Congé modification: Validité de la réaffectation du service de nuit au service de jour

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Congé-modification: faits/contexte
A, née en 1964, a travaillé à partir du printemps 1987 comme aide-soignante dans le centre pour personnes âgées B de la ville d'Opfikon. Après avoir reçu au cours des dernières années, et pour la dernière fois le 12 avril 2020, différents rapports ou réclamations concernant le comportement et la communication de A vis-à-vis des résidents, ce dernier a fixé, lors de l'entretien de bilan du 18 avril 2020, un délai de probation de trois mois avec remise d'une convention d'objectifs. En outre, A a été réaffectée avec effet immédiat de la surveillance de nuit au service de jour du groupe d'habitation C. Après avoir été en congé maladie du 20 avril au 31 juillet 2020, elle a pris ses fonctions au service de jour le 3 août 2020. Par courrier du 2 juillet 2020, le centre pour personnes âgées l'avait déjà informée de son évaluation et des points clés de la poursuite de la collaboration. Dans ce cadre, il avait notamment maintenu la réaffectation au service de jour dans le groupe d'habitation C et constaté qu'il n'était pas nécessaire de procéder à une nouvelle résiliation ou à une modification du contrat de travail pour l'affectation au service de jour, étant donné que la décision d'engagement en vigueur ne faisait aucune distinction entre le service de jour et le service de nuit.
Par requête du 28 juillet 2020, A avait demandé, entre autres, la réalisation d'une enquête interne confidentielle, l'annulation de la «décision du centre pour personnes âgées» du 18 avril 2020, la confirmation du contrat de travail existant et le versement d'une indemnité de six mois de salaire en raison d'un congé-modification abusif, éventuellement d'une indemnité de 15 mois de salaire, ainsi qu'une somme d'argent d'un montant total de 20'000 francs à titre de dommages et intérêts et de réparation morale. Après avoir parcouru les instances judiciaires, A a déposé un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci a statué par arrêt du 9 septembre 2022 (Arrêt du TF 8C_173/2022).
Arrêt du Tribunal fédéral (en bref)
5. Le Tribunal cantonal est arrivé à la conclusion que la jurisprudence selon laquelle les modifications insignifiantes du domaine d'activité et les transferts à petite échelle du lieu de travail ne sont pas des décisions attaquables s'applique également à la réaffectation du service de nuit au service de jour. Nonobstant l'absence de caractère décisionnel, la pratique judiciaire autorise néanmoins le recours à de tels actes lorsque l'intérêt à la protection juridique l'exige. Ce serait exceptionnellement le cas lorsque la mesure en question pourrait constituer une atteinte à la personnalité ou une mesure disciplinaire (déguisée). La recourante n'explique pas pourquoi, pour des raisons objectivement compréhensibles, la réaffectation n'aurait pu être raisonnablement exigée d'elle que moyennant l'octroi d'un délai transitoire raisonnable. On ne peut donc pas conclure à une atteinte à la personnalité. Que l'on ait dit à l'équipe de veilleurs de nuit que la recourante avait été licenciée avec effet immédiat aurait pu constituer une atteinte aux droits de la personnalité. Le fait que l'information a été rectifiée dès le lendemain a, en tout état de cause, permis de réparer immédiatement cette atteinte.
L'absence d'investigations (approfondies) sur l'incident du 12 avril 2020 ne constitue pas non plus une atteinte à la personnalité. Enfin, étant donné qu'un délai de probation a été fixé en même temps que la réaffectation, l'activité future de la recourante dans le service de jour a constitué une base d'appréciation pour le maintien des rapports de travail. Selon les indications concordantes des parties, la recourante se serait intégrée avec succès dans la nouvelle équipe du service de jour depuis août 2020. L'entretien de situation du 18 avril 2020 concernant le «délai de probation» fixé serait ainsi resté sans conséquence sur le statut juridique de la recourante en tant qu'employée auprès de l'intimé.
6. La négation par l'instance précédente, ainsi motivée, d'un changement d'affectation illicite, d'une atteinte à la personnalité y afférente et du refus de prétentions en réparation du tort moral repose sur une appréciation fiable des faits et de la situation juridique. La recourante ne parvient pas à démontrer en quoi la constatation des faits serait manifestement inexacte et les conclusions juridiques qui en seraient tirées arbitraires:
6.1
6.1.1. Les griefs de la recourante sont principalement dirigés contre le fait que le Tribunal cantonal qualifie les faits relatifs aux incidents de la nuit du 12 avril 2020 comme ne nécessitant pas d'examen approfondi. Elle y voit une violation tant du droit fédéral que du droit cantonal, ainsi qu'une violation de l'interdiction de l'arbitraire et de divers droits fondamentaux de la Constitution fédérale. A l'appui de sa demande, elle fait valoir que les entretiens périodiques de bilan, avec les conventions d'objectifs et les conséquences fixées en cas de non-respect de celles-ci, constituent un cadre juridique contraignant, une base de confiance, entre la recourante et l'intimé, qui détermine, au sens d'une «clausula rebus sic stantibus», ce que les parties peuvent attendre l'une de l'autre. Le Tribunal cantonal n'a pas tenu compte du fait que le principe «pacta sunt servanda» s'applique également en droit public en tant que droit fédéral non écrit. Ce principe serait ici violé, raison pour laquelle la décision attaquée serait, selon la recourante, insoutenable et arbitraire.
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6.1.2. L'argumentation de la recourante ne peut toutefois pas être suivie, ne serait-ce que parce qu'elle ne mentionne aucunement les accords qui auraient été conclus dans le cadre des entretiens d'évaluation en ce qui concerne la répartition entre le service de jour et le service de nuit. De tels accords ne ressortent d'ailleurs pas des documents relatifs au personnel versés au dossier. Au contraire, la dernière évaluation des collaborateurs du 7 février 2019, datant d'avant le 12 avril 2020, indiquait que la recourante montrait, dans le cadre de son engagement, qu'elle était également prête à s'investir dans des missions de jour. La recourante elle-même a en outre ajouté de manière manuscrite qu'elle effectuerait à l'avenir de temps en temps des services de jour afin d'améliorer ses propres compétences professionnelles. Etant donné qu'aucun accord concernant le service de nuit - même sous la forme d'une convention d'objectifs - n'a pu être établi et qu'il est incontestable que ni les décisions d'engagement ni la description de fonction ne garantissaient un engagement exclusif dans le service de nuit, on ne peut pas reprocher à l'instance précédente d'avoir fait preuve d'arbitraire en concluant qu'il relevait de l'autonomie d'organisation de l'intimé de procéder à des transferts de personnel du service de nuit au service de jour.
6.2. La recourante ne conteste ensuite pas la constatation de l'instance précédente selon laquelle la classification et l'échelle des salaires (après la réaffectation) sont restés inchangés, mais affirme en même temps avoir subi une grave perte de salaire de 20 %, que l'instance cantonale a jugée non pertinente. Il ressort de cette «perte de salaire» que la réaffectation serait une sanction, ce qui aurait été «admis» dans l'arrêt attaqué. Cette objection n'est pas non plus recevable. Le Tribunal cantonal indique expressément que les suppléments et les bonifications en temps accordés auparavant pour le service de nuit effectué ne faisaient pas partie du droit au salaire fondé sur le rapport de base par les décisions d'engagement, mais constituaient plutôt une compensation pour la charge psychique et physique du service de nuit. Par conséquent, la suppression des suppléments et des bonifications en temps à compter de la réaffectation au service de jour ne permet pas de conclure à une sanction.
En revanche, on peut tout d'abord se demander si l'instance précédente n'a pas qualifié la réaffectation au service de jour de mesure disciplinaire (déguisée). Elle admet tout de même que la réaffectation immédiate a pu être ressentie subjectivement comme une mesure radicale par la recourante, qui travaillait depuis longtemps au service de nuit. La constatation selon laquelle la réaffectation du service de nuit au service de jour visait à attribuer à la recourante un poste de travail plus approprié ou à l'affecter de manière plus adéquate suite à une réclamation d'un résident - indépendamment du fait qu'elle soit exacte - ait été le principal déclencheur de la réaffectation, est globalement défendable. Dans ces circonstances, le Tribunal cantonal a pu sans autre s'abstenir de procéder à des investigations complémentaires sur le bien-fondé (ou non) des réclamations d'un résident de la maison de retraite dans la nuit du 12 avril 2020. Dans ce contexte, il n'y a pas non plus de violation du droit à la preuve (art. 29 al. 2 Cst. et art. 6 ch. 1 CEDH), contrairement à l'avis de la recourante. La décision attaquée n’est donc pas entachée d’arbitraire.
6.3. Une violation du devoir d'assistance de la part de l'intimé n'entre pas non plus en ligne de compte, ne serait-ce que parce que la recourante ne donne pas, même en dernière instance, de raisons objectivement compréhensibles qui se seraient opposées à la réaffectation du service de nuit au service de jour ou qui auraient pu démontrer la nécessité d'une période transitoire plus longue.
6.4. Enfin, on ne peut pas non plus voir d'arbitraire dans la négation d'une atteinte à la personnalité par l'information ambiguë ou inexacte que l’intimé a communiquée à l’équipe des veilleurs de nuit. En effet, la situation a été clarifiée dès le lendemain auprès des destinataires de l'information. La recourante ne parvient pas à démontrer à suffisance de droit pourquoi, dans ces circonstances, il faudrait malgré tout conclure à une atteinte à la personnalité.
6.5. Attendu qu'il n'y a pas d'atteinte à la personnalité, il n'est pas nécessaire de s'étendre sur la réparation du tort moral « en nature » ni sur une indemnité de CHF 30'000.-.
6.6. La suite de la critique se limite pour l'essentiel à opposer son propre point de vue à celui de l'instance précédente, sans se pencher sur les considérants de la décision cantonale sous l'angle de l'arbitraire. Il n'y a pas lieu d'y revenir plus en détail. Le recours n'est pas fondé et doit donc être rejeté.
Décision
Le recours est rejeté. Les frais de justice de CHF 1'000.- sont mis à la charge de la recourante.
En résumé
Cet arrêt du Tribunal fédéral met en évidence l'importance de l'autonomie organisationnelle de l'entreprise, en particulier dans le secteur public. La décision confirme que les employeurs sont autorisés, dans certaines limites, à réorganiser leur personnel sans que cela soit considéré comme une modification du contrat ou un congé-modification. Cela protège la flexibilité qu’ont les employeurs à organiser leur entreprise de manière efficace, tant qu'il n'y a pas de violation d'accords ou de garanties spécifiques. Toutefois, le fait que la recourante travaillait de nuit depuis 1987 et qu'il fallait donc procéder de manière plus graduelle et moins brusque prête le flanc à la critique. Bien que le tribunal ait constaté qu'il n'y avait pas de raisons objectivement compréhensibles de s'opposer à la réaffectation, une période de transition plus longue aurait pu faciliter l'adaptation professionnelle et personnelle de la recourante. Cela pourrait être considéré comme faisant partie du devoir d'assistance de l'employeur afin de faciliter le changement et de minimiser de potentielles contraintes.
Un autre point qui mérite d’être soulevé est l'incompréhension à court terme de l'information dispensée à l'interne, qui a été rapidement corrigée, mais qui pourrait néanmoins être à l'origine d'incertitudes et éventuellement d'un stress émotionnel. Une communication claire et en temps utile de telles restructurations est essentielle afin d'éviter tout malentendu et toute éventuelle atteinte à la personnalité. Dans l'ensemble, l'arrêt montre la nécessité de peser soigneusement les besoins de l'entreprise et les droits ainsi que le bien-être des collaborateurs dans le contexte d'un congé-modification.