Paiement des vacances avec le salaire: La forme et le fond

Aides de travail appropriées
Le paiement des vacances avec le salaire est strictement interdit pendant la durée du contrat de travail, que ce soit sous forme d'argent ou d'autres avantages (art. 329d, al. 2 CO). Il existe cependant des exceptions.
Contrat de courte durée ou travail à temps partiel très irrégulier
Le droit aux vacances peut être compensé par le salaire lorsque l’octroi effectif des vacances pose des difficultés en cas d’emplois irréguliers, notamment pour des postes à temps partiel. Le Tribunal fédéral a, dans de tels cas, exceptionnellement admis le paiement des vacances avec le salaire, en dérogation au texte légal. C’est par exemple le cas lorsqu’un étudiant travaille brièvement dans une entreprise afin de financer ses vacances, ou lorsqu’une vendeuse vient ponctuellement en renfort pour quelques heures. L’employeur est alors autorisé à procéder au paiement des vacances avec le salaire.
En revanche, pour les emplois à temps partiel réguliers, les vacances doivent impérativement être accordées sous forme de jours de congé payés. Le seul fait qu’une personne soit engagée sur la base d’un salaire horaire ne suffit pas à justifier un paiement en lieu et place des vacances. Nous vous recommandons donc de ne procéder à un tel paiement qu’en cas de rapports de travail courts ou très irréguliers.
Le droit aux vacances doit être clairement mentionné dans le contrat et faire l’objet d’une indication séparée sur la fiche de salaire. Une simple mention dans le contrat ou sur la fiche de salaire (par ex. : salaire horaire CHF 25.– vacances incluses) ne suffit pas (ATF 116 II 515).
En cas de paiement des vacances avec le salaire de manière continue, il est recommandé d’indiquer dans le contrat de travail et sur la fiche de salaire la part de vacances en pourcentage et en francs. À défaut, il existe un risque que le collaborateur réclame l’intégralité de son droit aux vacances une seconde fois.
Le Tribunal fédéral a admis le paiement des vacances avec le salaire dans les cas d’emplois irréguliers, à condition de respecter deux exigences formelles : d’une part, chaque fiche de salaire écrite doit indiquer explicitement la part salariale correspondant aux vacances ; d’autre part, cette part doit aussi être consignée par écrit dans le contrat de travail, si un tel contrat existe. De telles conventions de compensation sont notamment admises en cas d’horaire très irrégulier pour des collaborateurs à temps partiel, pour les travailleurs temporaires, ainsi que pour les personnes travaillant simultanément pour plusieurs employeurs. Une déclaration insuffisante du droit aux vacances dans la fiche de salaire entraîne généralement l’obligation d’indemniser (à nouveau) les vacances. L’employeur doit donc verser une nouvelle fois le paiement des vacances avec le salaire, afin que l’indemnité vacances soit effectivement disponible pour les congés, et que les tribunaux puissent vérifier si la part convenue permet bien la poursuite du versement du salaire pendant les vacances. Arrêts du Tribunal fédéral à ce sujet : ATF 116 II 515, 129 III 493, 4A_72/2015 (Skyguide).
En matière de paiement du droit aux vacances, deux options sont possibles :
- L’indemnité de vacances est versée de manière continue avec le salaire ;
- L’indemnité de vacances est versée au moment où le travailleur prend effectivement ses vacances.
Le Tribunal fédéral a jugé par le passé que les conventions prévoyant un versement différé de l’indemnité de vacances (non versée lors de la prise effective des congés) ne sont pas admissibles. Cela s’explique par le risque que le travailleur, ayant utilisé par avance son indemnité de vacances, ne dispose plus des moyens nécessaires pour prendre effectivement ses congés. Dans ce cas, la finalité des vacances – à savoir la récupération – n’est plus garantie.
Dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a néanmoins admis le paiement des vacances avec le salaire de manière continue, lorsque le calcul de la part de salaire correspondant aux vacances, et son versement au moment précis de la prise de congé, s’avèrent impossibles. Exemple : ATF 4C.90/2003.
Paiement des vacances avec le salaire au moment de la prise effective des congés – une solution pragmatique :
En cas d’activité à temps partiel irrégulière, l’employeur peut créditer chaque mois sur un compte vacances la part correspondante (par exemple 8,33 %). Lorsque le collaborateur prend ses congés, le salaire afférent aux vacances est calculé en fonction du droit proportionnel (par exemple 15 jours pour 9 mois). Pour chaque jour de congé effectivement pris, un montant journalier est versé, correspondant au solde du compte vacances, et déduit de celui-ci.
Et dans tous les cas : même si le paiement des vacances avec le salaire est effectué de manière continue, il convient d’offrir aux collaborateurs engagés sur une plus longue durée la possibilité de prendre des jours de vacances (sans salaire).
Paiement des vacances avec le salaire et fin des rapports de travail
Lorsque le nombre de jours de vacances restant à prendre dépasse le nombre de jours de travail jusqu’au départ d’un collaborateur, ou lorsque d’autres intérêts importants – de l’une ou l’autre des parties – le justifient, les jours de vacances peuvent, lors de la fin du contrat, être compensés par le versement d’un salaire.
Par exemple, une vendeuse qui doit impérativement travailler durant la période de préavis pendant les fêtes de Noël, en raison de l’absence pour maladie d’une collègue, peut recevoir le paiement des vacances avec le salaire. Dans la pratique, les vacances sont très souvent payées lors du départ, même en l’absence de motif important.
Cependant, le principe demeure que les vacances doivent être prises en nature. Si un collaborateur souhaite prendre ses jours de vacances restants à la fin des rapports de travail, l’employeur ne peut s’y opposer que pour des motifs organisationnels valables. À défaut, le collaborateur est même en droit de prendre ses vacances de manière unilatérale. À ce sujet, voir au chapitre « Résiliation immédiate du contrat » la section sur la prise unilatérale de vacances.
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Droit aux vacances dépassant le minimum légal
De nombreuses entreprises accordent plus de jours de vacances que ce que prévoit l’art. 329a CO. Certaines estiment alors que le paiement des vacances avec le salaire est autorisé lorsque ces jours supplémentaires ne sont pas pris. Cette pratique se heurte toutefois probablement à l’art. 329d, al. 2 CO. À ce jour, il n’existe cependant aucun arrêt de justice à ce sujet.
FAQ pratique
L’employeur peut-il procéder au paiement des vacances avec le salaire, d’un commun accord pendant la durée du contrat ?
Dans certaines situations particulières – par exemple lorsqu’un important solde de vacances s’est accumulé et que le collaborateur donne son accord explicite – un tel paiement est possible. Il faut toutefois consigner par écrit que le collaborateur accepte expressément le paiement, qu’il renonce à toute réclamation ultérieure et qu’une telle demande serait abusive. Il est toutefois déconseillé de verser l’intégralité du solde. Une partie des vacances doit toujours pouvoir être prise en nature.
Un accord écrit explicite doit être conclu, précisant le consentement du collaborateur, sa renonciation à toute revendication ultérieure ainsi que la mention du caractère abusif d’une telle demande. Cette règle s’applique aussi bien aux droits de vacances légaux qu’aux droits supplémentaires accordés contractuellement.
Droit aux vacances dépassant le minimum légal
Il reste incertain si les jours de vacances qui excèdent le droit minimal – soit cinq semaines jusqu’à l’âge de 20 ans, respectivement quatre semaines dans les autres cas (art. 329a, al. 1 CO) – sont couverts par les dispositions de protection prévues aux art. 329b à 329d CO.
À notre avis¹, ces droits supplémentaires ne sont en tout cas pas soumis à l’interdiction de compensation, et peuvent donc faire l’objet d’un paiement des vacances avec le salaire avec le consentement du collaborateur. Il s’agit en effet d’une prestation volontaire supplémentaire de l’employeur, qui pourrait tout aussi bien être accordée dès le départ sous forme monétaire. La protection du droit à des congés pris en nature, et donc du but de récupération, a été fixée pour les vacances légales. Il conviendrait d’en juger autrement uniquement si les droits à des vacances étendus résultent d’une convention collective de travail (CCT) prévoyant des règles de protection supplémentaires.
L’interdiction de compensation s’applique-t-elle après la résiliation ?
Selon la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral, l’interdiction de compensation reste valable jusqu’à la fin du contrat. Autrement dit, même après la résiliation, les vacances doivent être prises en nature dans la mesure du possible. Ce n’est que si le travailleur peut prouver qu’il ne peut pas prendre ses vacances en raison de sa recherche d’emploi qu’un paiement des vacances avec le salaire est envisageable. Inversement, l’employeur a l’obligation de permettre la prise des vacances durant le délai de congé. Il ne peut la refuser que s’il peut démontrer une pénurie absolue de personnel ou si le collaborateur doit impérativement terminer une tâche qu’il est seul à pouvoir exécuter.
Même en cas de libération de l’obligation de travailler, les vacances doivent être prises, si possible, pendant le délai de résiliation, que cela ait été expressément ordonné ou non par l’employeur. Dans un tel cas, il n’y a pas lieu d’appliquer un délai de trois mois pour l’assignation unilatérale des vacances. Les vacances peuvent également être prises à domicile.
Que signifie le principe : prise des vacances en nature avec maintien du salaire ?
L’employeur doit verser au collaborateur, pendant les vacances, l’intégralité du salaire afférent, ainsi qu’une indemnité appropriée pour toute perte de rémunération en nature (art. 329d, al. 1 CO). Selon la jurisprudence et la doctrine, cela signifie que les collaborateurs ne doivent subir aucun désavantage économique durant leurs vacances, par rapport à une période travaillée. L’objectif est de garantir qu’ils puissent profiter de leurs congés sans soucis financiers¹. L’art. 329d, al. 1 CO est relativement impératif ; il ne peut être modifié au détriment du collaborateur (art. 362, al. 1 CO).
Selon l’art. 329d, al. 2 CO, les vacances ne peuvent pas être remplacées par une prestation en espèces ou par d’autres avantages pendant la durée du contrat de travail. Conformément à l’art. 361 CO, l’interdiction de compensation est absolument impérative. Si l’employeur enfreint cette disposition, il est tenu, à la fin du contrat, de verser à nouveau le paiement des vacances avec le salaire. Des explications complémentaires figurent sous la section « Interdiction de compensation ».
Cas particulier : solde de vacances en cas de libération de l’obligation de travailler
Situation de fait
Le collaborateur travaillait depuis 1992 comme concierge dans une résidence pour personnes âgées. Le délai de congé de six mois courait jusqu’au 31 juillet 1998. À compter du 1er mars 1998, il a été libéré de l’obligation de travailler. Il a commencé un nouvel emploi le 1er juillet 1998.
Selon le jugement attaqué du tribunal cantonal supérieur, le demandeur doit se voir imputer 40 jours de vacances comme ayant été compensés par les jours de congé dont il a pu disposer durant la libération, de sorte qu’aucun droit à indemnité ne lui revient à ce titre. Le tribunal se fonde à cet égard sur la jurisprudence, selon laquelle un solde de vacances peut être réputé épuisé par compensation, même sans instruction explicite de l’employeur de prendre les jours de vacances restants pendant la période de libération, dès lors que la durée de celle-ci dépasse largement le solde de vacances. Il n’y a alors pas lieu à paiement des vacances avec le salaire.
Cette position est confirmée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 février 2002 : « De la comparaison entre la réglementation légale relative aux vacances, d’une part, et la nature juridique de la libération de l’obligation de travailler, d’autre part, ainsi que par analogie avec le cas d’un licenciement avec effet immédiat, il ressort que, même pendant la période de libération, c’est le principe de l’interdiction de compensation qui prime. Le collaborateur reste tenu à son devoir de fidélité et doit, dans la mesure du possible, prendre les jours de vacances auxquels il a droit, sans qu’une instruction explicite de l’employeur soit nécessaire. La recherche d’un nouvel emploi demeure cependant prioritaire. Aucun principe général ne peut être dégagé quant à la durée ; la doctrine formule d’ailleurs de manière générale que le paiement des vacances avec le salaire n’entre pas en ligne de compte lorsque la durée de la libération excède largement le solde de jours de vacances [...]. »
En tout cas, il ne convient pas de s’appuyer sur la règle issue de la jurisprudence relative au licenciement immédiat, selon laquelle une compensation n’est envisageable qu’à partir d’une libération d’au moins deux à trois mois. Ce qui est déterminant, c’est le rapport entre la durée de la libération et le nombre de jours de vacances restants dans chaque cas concret. » (c. 4a cc))
ATF 128 III 271 du 12 février 2002
Paiement des vacances avec le salaire : conseils et recommandations pratiques
1. En cas de libération de l’obligation de travailler, toujours vérifier le rapport entre les jours de vacances restants et la durée de la libération
2. Si la durée permet une compensation suffisante, aucun paiement des vacances avec le salaire n’est nécessaire
3. Documenter que la prise de vacances était possible pendant la période de libération