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Licenciements abusifs en raison de l’âge: Questions et réponses

Le Tribunal fédéral a, dans son arrêt 4A_44/2021 du 2 juin 2021, relativisé sa jurisprudence antérieure en matière de licenciements abusifs en raison de l’âge. Le licenciement d’un CEO âgé de 60 ans, après environ 37 ans de service, n’a pas été considéré comme abusif, bien qu’il n’ait été ni entendu ni averti avant la résiliation, et qu’aucune solution alternative n’ait été envisagée. Cet article présente les évolutions récentes de la jurisprudence en la matière ainsi que les questions les plus fréquentes tirées de la pratique, à retrouver dans la FAQ consacrée aux licenciements abusifs en raison de l’âge.

03/09/2025 De: Sandra Küng
Questions et réponses licenciement

Principes applicables aux licenciements abusifs en raison de l’âge

Dans une série d’arrêts marquants, le Tribunal fédéral a renforcé l’obligation de protection de l’employeur à l’égard des collaborateurs âgés et de longue date. Il a ainsi conféré une importance accrue au principe de l’exercice du droit dans un esprit de bienveillance, et la constatation d’un déséquilibre flagrant des intérêts entre l’employeur et le travailleur a de plus en plus conduit le Tribunal à qualifier la résiliation de licenciement abusif en raison de l’âge au sens de l’art. 336 CO. Selon le Tribunal fédéral, dans le cas de cette catégorie de salariés, la résiliation doit, en raison du devoir de protection accru de l’employeur, se faire de manière aussi mesurée que possible, en tenant compte des intérêts en présence. Une pesée des intérêts est ainsi nécessaire, prenant en considération tant l’intérêt du collaborateur à la poursuite du contrat de travail que celui de l’employeur. Du côté du travailleur, il convient notamment d’évaluer ses chances de retrouver un emploi compte tenu de son âge. Il y a également lieu de tenir compte de la durée restante avant la retraite et du nombre d’années de service accomplies. Le Tribunal fédéral a ainsi établi qu’il existe un devoir de protection renforcé envers les employés d’un âge avancé et ayant une longue ancienneté, sans toutefois avoir précisé ce que recouvrent exactement ces deux notions.

Se pose alors la question de l’interaction entre l’âge avancé et l’ancienneté importante. Plus la durée des rapports de travail est longue, moins le critère de l’âge est exigeant, et inversement : plus l’âge du collaborateur est élevé, moins l’ancienneté requise doit être importante. Il existe ainsi une corrélation entre l’âge et la durée de service. Une ancienneté de six ans peut déjà être considérée comme significative, et à titre indicatif, un salarié âgé de 55 ans ou plus peut être qualifié comme étant en âge avancé.

Dans son arrêt de principe BGE 132 III 115, le Tribunal fédéral a considéré comme licenciement abusif en raison de l’âge le congé donné à un salarié fort de 44 années de service, à quelques mois de la retraite et sans nécessité opérationnelle. En revanche, le licenciement d’un collaborateur de 59 ans avec 11 ou 35 années de service (discontinues), pour insuffisance de rendement, a été qualifié d’abusif car l’employeur ne l’avait pas averti de manière explicite avant la résiliation. À l’inverse, la résiliation du contrat d’un imprimeur offset de 57 ans ayant 33 années de service n’a pas été jugée abusive, dans la mesure où les motifs du licenciement étaient suffisamment établis et aucune possibilité sérieuse de reclassement au sein de l’entreprise ne s’offrait.

La jurisprudence antérieure du Tribunal fédéral a permis de dégager diverses obligations d’agir à la charge de l’employeur. Celui-ci doit informer le salarié en temps utile de la résiliation envisagée et lui donner la possibilité d’être entendu. Il doit ensuite rechercher activement des solutions pour maintenir la relation de travail et éviter le congé. Ces mesures peuvent consister, par exemple, en la fixation d’objectifs, des formations continues ou une adaptation du cahier des charges. Ce n’est qu’en l’absence de résultats probants que le licenciement peut être envisagé comme dernier recours.

Le Tribunal fédéral est toutefois revenu partiellement sur ces exigences dans son arrêt 4A_44/2021 du 2 juin 2021, en les relativisant.

Appréciation au cas par cas dans l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_44/2021 du 2 juin 2021

L’arrêt précité repose sur les faits suivants : le travailleur concerné avait été employé pendant près de 37 ans par l’entreprise, et occupait, au moment du licenciement, les fonctions de membre du conseil d’administration et de président de la direction (CEO). Le Tribunal cantonal de Berne avait partiellement admis le recours de l’employeuse contre un jugement de première instance, et l’avait condamnée à verser une indemnité de 91’445.10 CHF pour licenciement abusif en raison de l’âge, soit l’équivalent de près de cinq mois de salaire. Le Tribunal fédéral, saisi d’un nouveau recours, l’a partiellement admis, estimant que, malgré l’âge avancé du collaborateur et sa longue ancienneté, le congé ne constituait pas un licenciement abusif au sens de l’art. 336 CO.

Le Tribunal fédéral a tout d’abord rappelé le principe de la liberté de résiliation en droit privé, en précisant que le Code des obligations ne prévoit aucune obligation d’entendre l’autre partie avant de prononcer un congé, ni de formuler un avertissement préalable. De même, le droit privé ne prévoit pas de manière générale l’obligation d’examiner, dans le cadre d’un test de proportionnalité, si des mesures moins rigoureuses seraient envisageables et de les appliquer dans la mesure du possible.

Dans un second temps, le Tribunal fédéral a relativisé son propre arrêt 4A_384/2014 du 12 novembre 2014, en ces termes :

«L’employeur doit certes accorder une attention particulière à la manière dont il procède au congé lorsqu’il s’agit de salariés âgés. Toutefois, contrairement à la formulation quelque peu péremptoire de l’arrêt concerné – selon laquelle “[le salarié âgé] a notamment droit à être informé en temps utile du congé envisagé et à être entendu, et l’employeur est tenu de rechercher des solutions permettant de maintenir la relation de travail” (arrêt cité 4A_384/2014, consid. 4.2.2) – l’étendue du devoir de protection de l’employeur, même pour cette catégorie de salariés, doit être déterminée sur la base d’une appréciation globale des circonstances du cas d’espèce.»

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