Fonction dirigeante élevée: Comment conjuguer heures supplémentaires et cadres

Aides de travail appropriées
La preuve des heures supplémentaires : une obligation du salarié
En pratique, les litiges portant sur des heures ou du travail supplémentaires débutent souvent par une contestation liée à la preuve. Les collaborateurs, après la fin des rapports de travail, invoquent fréquemment un grand nombre d’heures supplémentaires, que l’employeur conteste.
Le salarié est tenu de documenter rigoureusement les heures effectuées au-delà du contrat et de transmettre ses relevés à intervalles réguliers à l’employeur. Si ce dernier n’a ni connaissance, ni raison d’avoir connaissance des heures effectuées, l’employé doit les annoncer formellement dans les 30 jours suivant la réception du salaire ordinaire, sous peine de perdre toute prétention à une compensation.
Ce droit se perd également si les décomptes horaires établis par l’employeur ne sont pas contestés dans un délai raisonnable. En revanche, si l’entreprise dispose d’un système de pointage ou d’un outil de suivi du temps, elle ne peut invoquer l’ignorance : l’information est présumée accessible. L’inaction vaut alors reconnaissance.
En cas de litige, il appartient au collaborateur de démontrer le volume et la nécessité des heures supplémentaires, ainsi que leur signalement à l’employeur ou l’impossibilité pour ce dernier d’en ignorer l’existence.
Important : toute prétention liée aux heures supplémentaires est de nature salariale. Elle doit être formulée en brut dans la procédure de réclamation ou d’action en justice.Les prétentions en paiement des heures supplémentaires sont de nature salariale. Elles devront faire l’objet de conclusions portant sur des montants bruts.
Travail supplémentaire : cadre légal général
Le travail supplémentaire, au sens de la loi sur le travail (LTr), est le temps qui dépasse la durée maximale légale (art. 9 al. 1 LTr), soit 45 heures hebdomadaires pour le personnel administratif et technique, ou 50 heures pour certaines catégories professionnelles.
L’article 12 LTr prévoit que, par exception, la durée maximale peut être dépassée en cas de nécessité, de surcharge temporaire, d’inventaire, de clôture annuelle, de liquidation ou de perturbation opérationnelle. Ces heures sont toutefois plafonnées à deux heures par jour, et à :
- 170 heures par an pour les salariés à 45 heures hebdomadaires ;
- 140 heures pour ceux à 50 heures hebdomadaires.
Ces règles ne concernent cependant que les collaborateurs soumis à la LTr. Or, ceux qui exercent une fonction dirigeante élevée sont expressément exclus du champ d’application (art. 3 let. d LTr).
Fonction dirigeante élevée : une exception strictement interprétée
L’exclusion de la fonction dirigeante élevée repose sur des critères précis. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 98 Ib 344), ne suffit pas le simple fait d’occuper une position de confiance ou d’avoir un salaire élevé. Sont requis cumulativement :
- un pouvoir de décision autonome sur des affaires essentielles de l’entreprise ou d’unité organisationnelle,
- une responsabilité stratégique effective,
- une influence durable sur la structure ou les résultats de l’entreprise,
- et une organisation suffisamment structurée permettant d’identifier ce rôle.
Autrement dit, ni le titre de cadre, ni la signature sociale, ni l’autorité hiérarchique ne suffisent à établir la qualité de dirigeant au sens de la LTr.
L’analyse de la fonction dirigeante élevée doit donc se faire au cas par cas, en s’appuyant sur les tâches concrètes exercées et non sur le contrat de travail uniquement.
En pratique : attention aux clauses contractuelles types
Les contrats de cadres incluent souvent une clause de renonciation à la rémunération des heures supplémentaires. Si la personne relève effectivement d’une fonction dirigeante élevée, cette clause est compatible avec la LTr.
Mais si la qualification est inexacte ou contestable, l’entreprise s’expose à un risque juridique important. En cas de litige, un collaborateur pourrait obtenir rétroactivement le paiement d’heures supplémentaires – majorées à 125 % en l’absence de compensation – et invoquer l’illégalité de la clause.
Les employeurs doivent donc :
- s’assurer que le statut de fonction dirigeante élevée est juridiquement justifiable,
- mettre en place un système clair de saisie du temps de travail (ou en justifier l’exemption légale),
- formaliser les obligations de signalement des heures supplémentaires,
- et intégrer, dans les contrats de cadres, des clauses adaptées à ce statut particulier.
Conclusion
La gestion des heures supplémentaires pour les collaborateurs exerçant une fonction dirigeante élevée doit s’appuyer sur une appréciation rigoureuse de leur rôle réel. La jurisprudence impose une lecture stricte du critère de fonction dirigeante. À défaut, les risques financiers pour l’entreprise peuvent être significatifs. Une rédaction soignée des contrats, un encadrement clair des procédures internes et une vigilance sur les pratiques déclaratives s’imposent.