Clause de non-concurrence droit du travail: Licéité post contrat

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Notion
La clause de non concurrence droit du travail est régie par les articles 340 ss. CO. Elle interdit aux employés d'exercer, après la fin des rapports de travail, une activité en concurrence économique avec l'activité de leur ancien employeur. Les clauses de non-concurrence post-contractuelles ont donc pour but de protéger la concurrence loyale et équitable. C'est pourquoi elles sont souvent appelées « clauses de non-concurrence », particulièrement en Allemagne.
Conditions de validité
Pour qu'une clause de non-concurrence post-contractuelle soit valable, les quatre conditions suivantes, décrites à l'art. 340, al. 1 et 2 CO, doivent être remplies:
- le travailleur doit avoir l'exercice de ses droits civils, c'est-à-dire être majeur (avoir plus de 18 ans et ne pas être frappé d'interdiction) et avoir sa capacité de discernement (être capable d'agir raisonnablement);
- caractère écrit de l'accord;
- le travailleur doit avoir connaissance de la clientèle (avoir un contact personnel et direct avec la clientèle qui permette de détourner des clients de l'employeur) ou (alternative !) connaissance des secrets commerciaux et de fabrication de l'employeur (par ex. calculs de prix, sources de livraison, taux de rabais, stratégies, etc.);
- préjudice potentiel pour l'employeur, c'est-à-dire que l'utilisation des connaissances obtenues doit pouvoir nuire sensiblement à l'employeur.
Contrairement à l'Allemagne, une indemnité pour prohibition de concurrence destinée à compenser la perte de salaire consécutive au respect de la clause de non concurrence droit du travail n'est pas une condition de validité pour la réalisation d'une clause de non-concurrence. Elle peut toutefois faciliter la mise en œuvre d'une telle clause de non concurrence droit du travail (voir section «Selon le lieu, le temps et le genre d’affaires»).
Si l’exigence liée au plein exercice des droits civils ne pose guère de problème dans la pratique, le fait qu’une clause de non-concurrence requière la forme écrite en fait échouer plus d’une. En effet, le contrat pour lequel la loi exige la forme écrite doit être signé par toutes les personnes auxquelles il impose des obligations (art. 13, al. 1 CO). Si la prohibition de faire concurrence est inscrite dans le contrat de travail individuel signé, cette exigence est remplie sans autre. En revanche, si la prohibition de faire concurrence est inscrite dans un règlement du personnel ou dans des conditions générales d'engagement, celles-ci doivent être déclarées dans le contrat individuel de travail (signé) comme faisant partie intégrante de ce dernier pour que cette exigence soit respectée. Même dans ce cas, une prohibition de faire concurrence dans le règlement du personnel ou dans les conditions générales d'engagement pourrait encore enfreindre la «règle de l'insolite» développée par la jurisprudence et être invalide, car les employés - selon la branche - ne doivent pas s'attendre à une prohibition de faire concurrence figurant en « petits caractères gris clair sur fond blanc ». Il est donc recommandé d'inscrire les clauses de non-concurrence dans le contrat de travail individuel.
Une autre source d'erreur réside dans la définition de l'activité concurrente à interdire. Si celle-ci est choisie de manière trop restrictive et que l'employé reprend d'autres activités pendant les rapports de travail, celles-ci ne sont pas automatiquement couvertes par la prohibition de faire concurrence. L'employeur peut résoudre ce problème en s'appuyant sur le texte légal de l'art. 340, al. 1 CO et en interdisant aux employés « toute activité concurrente », puis en concrétisant ce principe par une énumération explicite et non exhaustive de domaines d'activité, d'entreprises concurrentes et/ou de produits.
Limitations
Selon le lieu, le temps et le genre d’affaires
Conformément à l'article 340a CO, les interdictions de faire concurrence doivent être limitées de manière appropriée quant au lieu, au temps et à l'objet, de sorte que toute entrave inéquitable à l'avancement économique de l'employé soit exclue. Toutefois, quoique que certains travailleurs l'affirment régulièrement, les restrictions que l’on peut imposer en la matière n’aboutissent pas immédiatement ni abruptement à une interdiction d'exercer une profession pure et dure, comme le montre la pratique des tribunaux.
L'étendue géographique la plus large possible d'une prohibition de faire concurrence se situe dans le rayon d'action effectif de l'employeur. Pour ce faire, il faut se baser sur le comportement réel et hypothétique des clients et sur le type de prestations offertes et non pas sur le lieu du siège social de l’entreprise. A l'intérieur de ce cercle, il convient ensuite d'exclure les domaines dans lesquels l'employé n'a pas du tout travaillé ou dans lesquels les connaissances qu’il a acquises n’ont absolument aucun impact. Si la clause de non-concurrence a été motivée par la connaissance que le travailleur avait de la clientèle, son extension géographique se limite au territoire des clients connus.
La prohibition doit être limitée convenablement quant au lieu, au temps et au genre d’affaires, de façon à ne pas compromettre l’avenir économique du travailleur contrairement à l’équité; elle ne peut excéder trois ans qu’en cas de circonstances particulières (art. 340a, al. 1 CO).
La limite de l'extension matérielle des interdictions de faire concurrence résulte de la notion d'activité concurrente. Seules les activités qui se situent dans le secteur d'activité de l'ancien employeur sont concurrentielles.
Les limites territoriale, temporelle et matérielle d'une prohibition de concurrence interagissent entre elles, c'est-à-dire qu'une prohibition de concurrence peut durer plus longtemps si le territoire et l'activité prohibée sont étroitement limités, et inversement. Si l'employeur verse en outre une indemnité pour prohibition de concurrence à l'employé, le juge peut réduire selon sa libre appréciation une prohibition excessive, en tenant compte de toutes les circonstances (art. 340a, al. 2 CO).
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Conséquences en cas de prohibition excessive
Les clauses de non-concurrence formulées de manière excessive quant au lieu, au temps et/ou au genre d’affaires ne sont pas automatiquement nulles ou inefficaces mais sont réduites à la mesure admissible par le tribunal civil lorsque le travailleur soulève une exception. La question de savoir où se situe cette limite ne peut pas être résolue de manière abstraite et doit toujours être déterminée par le tribunal civil compétent en tenant compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (art. 340a, al. 2 CO).
En plus de la réduction d'une clause de non-concurrence excessive (géographiquement, temporellement et/ou matériellement), la peine conventionnelle convenue pour garantir la clause de non-concurrence risque généralement d'être réduite (voir section «Conséquences des contraventions»). Les tribunaux civils supposent en effet souvent que le montant de la peine conventionnelle convenue était en rapport avec l'étendue de la prohibition de faire concurrence.
Fin de la clause de non concurrence droit suisse
Les employeurs négligent souvent la teneur de l’art. 340c, al. 2 CO : «La prohibition cesse également si l’employeur résilie le contrat sans que le travailleur lui ait donné un motif justifié ou si le travailleur résilie le contrat pour un motif justifié imputable à l’employeur». Un tel « motif justifié », que l'employeur doit prouver, ne doit pas nécessairement consister en une violation du contrat par l'employé et va moins loin qu'un « juste motif » au sens de l'art. 337 CO, qui autorise un licenciement immédiat. Ce qui est exigé, c'est un événement imputable à l'employé qui, selon le Tribunal fédéral, « peut donner lieu à un licenciement si l'on se base sur une considération commerciale raisonnable ».
Si le travailleur résilie, c'est l'inverse qui se produit. Dans ce cas, c'est à ce dernier de prouver que l'employeur lui a donné un motif justifié de résiliation, faute de quoi la clause de non-concurrence reste en principe valable. La jurisprudence a, par exemple, admis l'existence d'un motif justifié en cas de mauvaise ambiance de travail imputable à l'employeur, en cas de modification du domaine d'activité du travailleur sans entretien préalable ou en cas de perte de salaire importante.
Enfin, la prudence est également de mise en ce qui concerne les accords de résiliation. Alors que la loi ne mentionne que les résiliations par l’une ou l’autre partie, la jurisprudence récente admet parfois que la clause de non-concurrence s’éteint également dans les accords de résiliation, en fonction de la partie qui a donné l'impulsion à la résiliation et des motifs de celle-ci. Pour éviter cela, les employeurs devraient mentionner expressément le maintien de la clause de non-concurrence dans tout accord de résiliation.
Conséquences des contraventions
Les employeurs se trompent souvent quant aux sanctions prévues en matière de contraventions. De par la loi, le travailleur qui enfreint la prohibition de faire concurrence est tenu de réparer le dommage qui en résulte pour l’employeur (art. 340b, al. 1 CO). Dans la pratique, il n'est toutefois guère possible de prouver un dommage. Les prohibitions de faire concurrence doivent donc absolument être garanties par des peines conventionnelles modérées, dont la limite supérieure devrait se situer dans la plupart des cas entre un demi-salaire et un salaire annuel entier au maximum.
Il convient en outre de noter que le travailleur peut, lorsque la contravention est sanctionnée par une peine conventionnelle et sauf accord contraire, se libérer de la prohibition de faire concurrence en payant le montant prévu (art. 340b, al. 2 CO). Si la peine conventionnelle est fixée à un niveau (trop) bas, il peut donc être intéressant pour un employé calculateur de payer la peine conventionnelle afin de se libérer de la prohibition de faire concurrence.
Si l'employeur veut éviter cela, la clause de non-concurrence doit absolument être formulée de manière à ce que le paiement de la peine conventionnelle ne l’exempte pas de s’y tenir par la suite.
Selon l’art. 340b, al. 3 CO, l’employeur peut encore exiger, s’il s’en est expressément réservé le droit par écrit, outre la peine conventionnelle et les dommages-intérêts supplémentaires éventuels, la cessation de la contravention, lorsque cette mesure est justifiée par l’importance des intérêts lésés ou menacés de l’employeur et par le comportement du travailleur. Celle-ci vise à interdire effectivement au travailleur qui fait concurrence de le faire sous la menace d'une sanction judiciaire. Si l'employeur souhaite se réserver cette possibilité, il doit toutefois le préciser sans équivoque dans la clause de non-concurrence («L'employeur est en droit d'exiger en tout temps la cessation de la contravention [exécution réelle]»). Dans la pratique, si les exécutions réelles sont certes rares et difficiles à obtenir, elles ne sont pas toutes vouées à l’échec, contrairement à une opinion largement répandue.
Conclusion
Il vaut la peine de rédiger les clauses de non-concurrence avec soin. L'employeur devrait notamment décrire précisément l'activité concurrente. Il est en outre recommandé de limiter, en faisant preuve d’une certaine modération, les clauses de non-concurrence quant au lieu, au temps et au genre d’affaires, de prévoir une peine conventionnelle en cas de violation et de stipuler explicitement que la prohibition de faire concurrence ne devient pas caduque avec le paiement de la peine conventionnelle. En cas de comportement particulièrement déloyal de l'employé, les employeurs devraient se réserver explicitement la possibilité d'une exécution réelle. Enfin, il ne faut pas oublier que les clauses de non-concurrence sont susceptibles de s’éteindre en cas de résiliation par l'employeur et, dans certaines circonstances, même lorsque qu'un accord de résiliation a été conclu. Si tous ces points sont pris en compte, une prohibition de faire concurrence peut très bien se voir imposée par voie judiciaire, contrairement à une opinion malheureusement trop répandue.
Clause de non-concurrence droit du travail – Questions fréquentes issues de la pratique
Question : Que se passe-t-il dans le cas d’une convention de résiliation ?
Selon la jurisprudence, une clause de non-concurrence peut perdre sa validité non seulement lors d’une résiliation ordinaire, mais aussi en cas de convention de résiliation. Les critères d’évaluation sont analogues dans les deux cas (ATF 4A_209/2008 du 31 juillet 2008, consid. 3). Afin de lever toute ambiguïté dans de telles situations, il est recommandé de régler expressément la poursuite ou non de la clause de non-concurrence dans le texte même de la convention de résiliation.
Question : Qu’est-ce qu’une indemnité compensatoire dans le cadre d’une clause de non-concurrence ?
L’indemnité compensatoire vise à compenser la perte de revenu subie durant la période d’interdiction de concurrence. Les parties sont libres d’en fixer le montant.
La présence d’une telle indemnité augmente les chances de faire valoir une clause de non-concurrence. Elle n’est cependant pas une condition obligatoire pour la validité de la clause. Si les conditions légales sont remplies et que la clause est limitée de manière appropriée, elle reste valable même en l’absence d’une indemnité compensatoire.
Question : Que signifie « accès à la clientèle » ou aux secrets de fabrication et d’affaires ?
Une clause de non-concurrence n’est admissible que si l’employé a eu accès à la clientèle ou à des secrets de fabrication et d’affaires. De plus, l’utilisation de ces connaissances doit pouvoir porter un préjudice considérable à l’employeur.
En l’absence d’un tel accès, aucune clause valable ne peut être conclue.
Le simple accès à une liste de clients (noms et coordonnées) ne suffit pas selon la jurisprudence. Il faut un contact personnel et direct avec les clients. En règle générale, seuls les clients effectifs de l’employeur sont concernés, et non les fournisseurs, collègues, clients potentiels ou simples intéressés.
Les secrets d’affaires peuvent inclure, par exemple, les méthodes de calcul, les sources d’approvisionnement, les taux de remise, etc. Les secrets de fabrication recouvrent notamment des recettes ou des processus internes.
Pour que ces informations soient protégées, elles doivent être effectivement tenues secrètes, ne pas être tombées dans le domaine public, et faire l’objet de mesures de confidentialité.