Salaire suisse: Égalité des chances indépendamment des quotas

Les employeurs comptant au moins 100 collaborateurs sont tenus de réaliser une analyse interne de l’égalité salariale et de communiquer les résultats aux employés. Plusieurs évaluations ont démontré que la grande majorité des entreprises respectent l’équité salariale en Suisse. Mais un respect formel ne garantit pas nécessairement un salaire suisse conforme aux attentes du marché.

15/05/2025 De: Luciano Falco, Roland Stoll
Salaire suisse

Loi sur l’égalité – égalité de rémunération pour un travail de valeur égale

La Loi sur l’égalité ainsi que la Constitution exigent un salaire égal pour un travail de valeur égale. Cela signifie que seuls les exigences du poste, et non la profession ou la fonction concrète, sont déterminants. Si, par exemple, les informaticien·ne·s CFC gagnent davantage sur le marché du travail suisse que les menuisier·ère·s CFC, cela n’est pas pertinent pour l’analyse interne de l’égalité salariale, ces professions étant considérées comme équivalentes. La profession ou la fonction concrète, ainsi que le marché du travail, sont donc en quelque sorte neutralisés.

Salaire égal pour un travail de valeur égale – telle est l’exigence du législateur. Or, c’est une exigence que les entreprises peinent à satisfaire. Pour recruter et fidéliser efficacement, elles doivent proposer un salaire suisse conforme au marché pour toutes les professions/fonctions. La Loi sur l’égalité ignore le marché du travail (offre et demande). Ce déni de la réalité économique constitue une intervention étatique significative dans le marché des talents. Il est difficile pour les entreprises de respecter d’une part l’égalité salariale en Suisse – calculée selon le principe d’équivalence – et d’autre part de verser des salaires adaptés au marché pour leurs divers postes.

Équité salariale et disparités régionales sur le salaire suisse

Un autre facteur de distorsion dans l’analyse de l’égalité salariale réside dans les différences régionales de salaires, bien qu’elles soient parfois intégrées dans des CCT. L’approche actuelle de l’analyse ne les prend pas en compte. Si une entreprise emploie des collaborateurs à Zurich et à Mendrisio, ces derniers devraient, selon la méthodologie actuelle, percevoir un salaire identique pour un travail de valeur équivalente. Ce qui ne reflète pas la réalité du marché.

L’analyse des données du comparatif salarial 2024 de Landolt & Mächler montre que les salaires réels du marché pour des fonctions équivalentes varient entre +16 % et –13 % au sein d’une même région. En tenant compte des différences régionales, cette variation s’étend même de +22 % à –16 % (voir fig. 1).

Cela montre clairement un potentiel d’amélioration dans la manière dont l’égalité salariale en Suisse est définie et mesurée. Respecter l’égalité salariale ne signifie pas automatiquement que l’équité salariale ou la conformité au marché soient assurées dans l’entreprise.

La méthode de calcul utilisée dans l’analyse de l’égalité salariale compare, de manière simplifiée, les salaires moyens des femmes et des hommes pour un travail de valeur équivalente. Mais en comparant les salaires individuels dans des fonctions identiques ou équivalentes, on peut constater d’importants écarts – voire une discrimination salariale – au sein d’une même entreprise. Cela représente un risque en cas de demande de transparence ou de comparaison des salaires entre employés : des actions en justice ou des atteintes à la réputation de l’entreprise ne sont pas à exclure.

Vers une nouvelle approche du salaire suisse : Market Pay Equity

Les modèles de calcul et les critères de vérification de l’équité salariale devraient être définis de manière réaliste. Une orientation possible serait la suivante : des salaires justes et conformes au marché pour tous ! Cela signifie que les salariés, indépendamment de leur sexe, devraient percevoir un salaire suisse conforme au marché pour l’activité ou la fonction exercée – en bref : même salaire de marché pour même travail.

Une telle approche tiendrait mieux compte de notre système de formation (paysage professionnel) et des réalités économiques du marché suisse.

Définir des seuils de tolérance raisonnables

Comparé à la méthode actuelle de calcul de l’égalité salariale en Suisse selon la Loi sur l’égalité, la « Market Pay Equity » nécessiterait la définition de valeurs seuils acceptables pour le Market Pay Gap et le Gender Pay Gap.

Une entreprise respectant ces deux valeurs seuils démontrerait ainsi de manière crédible qu’elle verse un salaire suisse équitable et conforme au marché. Un label « Market Pay Equity » en constituerait la preuve tangible et une valeur ajoutée majeure pour la marque employeur.

Mais quel serait un seuil de tolérance pertinent ? Difficile à dire. Il n’existe aucune valeur précise et scientifiquement prouvée pour définir une tolérance admissible. Une analyse du marché ne peut jamais prendre en compte tous les éléments influant sur le salaire.

Pour corriger ces imprécisions statistiques, un seuil de tolérance de 5 % a été introduit dans l’analyse de l’égalité salariale, aussi bien en Suisse qu’au sein de l’UE. Cela a du sens, car :

  • Le marché du travail est en constante évolution.
  • Les salaires dépendent de l’offre et de la demande.
  • Les performances individuelles varient.
  • Les entreprises sont en concurrence et doivent gérer leurs finances.
  • Des avantages non monétaires existent et sont difficilement quantifiables.

Fortes de plusieurs milliers d’analyses salariales, nous considérons qu’un seuil de 5 % pour le Market Pay Gap et le Gender Pay Gap est également pertinent et réaliste.

Transparence et compétitivité : deux piliers du salaire suisse

La transparence salariale devient de plus en plus importante. Les appels à la publication de fourchettes salariales et à l’affichage des salaires dans les offres d’emploi se multiplient. Les entreprises ont tout intérêt à s’y préparer dès maintenant, à analyser leurs structures salariales et à corriger les inégalités existantes. Cela les rend « prêtes pour demain ».

Si, un jour, la transparence salariale devenait courante – ou même obligatoire, comme l’a décidé l’Union européenne en juin 2023 avec la directive sur la transparence des rémunérations –, les entreprises devraient avoir éliminé toute inégalité injustifiée entre salaires pour des fonctions comparables. Sinon, leur réputation d’employeur équitable en souffrirait, avec un risque de poursuites pour discrimination salariale.

Conclusion

La Loi sur l’égalité actuelle, avec son obligation d’analyse interne de l’égalité salariale pour les entreprises de plus de 100 salarié·e·s, a clairement apporté des améliorations. Mais le potentiel d’optimisation reste élevé.

Avec les modèles de calcul actuels, il est peu probable que les salaires des femmes évoluent significativement. Le marché du travail est occulté.

Il faut développer de nouvelles approches pour prouver une politique salariale équitable, qui prennent davantage en compte la réalité économique suisse et les fonctions concrètes.

De plus, les entreprises de moins de 100 salarié·e·s devraient également pouvoir réaliser une telle analyse.

Le concept présenté ici – « Market Pay Equity » – ouvre une voie d’avenir, porteuse d’avantages pour les employeurs comme pour leurs collaborateur·trice·s.

 

 

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