consciemment et quelles promesses sont irréalistes du fait des ressources, de la culture, du personnel ou de l’environnement à Vous renforcerez ainsi l’identité organisationnelle de votre entreprise.
  3. Prenez des mesures afin de satisfaire aux promesses réalistes si cela n’est pas encore le cas dans la prise de conscience des collaborateurs à Vous accroissez ainsi la productivité et la rétention de vos collaborateurs.
  4. Convertissez les promesses implicites que votre organisation peut satisfaire en promesses explicites afin de renforcer leur effet à Vous améliorerez ainsi votre image d’employeur.
  5. Évitez les promesses indésirables dans la communication interne et externe à Vous améliorerez l’authenticité de votre Employer Brandings.6
  6. Identifiez quels sont les types de contrats qui dominent chez vos collaborateurs et comparez-les avec votre culture d’entreprise. Vous relèverez ainsi votre adéquation par des processus RH appropriés à Vous contribuez ainsi non seulement à recruter les collaborateurs appropriés et à les fidéliser, mais aussi à les planifier, à les déployer et à les développer de manière appropriée.7

Le contrat psychologique présente, du point de vue conceptuel, une certaine complexité – cela peut justifier son manque d’application dans la pratique. Une considération trop superficielle des collaborateurs ne serait toutefois pas conforme à leurs attentes ni aux vôtres. Le contrat psychologique nous aide à mieux comprendre les collaborateurs dans leur multiplicité et dans leur versatilité ainsi qu’à optimiser les conditions générales afin de fidéliser à long terme des collaborateurs satisfaits, motivés et performants. Cette perspective est suffisante pour se confronter à un concept de psychologie du travail et des organisations qui fait l’objet de recherches depuis 30 ans.

 

Notes de bas de page:
1) Denise M. Rousseau (1989): Psychological and Implied Contracts in Organizations. Employee Responsibilities and Rights Journal, 2(2), 121–139.

2) Il existe ici une différence centrale avec les théories des attentes, notamment la théorie VIE de Vroom (1964).

3) Zhao et al. (2007) résument, dans une méta-analyse, 101 études empiriques qui attestent de cet effet.

4) Disponible librement sous https://www.zora.uzh.ch/id/eprint/128877/

5) En modification volontaire des «ideology-infused contracts» un peu confus et qui figurent dans l’original.

6) Voir également à ce propos l’article «Employer Branding authentique» dans personalSCHWEIZ, mars 2021.

7) Ce qui est, évidemment, plus facile à dire qu’à faire. Nous développons toutefois les processus correspondants au sein du «CAS in Human Factors and Leadership» sous la forme de Case Studies.

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