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Le burnout: Employeur poursuivi pour cause de stress

Le nouveau monde flexible du travail engendre-t-il des cas de burnout et rend-il, en ce sens, l’employeur responsable du stress de ses employés? Lisez la première partie de notre série pour savoir jusqu’où va le devoir de diligence de l’employeur en cas de burnout.

13/12/2021 De: Bettina Hübscher, Jeannette Küher-Kiser
Le burnout

Employeur «stressant» poursuivi

Le fait qu’un employeur soit attaqué en justice pour cause de stress était plutôt rare en Suisse jusqu’ici. Cela va toutefois constituer un thème durable qui menacera les collaborateurs parfaitement qualifiés et hautement engagés face à la survenance d’un syndrome de Burnout. De nos jours, la thématique qui découle fortement des limites de la conception du temps de travail ainsi que des formes mobiles et flexibles de travail va prendre une importance toujours plus grande.

Ce ne sont plus seulement les cadres et les spécialistes qui doivent pouvoir être toujours et partout atteignables. En effet, de nos jours, les travailleurs se sentent de plus en plus obligés de travailler plus longtemps que prévu et de devoir être atteignables pendant leurs loisirs et leurs vacances. Les moyens de communication mobiles modernes, l’évolution technologique, la globalisation des marchés et une pression accrue de la concurrence renforcent cette tendance.

La thématique du Burnout ne doit cependant pas se concentrer uniquement sur la sollicitation du monde moderne du travail. Car, en cas de syndrome de Burnout, une grande partie des facteurs d’influence tels les sollicitations familières, de santé ou financières jouent un rôle important. En outre, il existe des cas de Burnout qui ne résultent pas d’une surcharge, mais qui commencent par les effets d’un incident de Mobbing ou de harcèlement sexuel.

Cadre juridique vs réalité

Existe-t-il, à l’heure actuelle, des cadres juridiques permettant de régler la question de la délimitation? En théorie, on peut facilement faire la différence entre temps de travail et temps libre. Selon l’art.9 LTr, la durée maximale de travail est de 45 heures respectivement 50 heures de travail hebdomadaires. De plus, chaque travailleur a droit, après le travail, à un temps de repos d’au moins 11 heures consécutives. Les dimanches et jours fériés sont généralement, quant à eux, non ouvrables (art.15a, 18 et 20a LTr). Ces prescriptions légales existent, certes, mais, dans bien des cas, sont souvent décalées de la réalité.

Le soir venu, de nombreux travailleurs jettent encore un coup d’œil à leurs courriels ou se mettent devant leur écran pendant le week-end. Les raisons d’un tel comportement peuvent être multiples: carrière professionnelle, satisfaire aux attentes de leurs supérieurs hiérarchiques, etc. Une telle évolution peut cependant contrevenir au droit du travail en vigueur et, finalement, provoquer des maladies liées au stress. En raison du devoir de diligence qui lui incombe (art.328 CO ; RS 220), l’employeur doit prendre les mesures appropriées afin d’éviter une surcharge de travail à ses employés et empêcher ainsi que ces derniers tombent malades. Mais, dans quelle mesure l’employeur doit-il réfréner l’ardeur de ses employés et qui donc est responsable lorsque les employés dépassent leur temps de travail?

Le burnout: Défaillance du travailleur

Des temps de travail très longs et aménagés de manière atypique sont souvent ressentis comme un fardeau par les travailleurs. Dans ces cas-là, le fait de devoir être continuellement atteignable en dehors de son temps de travail accroît encore de manière subjective le sentiment de stress. Lorsque les collaborateurs ne peuvent plus assumer les exigences posées, ils se sentent stressés. De la sorte, ils compromettent leur propre santé et, de plus, leurs défaillances représentent une charge supplémentaire de stress pour les autres membres de l’équipe. La perte de savoir-faire qui en découle a également des répercussions négatives sur la rentabilité de l’entreprise et peut entraîner baisse de productivité. Dès lors, le surmenage sur le lieu de travail peut avoir des conséquences juridiques pour l’employeur. En cas de défaillance, il y a toutefois obligation de continuer à verser le salaire ou un risque de responsabilité peut en résulter.

Risques juridiques de l’employeur – Responsabilité pour cause de stress

Ainsi, la thématique de la responsabilité en cas de stress a occupé de manière croissance le Tribunal fédéral au cours de ces dernières années: une collaboratrice s’est vue attribuer une indemnité de CHF 10 000.- parce qu’elle se sentait sollicitée trop fortement au poste de travail, qu’elle fait par la suite une dépression et que, au final, elle n’a plus été en mesure de reprendre son activité (4C. 24/2005).

Pour qu’une responsabilité pour cause de stress puisse être reprochée, il faut que quatre conditions soient satisfaites sous forme cumulative:

  • Le collaborateur doit en outre avoir subi un dommage, autrement dit, une perte involontaire de ses avoirs par suite de l’effet du stress. Cela est le cas lorsque les symptômes du stress se voient attribuer une valeur de maladie et que cela débouche sur des frais de traitement.
  • Ainsi, une infraction au contrat est nécessaire de la part de l’employeur. Ce dernier doit en effet veiller à la personnalité du collaborateur dans le cadre des rapports de travail, il doit la protéger et donc tenir compte de la santé du collaborateur. Si, dans une entreprise, il existe des conditions de travail qui déclenchent un stress accru, cela constitue une violation de l’employeur contre son obligation de prévoyance.
  • Une relation naturelle et adéquate de causalité doit exister entre le dommage subi par le collaborateur et la violation du contrat.
  • Faute déterminante de l’employeur du fait que l’atteinte à la santé provoquée par le stress était prévisible pour l’employeur. Dans cet arrêt, ce sont surtout les aspects d’organisation du travail ainsi que les conditions concrètes de travail et de surveillance qui ont été considérées. La communication et les signes de stress de même que, par ex., des absences fréquentes ont été prises en compte. On part régulièrement d’une faute lorsque l’employeur connaissait l’atteinte à la santé ou qu’il aurait dû s’en apercevoir (Rohrer, 4/09).

Lorsque les quatre conditions sont satisfaites, cela peut déboucher sur un droit à une indemnité. Ceci avec comme justificatif que la pression durable du travail a débouché sur une atteinte à la santé du collaborateur et que l’employeur n’a pas assumé son obligation de prévoyance (Rohrer, 4/09). Dans la vie quotidienne de l’entreprise, c’est toutefois difficile d’apprécier à partir de quel moment le niveau de stress admissible au travail est dépassé. Raison pour laquelle la responsabilité pour cause de stress est toujours considérée de manière subjective par le collaborateur concerné et il faut donc tenir compte des circonstances du cas particulier.

En outre, l’abandon de mesures préventives par l’employeur ne peut être invoqué que s’il avait été informé en temps voulu de la situation dangereuse. Étant donné que le Burnout concerne souvent de la main-d’œuvre capable de performer et hautement motivée, cette information n’est pas comprise ou elle est reçue seulement lors de son effondrement étant donné que le collaborateur ne veut généralement pas se plaindre des défis qui lui sont posés. Dans cette situation, l’employeur non-informé ne peut donc pas satisfaire à son obligation de prévoyance  (Heller, 2008).

Afin de réduire le risque d’endosser une responsabilité en matière de stress, l’employeur devrait prendre des mesures de protection en temps opportun, par exemple la mise en place d’un service d’assistance ou alors d’un service à l’écoute des victimes de stress. En raison des nouvelles formes de travail flexibles et mobiles, de telles mesures de protection doivent être reconsidérées et adaptées à la réalité. Ce genre de questions devrait être abordé lors d’entretiens de collaborateurs ou lors de réunions de teams. Les attentes en matière d’atteignabilité, concernant les envois de courriels nocturnes ou les questions semblables doivent être clarifiées. En outre, les collaborateurs qui intègrent le système le monde du travail mobile et flexible devraient être coachés. En effet, ces modifications faites dans le monde du travail ne doivent pas être prises à la légère, car tous les collaborateurs ne vivent pas cette nouvelle «liberté» avec la même aisance.

Car, si l’employeur ne crée pas des relations dans lesquelles le collaborateur peut relâcher son stress, l’employé a le droit de refuser sa prestation au travail lorsque la charge due au stress est telle qu’elle ne semble plus raisonnable (art. 324 CO) (Sprenger et al, 2013).

Le Tribunal administratif fédéral appuie une victime de burnout

Il n’est pas nouveau que des employeurs soient poursuivis pour avoir porté atteinte à la santé des travailleurs. En revanche, il est moins courant qu’il s’agisse d’un cas de burnout comme le montre la décision de justice qui suit. Dans un tel cas, il convient de démontrer, à l’instar de la responsabilité de l’employeur en matière de stress, qu’il y a un lien de causalité entre le niveau de stress occasionné et la maladie et que le travailleur avait demandé l’aide de l’employeur.

Situation

Une travailleuse devait, selon le profil de son poste, constamment répondre par la négative à la clientèle, ce qui la stressait énormément. Malgré cette charge, l’employeur l’a laissé se débrouiller toute seule, ce qui a provoqué le burnout. Aujourd’hui, cette personne est en incapacité de travail et touche une rente AI complète. Lors de la procédure, elle a réclamé des dommages-intérêts de CHF 360'000.- et une réparation morale de CHF 20'000.-.

En première instance, sa demande a été rejetée au motif qu’elle avait postulé cet emploi en toute connaissance de cause sachant quel était le travail à fournir et qu’il pourrait en résulter des situations difficiles. En seconde instance, cependant, le Tribunal administratif fédéral lui a en partie donné gain de cause.

Les tribunaux font valoir la causalité lorsqu’existe la vraisemblance d’un effet causal. Autrement dit, il ne faut pas seulement invoquer des influences de sollicitations privées et il faut que l’employeur doit avoir enfreint à son obligation de prévoyance. Même si le travail peut être stressant, il faut que l’employeur satisfasse à son obligation de prévoyance dans la mesure où il doit constamment entreprendre quelque chose lorsqu’il voit que le collaborateur ne va pas bien. Même si, de manière objective, la situation au poste de travail semble bonne.

Conclusion

Le jugement de 40 pages du tribunal relève le caractère laborieux et complexe de la recherche de preuves. Cela permet d’imaginer qu’il n’y aura pas, à l’avenir, de hausse des plaintes en dommages-intérêts du fait d’un Burnout. Malgré tout, les employeurs doivent avoir conscience de leur obligation de prévoyance. Pour eux, il est recommandé de documenter correctement les incidents en termes de maladie ou de Burnout ainsi que les mesures prises de sorte à pouvoir justifier, en cas de conflit, qu’ils ont bien satisfait à leur obligation de prévoyance.

Et il faut veiller à ce que, justement dans le contexte d’un monde du travail mobile et flexible, le renforcement de la résilience et la gestion personnelle des ressources jouent un rôle central dans la fourniture de prestations par les collaborateurs. Les cadres dirigeants portent ici une responsabilité dans la conception du travail favorable à la personnalité et protégeant la santé de tous. Cela débouchera sur une facilitation dans la mesure où les collaborateurs seront formés et accompagnés sous leur propre responsabilité dans leur abord du stress et des ressources (Eggenberger, 2017).

Plus sur ce thème dans notre newsletter "Droit du travail".

Littérature 

Chilles, F. (2012): Umgang mit Entgrenzung aus juristischer Perspektive. In Badura, B., Ducki, A., Schröder, H., Klose, J. & Meyer, M. (Hrsg.): Fehlzeiten-Report 2012. (S. 125). Springer-Verlag. Berlin, Heidelberg.

Eggenberger, J. (2017): Gute Führung im Kontext flexibilisierter Arbeit. In: Flexible Workforce – Fit für die Herausforderungen der modernen Arbeitswelt?. Zölch, M., Oertig, M., Calabro, V.. Haupt Verlag AG.

Eichhorst, W., Tobsch, V. (2014): Flexible Arbeitswelten. IZA Research Report No. 59. Bertelsmann Stiftung. Gütersloh.

Heller, H., (2008): Burnout bei zu langen Arbeitszeiten – tragen Arbeitgeber die Verantwortung? HR Today.

Hübscher, B., Kehl, S. (2017): Rechtliche Rahmenbedingungen flexibler Arbeit. In: Flexible Workforce – Fit für die Herausforderungen der modernen Arbeitswelt?. Zölch, M., Oertig, M., Calabro, V.. Haupt Verlag AG.

Rohrer, M., (2009): Stress am Arbeitsplatz – haftet der Arbeitgeber?. Recht und Arbeitssicherheit 4/09.

Sprenger, M., Meissner, J. O., Ursprung, R. (2013): Risiko Stress: Bringen neue Arbeitsformen Abhilfe?. HR Today.

Waser, P. (2010): Die Zukunft des Arbeitens. Ein Trendreport. Stiftung Produktive Schweiz (Hrsg.). Zürich.

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