Rédaction d'un certificat de travail: Rien ne vaut la vérité

Dans la pratique, les certificats de travail sont généralement rédigés de manière bienveillante, même si, d’un point de vue juridique, l’exigence de véracité prévaut sur le principe de bienveillance. Découvrez ici les règles à respecter lors de la rédaction d’un certificat de travail.

03/09/2025 De: Leena Kriegers-Tejura
Rédaction d'un certificat de travail

Rédiger un certificat de travail

Lorsqu’un certificat de travail est établi pour un salarié quittant une entreprise du secteur privé, plusieurs aspects doivent impérativement être pris en compte sur le plan juridique.

Les lignes qui suivent abordent certains points régulièrement source de discussions en pratique. Bien entendu, de nombreuses autres questions peuvent se poser dans le contexte de la rédaction d’un certificat de travail, mais cet article se limite aux principes fondamentaux et à quelques aspects choisis.

Le certificat comme outil de gestion

Pour pouvoir rédiger un certificat de travail professionnel, il est essentiel que le parcours du salarié dans l’entreprise ait été suffisamment documenté par écrit. Une évaluation pertinente en fin de contrat doit pouvoir se baser sur les éléments suivants :

  • Dossier de candidature
  • Contrat de travail / cahier des charges
  • Entretiens d’évaluation réguliers (avec objectifs, le cas échéant)
  • Certificats intermédiaires
  • Notes internes en lien avec des événements importants (si nécessaire)
  • Formations continues, promotions
  • Mesures disciplinaires

En pratique, beaucoup d’entreprises – notamment de petite taille – ne disposent pas de tous ces éléments. Elles ne mènent pas systématiquement d’entretiens d’évaluation et n’en consignent pas les résultats par écrit. Pendant plusieurs années, il arrive aussi qu’aucune évaluation intermédiaire ne soit établie, ou alors sans traçabilité formelle. Cela complique la rédaction d’un certificat de travail : en l’absence de preuve, l’employeur ne peut guère faire valoir d’éléments négatifs, et le collaborateur peut donc aisément obtenir en justice un certificat de travail positif.

Droit au certificat de travail

Selon la loi, tout salarié peut à tout moment demander à son employeur un certificat de travail qui porte sur la nature et la durée des rapports de travail, ainsi que sur ses prestations et sa conduite (art. 330a CO). Cela signifie que l’employé peut exiger un certificat de travail pendant la relation de travail – il s’agit alors d’un certificat intermédiaire – mais également peu avant, au moment ou après la fin du contrat.

Selon la majorité doctrinale, le salarié doit faire valoir un intérêt digne de protection pour l’obtention d’un certificat intermédiaire. Toutefois, les exigences à cet égard sont peu élevées (par exemple : changement de supérieur hiérarchique, mutation interne, formation continue, intention de changer d’emploi, etc.).

Conseil pratique : un certificat intermédiaire doit toujours être rédigé au présent, même si la fin des rapports de travail est déjà connue. Toute mention dans le certificat intermédiaire d’une fin prochaine du contrat est en principe inadmissible.

Rédaction d’un certificat de travail – le certificat intermédiaire est-il contraignant ?

En pratique, la question se pose souvent de savoir quelles conséquences entraîne un certificat intermédiaire lorsque le salarié adopte, après son établissement – en particulier durant le délai de congé – un comportement répréhensible. En principe, un certificat intermédiaire est contraignant. Cela signifie qu’un employeur qui souhaite établir un certificat final plus défavorable doit pouvoir prouver les faits justifiant une telle dégradation d’appréciation.

En cas de comportement fautif pendant le délai de congé, il convient d’examiner s’il s’agit d’un comportement caractéristique et significatif, ou au contraire d’un écart isolé et excusable. Quoi qu’il en soit, un poids excessif ne doit pas être accordé à des faits survenus durant la période de congé. Il est toutefois impératif que l’employeur adresse un avertissement préalable au collaborateur et le mette en garde quant aux conséquences possibles.

Contenu du certificat de travail

Une attestation de travail se limite à confirmer la durée des rapports de travail et la fonction exercée. Un certificat complet, en revanche, doit fournir une appréciation qualitative des activités exercées, des performances fournies et du comportement du salarié sur le lieu de travail.

Un certificat de travail doit au minimum contenir les éléments suivants :

  • Les données personnelles du collaborateur ;
  • La dénomination de l’employeur émetteur, sa signature valable et la date d’émission ;
  • La date de début effective du contrat (et non la date de signature) ainsi que la fin juridique des rapports de travail (et non le dernier jour de travail effectif) ;
  • La liste détaillée des fonctions/tâches réellement exercées, avec la durée correspondante ;
  • Une évaluation claire de la performance (qualité et quantité du travail) ;
  • Des observations concrètes sur le comportement du salarié.

Conseil pratique : le motif de la fin du contrat doit être mentionné uniquement s’il est pertinent pour l’évaluation globale (par exemple : licenciement pour malversation). Autrement, cette mention est facultative, sauf demande explicite du salarié.

Principes à respecter pour la rédaction d’un certificat de travail

Un certificat de travail doit être véridique, complet, clair et bienveillant. Les principes suivants doivent impérativement être respectés lors de la rédaction d’un certificat de travail :

  1. Principe de véracité
    Le certificat doit avant tout refléter fidèlement la réalité. Les faits qui le fondent doivent être objectivement vérifiables et constatables par un tiers. Il est permis de mettre en lumière certains éléments, à condition qu’ils soient représentatifs de l’ensemble du parcours professionnel.
  2. Principe de bienveillance
    Afin de ne pas nuire au développement professionnel du salarié, la rédaction doit se faire de manière fondamentalement bienveillante. Cela n’exclut toutefois pas l’obligation de mentionner des éléments négatifs importants, liés aux prestations ou au comportement, s’ils sont récurrents ou d’une certaine gravité.
  3. Principe de complétude
    L’absence manifeste d’appréciation des performances ou du comportement peut être interprétée comme un silence qualifié, sous-entendant que l’employeur n’était pas satisfait. Il est donc crucial de ne pas omettre ces éléments dans un certificat.
  4. Principe de clarté
    Le certificat doit être clairement rédigé et compréhensible par tout tiers. Contrairement à une idée reçue, les formulations ambiguës ou codées – connues sous le nom de « langage codé » – sont interdites.

Conseil pratique : le certificat de travail doit soutenir l’avenir professionnel du salarié, mais cette bienveillance est limitée par l’obligation de véracité. En droit suisse du travail, le principe est clair : la vérité prime la bienveillance. Des faits négatifs peuvent donc figurer dans le certificat s’ils sont nécessaires à une appréciation honnête et complète.

Mention de la maladie

La question de savoir si une maladie doit être mentionnée dans un certificat de travail suscite souvent des incertitudes en pratique. Le Tribunal fédéral (ATF 136 III 510) s’est exprimé comme suit à ce sujet : une maladie ne doit être mentionnée que si elle a eu un impact significatif sur les performances ou le comportement du salarié, ou si elle met en doute son aptitude à exercer la fonction concernée, au point de justifier objectivement la fin du contrat.

Dans l’arrêt précité, le salarié était incapable de travailler depuis plus d’un an, encore inapte à la fin du contrat, et aucune amélioration de son état n’était prévisible. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a jugé que l’employeur devait mentionner la maladie dans le certificat de travail qualifié.

Par ailleurs, le Tribunal fédéral a précisé dans l’ATF 144 II 345 qu’un interruption de travail de longue durée doit être mentionnée si, en regard de la durée totale du contrat, elle altère sensiblement l’image des compétences acquises. À défaut, cela donnerait une fausse impression des expériences professionnelles réellement accumulées. L’appréciation dépend toujours du cas d’espèce.

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a déclaré :
« Lorsque la durée des absences est significative au regard de la durée totale de l’engagement, elles doivent être mentionnées dans le certificat de travail. Si une telle mention est nécessaire pour ne pas induire en erreur sur l’expérience acquise, alors les motifs de l’absence (maladie, congé maternité, etc.) doivent également être précisés, en vertu des principes de complétude et de clarté. »

Droit à la rectification

Un salarié insatisfait du contenu de son certificat de travail peut introduire une action en rectification devant les tribunaux. Dans sa requête, il doit indiquer précisément quelles formulations doivent être modifiées et proposer une nouvelle version du passage concerné.

Dans son arrêt du 18 septembre 2014 (TF 4A_270/2014), le Tribunal fédéral a précisé qu’il ne suffit pas pour le demandeur de requérir un certificat « dont le contenu est conforme à la vérité ». Une telle formule générale est inadmissible dans le cadre d’un procès relatif à un certificat de travail. Le salarié doit formuler une proposition concrète à inclure dans sa demande en justice.

L’employeur est tenu à une obligation de collaboration durant la procédure. S’il refuse de prouver les faits invoqués, le tribunal peut considérer cette absence de preuve comme un indice en faveur du salarié, estimant dès lors que sa version des faits est véridique.

Un exercice d’équilibriste

Comme on l’a vu, la rédaction d’un certificat de travail impose à l’employeur de concilier plusieurs principes parfois contradictoires. Le défi principal réside dans le fait de devoir formuler un certificat bienveillant, tout en respectant l’obligation de vérité. Lorsqu’un employeur émet un certificat de travail négatif fondé sur la vérité, il n’est pas rare que le collaborateur saisisse la justice pour en demander la rectification.

Il s’agit donc d’un équilibre délicat, mais nécessaire, si l’on veut éviter que cette phrase, déjà fréquemment entendue lors des recrutements, ne devienne la norme : « Les certificats de travail n’ont plus aucune valeur. »

Devenir membre Newsletter