Contrat de mandat: Différence entre mandat et rapports de travail

La différence entre relation de travail et contrat de mandat pose de plus en plus de problèmes pratiques en raison des nouvelles formes de travail et de coopération actuelles. Parallèlement, le droit exige une attribution claire à l'une des deux catégories. Cet article passe en revue les critères de distinction classiques.

09/07/2025 De: Christina Winter
Contrat-de-mandat

L'évolution du monde du travail et ses conséquences

Les nouvelles formes de travail et de collaboration rendent les frontières entre les relations de travail et les relations de mandat de plus en plus floues. En effet, de plus en plus de personnes travaillent en tant que freelance ou indépendant, proposent leurs prestations de travail via des plateformes, travaillent en tant que «crowdworker» ou nomade numérique. Cette évolution est liée à des phénomènes tels que la flexibilisation croissante du lieu et du temps de travail, les tendances à l'auto-organisation des travailleurs ainsi que le recours croissant aux offres de travail sur plateforme.1

Flexibilité locale et temporelle oblige, il est par exemple devenu courant que les parties contractantes d'une relation de travail ne se trouvent souvent plus au même endroit ou dans le même fuseau horaire pendant le travail. Cela limite, en conséquence, fortement les possibilités de contrôle de l'employeur ou l'accès de l'employeur au travailleur.

Force est de constater que ces phénomènes, et d'autres similaires, modifient durablement les formes des relations de collaboration - nous évitons ici délibérément le terme technique de « relation de travail » -, car elles s'écartent de plus en plus souvent et de diverses manières du contrat de travail classique. Isabelle Wildhaber et Frédéric Barth qualifient ces évolutions, non sans raison, de « changements structurels dans la relation de travail »,2 qui, de mon point de vue, sont devenues irréversibles et laisseront des traces durables, même si certaines entreprises connues ne cessent de se mettre en avant sur la scène médiatique en se montrant critiques vis-à-vis du télétravail.

L'actuelle et future gageure consiste à distinguer une relation de travail d'un contrat de mandat, car le droit exigeait jusqu'à présent une attribution claire. Cela place les employeurs et les employés dans des situations de plus en plus délicates, tant il est vrai que les réalités vécues correspondent de moins en moins à une qualification juridique bien tranchée. A cela s'ajoute que le droit civil et le droit des assurances sociales ne s'accordent pas toujours sur la qualification en question : ce qui est qualifié de rapport de mandat du point de vue du droit civil peut néanmoins constituer un rapport de travail selon le droit des assurances sociales, lequel préconise une protection sociale élevée en vue de protéger la partie la plus faible.

Pour toutes ces raisons, il convient d'exposer ci-après en quoi ces deux relations juridiques diffèrent.

Contrat de mandat et contrat de travail: critères de distinction

Une relation de travail est un contrat de durée déterminée ou indéterminée dans lequel l'une des parties est tenue de fournir un travail et l'autre de le rémunérer.3 Cela ne distingue pas nécessairement la relation de travail du contrat de mandat, car ce dernier consiste également en un échange de travail contre de l'argent. C'est pourquoi, historiquement, l'importance particulière accordée à la subordination est devenue l'une des caractéristiques conceptuelles les plus essentielles d'une relation de travail lorsqu'il s'agit de la distinguer des autres relations contractuelles, en particulier du contrat de mandat.4

La subordination, au sens juridique du terme, signifie que le travailleur s'intègre dans une organisation de travail qui n'est pas la sienne et que l'employeur est naturellement habilité à lui donner des instructions.5 Pour en juger, la pratique juridique a mis en évidence différents indices pouvant fréquemment être utilisés pour évaluer le degré de subordination en question et servir ainsi d'indices pointant soit en faveur d'un mandat, soit en faveur d'un rapport de travail.

Droits et obligations spécifiques au contrat de travail

Lorsque les parties conviennent de droits et d'obligations dans le cadre d'un contrat de travail, comme par exemple l'octroi de jours de vacances, le maintien du salaire en cas de maladie, une clause de non-concurrence post-contractuelle ou le remboursement des frais, la balance, dans le cadre d’une telle relation contractuelle, penchera plutôt du côté d’un rapport de travail.6 

Indépendance et dépendance financière

Le degré de dépendance financière est souvent utilisé pour distinguer la relation de mandat de la relation de travail. Lorsqu'une personne ne perçoit que des paiements en espèces de la part d'une entreprise et qu'elle ne dispose d'aucune autre source de revenus, elle est entièrement dépendante financièrement de ce cocontractant, de sorte que l'on peut plutôt considérer qu'elle est soumise à des instructions ou à un lien de subordination vis-à-vis de ce cocontractant.

Ce critère de distinction peut toutefois être relativisé lorsqu'il existe plusieurs contrats de travail à temps partiel. Cela montre qu'un travailleur peut également disposer de plusieurs sources de revenus et qu'il s'agit néanmoins d'une relation de travail.7

Néanmoins, un degré élevé de dépendance financière vis-à-vis d'une seule source de revenus penche plutôt en direction d'une relation de travail que d'une relation de mandat.

Supporter le risque d'entreprise ou d'exploitation

Traditionnellement, ce qui distingue le travailleur de l'entrepreneur, c'est que le travailleur n'a pas à supporter le risque entrepreneurial. Ce critère est d'une importance capitale, du moins pour les assurances sociales. Ce critère est toutefois de plus en plus mis sur la sellette dans le contexte du droit civil, où le risque d'entreprise est volontiers transféré aux travailleurs, par exemple par le biais d'une formation créative des salaires ou de l'utilisation de plateformes, et perd donc également de son univocité.8

Organisation autonome du lieu et du moment de l'exécution

Le travailleur ne peut pas décider lui-même du lieu et de l'heure de la prestation de travail étant donné qu’il demeure astreint à suivre les instructions de son employeur. L'employeur détermine quand et d'où le travailleur doit remplir ses obligations. En revanche, un mandataire peut disposer librement de l'organisation effective du travail, le moment et le lieu d'exécution de la prestation de travail étant laissés à sa discrétion.

Cet aspect joue pourtant un rôle de moins en moins important.9 A l'heure de l'auto-organisation, des stations de travail, du télétravail et du travail mobile, l'employé peut lui aussi décider de plus en plus souvent du lieu et de l'heure de sa prestation de travail - mais uniquement si l'employeur lui accorde ces libertés. C'est là que réside la principale différence : dans le cadre d'une relation de travail, l'accord de l'employeur est nécessaire et il n'existe aucun droit légal au télétravail. Dans le cadre d'une relation de travail, le travailleur est donc tributaire de l'accord de l'employeur, ce qui n'est généralement pas le cas pour un mandataire.

Image (branding, site web, adresse e-mail, adresse)

L’un des critères de distinction les plus fréquents porte sur l'image de la personne concernée. Il s'agit de savoir si une personne se présente à l'extérieur sous son propre nom ou sous le label d'une organisation étrangère. Cela peut concerner par exemple le site web, la présentation de l'adresse e-mail,10 l'adresse professionnelle, la présence sur LinkedIn ou les cartes de visite.11 Si un contractant n'agit pas sous son nom personnel, mais en tant que directeur ou propriétaire d'une personne morale extérieure, il est dès lors plus facile de garantir une image extérieure crédible et indépendante.

Il s'agit certainement d'une caractéristique distinctive centrale, qui est observée de près, notamment par les partenaires sociaux, lors de l'évaluation et de la classification d'une relation de mandat. Par conséquent, s'il s'agit d'une relation de mandat et non d'une relation de travail, il vaut la peine d'investir dans une image extérieure crédible et bien pensée en tant qu'acteur indépendant.

La manière dont un contrat est désigné n'est pas pertinente pour sa qualification. En effet, selon l'art. 18 al. 1 CO, seule la réalité vécue est déterminante, et celle-ci doit être évaluée dans son ensemble en tenant compte des différents indices mentionnés ci-dessus. Ce n'est qu'en ayant une bonne vue d'ensemble que l'on peut juger s'il s'agit plutôt d'un contrat de travail ou d'un contrat de mandat.

Aperçu

Il s'avère que la différence entre contrat de mandat et rapport de travail est de plus en plus ardue à opérer, compte tenu de l’actuelle évolution du monde du travail. Il faut prendre en compte toujours plus de facteurs pour pouvoir encore procéder à une classification. La question se pose donc de savoir si cette distinction est encore d'actualité.12

Il serait également envisageable d'améliorer la couverture sociale pour d'autres formes de contrats, afin de ne plus devoir s'en tenir strictement à la distinction entre relation de travail et relation de mandat.13 Nous assisterons vraisemblablement à une dégradation croissante de la protection sociale en raison de l'évolution des rapports de collaboration, de la progression de la technologie et des développements internationaux. Il vaut donc la peine de réfléchir de manière préventive à la direction dans laquelle la Suisse souhaite se développer avant d'être rattrapée par la réalité.

BON A SAVOIR

  • Dans les nouvelles formes de travail comme le freelancing, il est souvent difficile de faire la différence entre contrat de mandat et relation de travail.
  • On reconnaît un rapport de travail au fait que le travailleur doit suivre les instructions de l'employeur. Mais dans le cas des nouvelles formes de travail, ce n'est pas toujours clair.
  • Une présence professionnelle propre, par exemple par le biais d'un propre site web, indique plutôt un rapport de mandat.


NOTES INFRAPAGINALES

1 Barth/Wildhaber, Was ist ein Arbeitsvertrag? – Abgrenzung des Einzelarbeitsverhältnisses von anderen Dienstleistungsverträgen in der Arbeitswelt 4.0, in: ARV 2022, p. 127 ss.
2 Barth/Wildhaber (FN 1) p. 128.
3 Art. 319 Abs. 1 OR.; Streiff/von Kaenel, Arbeitsvertrag, 319 N 2.
4 Cf. Barth/Wildhaber (FN 1) S. 130 ff.
5 TF 4A_64/2020 v. 6.8.2020, consid. 6.1 ss; Gersbach/Gross, OR 319, in: Etter/Facincani/Sutter (Hrsg.), Arbeitsvertrag, Stämpflis Handkommentar SHK, Bern 2021, N 6.
6 Gersbach/Gross (FN 5) N 7.
7 Cf. TF 4A_64/2020 du 6 août 2020, consid. 6.3.6.
8 Barth/Wildhaber (FN 1) p. 142.
9 M. Barth/Wildhaber (FN 1) p. 138 ss.
10 TF 4A_404/2009 du 22 octobre 2009, consid. 4.
11 TF 4A_404/2009 (FN 10).
12 Cf. Barth/Wildhaber (FN 1) p. 143–144.
13 Barth/Wildhaber (FN 1) p. 143–144.

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