Incapacité de travailler: Liée au poste de travail

En matière d’incapacité de travailler, celle liée au poste de travail, c'est-à-dire le cas dans lequel un travailleur n'est pas en mesure de travailler spécifiquement au poste qu’il occupe dans son entreprise, préoccupe de plus en plus souvent les responsables du personnel. A quoi faut-il faire attention dans de tels cas?

03/07/2025 De: Andrin Hofstetter
Incapacité de travailler

Définition

En matière d’incapacité de travailler, on parle de plus en plus souvent de celle liée au poste de travail. Le cas peut se résumer comme suit: un travailleur n'est empêché de travailler qu’au poste qu’il occupe, il pourrait travailler à un autre poste et il n'est pas ou peu limité dans l'organisation de sa vie privée (loisirs, hobbies, vacances, mobilité, etc).

Dans la pratique

Dans la pratique, de tels cas de figure se présentent généralement lorsqu'un travailleur est confronté à un stress psychique sur le lieu de travail. L'incapacité de travailler est par exemple due à un conflit, à une situation de mobbing ou encore à certaines exigences en matière de performance. On observe également de plus en plus souvent que certains travailleurs se mettent en congé de maladie pour raisons psychiques peu après l'annonce d'une menace de licenciement ou immédiatement après un licenciement déjà prononcé. Dans ces derniers cas en particulier, les employeurs doutent souvent de l'incapacité de travail soudainement alléguée et attestée par un certificat médical.

L'employeur attribue un autre poste de travail

En vertu du droit de donner des instructions prévu à l'article 321d CO et du devoir de fidélité du travailleur, l’employeur doit examiner la possibilité d’affecter le travailleur inapte à un autre poste au sein de l'entreprise. Si le fait d’affecter unilatéralement le travailleur concerné à un autre poste, de lui confier d’autres tâches et de l’immerger dans un environnement de travail différent semble être une bonne solution, encore faut-il que le travailleur soir raisonnablement en mesure de l’accepter et que la solution en question ne soit que temporaire. Si une telle mesure avait par exemple pour effet d'empêcher son rétablissement, elle ne serait évidemment pas raisonnablement exigible. L'examen d'une telle mesure unilatérale présuppose toutefois déjà que l’on ait la certitude que le travailleur concerné est uniquement en incapacité de travail au poste qu’il occupe présentement. Or, sans certificat médical limitant l'incapacité de travail à ce seul poste, cette certitude est rarement acquise. Si le travailleur se voit néanmoins attribuer un autre poste et qu'il refuse de suivre les instructions de son employeur, les conséquences juridiques de ce refus dépendent du fait qu'il soit justifié ou non. S'il est constaté ultérieurement que le travailleur n'était pas seulement en incapacité de travail pour le poste en question, le fait qu’il n’ait pas suivi les instructions de son employeur ne le mettra nullement sur la sellette. Un tel refus ne lui serait préjudiciable que si l'employeur parvenait effectivement à prouver que l'incapacité de travail du travailleur ne concernait que son poste de travail. En ce cas, le refus du travailleur ne serait pas justifié et le travailleur perdrait alors son droit au salaire pour la durée concernée. Le cas échéant, l'employeur pourrait même faire valoir une demande de dommages et intérêts.

Remarque importante: en principe, deux questions essentielles se posent à l'employeur en cas d'incapacité de travail liée au poste de travail: l'une concerne le droit au maintien du salaire, l'autre la question de savoir si le contrat de travail peut être valablement résilié lorsqu’un travailleur est en incapacité de travail « uniquement » liée à un poste de travail donné.

Incapacité de travailler et maintien du salaire

Si le travailleur est en incapacité de travailler sans faute de sa part, par exemple pour cause de maladie, et si les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois, il a droit, aux conditions de l'art. 324a CO, au maintien de son salaire à 100% pour une durée limitée (selon des échelles variant d'un canton à l'autre). Il y a empêchement de travailler au sens de cette disposition lorsque le travailleur n'est pas en mesure d'exercer son obligation contractuelle de travailler (ou que cela ne peut plus être exigé de lui).

Si un travailleur ne peut plus exercer son travail au sens précité, il a droit au maintien de son salaire, ce qui vaut bien entendu aussi lorsqu'il n'est pas ou peu limité dans ses autres activités (comme dans l'organisation de ses loisirs, ses hobbies, ses vacances, sa mobilité), l'empêchement de travailler se limitant donc uniquement au poste de travail qu’il occupe.

L'employeur doit donc continuer de verser le salaire au travailleur même en cas d'incapacité de travailler liée au poste de travail. En fonction de l'année de service du travailleur et de l'échelle applicable, l’obligations de verser le salaire peut être plus ou moins longue. Pour minimiser les risques, les employeurs concluent souvent des assurances d'indemnités journalières en cas de maladie qui prennent en charge le versement du salaire à l'expiration d'un délai d'attente. Les assurances d'indemnités journalières en cas de maladie tenues de verser des prestations peuvent consulter les rapports médicaux fournis par le travailleur et l'assuré et/ou, en cas de doute sur l'incapacité de travail (liée au poste de travail), peuvent très souvent demander des clarifications supplémentaires à leurs médecins-conseils. Sur la base de ces clarifications, les assurances d'indemnités journalières en cas de maladie peuvent, le cas échéant, arriver à la conclusion que l'incapacité de travail est purement liée au poste de travail (ce qui est notamment le cas lorsque le travailleur concerné est mis en congé maladie par le médecin-conseil et que ce dernier mentionne expressément que l’incapacité en question ne concerne que le poste qu’il occupe). Dans un tel cas et en s'appuyant sur l'obligation d'un assuré de réduire le dommage, les assurances d'indemnités journalières en cas de maladie fixent régulièrement au travailleur un délai dans lequel on attend de lui qu'il accepte un autre poste (ou une autre tâche dans un autre environnement au sein de l'entreprise), en le menaçant de suspendre les prestations de l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie si ce délai n'est pas mis à profit.

Protection contre les congés/ Périodes de protection

Après le temps d’essai, l’employeur ne peut pas résilier le contrat pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d’une maladie ou d’un accident non imputables à la faute du travailleur et cela, durant 30 jours au cours de la première année de service, durant 90 jours de la deuxième à la cinquième année de service et durant 180 jours à partir de la sixième année de service (art. 336c, al. 1, let. b CO). Le congé donné pendant l’une des périodes de protection prévues par la loi est nul; si le congé a été donné avant l’une de ces périodes et si le délai de congé n’a pas expiré avant cette période, ce délai est suspendu et ne continue à courir qu’après la fin de la période (art. 336c, al. 2 CO).

Remarque importante: le but des périodes de protection est de protéger les travailleurs en incapacité de travail contre un licenciement, ceux-ci ayant dès lors moins de chances de trouver un nouvel emploi sur le marché du travail en raison de leur maladie.

Auparavant, une incapacité de travailler liée au poste de travail déclenchait également une période de protection et le travailleur était protégé contre tout licenciement pendant la durée de la période de protection déterminante. Des représentants renommés de la doctrine et quelques jugements récents rendus par différentes instances cantonales nient désormais le fait qu'une période de protection commence à courir en cas d'incapacité de travail purement liée au poste de travail. Ils justifient leur position en se référant au but de la disposition: le travailleur qui n'est pas en mesure de travailler à un poste donné n'est pas limité dans la recherche d'un nouvel emploi et n'a pas moins de chances de l'obtenir. Si, malgré une incapacité de travail liée au poste de travail, le travailleur n'est clairement pas affecté en cela, la période de protection ne doit dès lors pas être prise en compte.

En résulte qu’un employeur peut valablement licencier tout travailleur en incapacité de travail liée au poste de travail. Un délai de congé déjà en cours ne peut pas non plus être interrompu par la survenance d'une incapacité de travail liée au poste de travail.

Il convient toutefois d'attirer immédiatement l'attention sur le fait que les quelques décisions cantonales ayant refusé de tenir compte des périodes de protection se fondaient sur des cas d’espèce particuliers. De l’avis de l’auteur, les périodes de protection ne devraient pas être appliquées lorsqu'il est médicalement établi que l'incapacité de travail est purement liée à un poste de travail en particulier, c'est-à-dire lorsque le travailleur pourrait parfaitement travailler à tout autre poste. En outre, la protection offerte en la matière doit être refusée dans les cas où le travailleur lui-même, de par son comportement effectif, contredit l’incapacité de travail attestée par un certificat médical. Ce sont précisément ces cas de figure qui ont été à l'origine des décisions refusant (à juste titre) de tenir compte des périodes de protection. Dans ces cas, le travailleur n'a pas besoin d'une période de protection, car il n'est pas limité, dans sa recherche d'un nouvel emploi, par son incapacité de travail liée uniquement à son poste de travail. Toutefois, les cas dans lesquels les périodes de protection s'appliquent sans restriction sont et resteront beaucoup plus fréquents. Cela paraît correct, car dans la grande majorité des cas, une maladie psychique effectivement diagnostiquée ne prive pas uniquement les gens de leur capacité de travail à un poste donné, elle les limite et les entrave aussi très souvent dans l’organisation de leur vie future.

Fardeau de la preuve

La preuve de l'empêchement de travailler pour cause de maladie incombe au travailleur, selon l'art. 8 CC, et est le plus souvent apportée par un certificat médical. En règle générale, les tribunaux se basent sur le certificat médical fourni par le travailleur («preuve par présomption»), tant que des doutes fondés ne sont pas éveillés quant à son exactitude. Si un employeur éveille des doutes fondés quant à l'exactitude du certificat médical, le tribunal ne peut plus se baser sans autre sur le certificat médical fourni. Un certificat médical n'a pas de valeur probante absolue et le juge ne peut et ne doit pas s'appuyer sur celui-ci s'il existe des doutes fondés. Dans ce cas, il incombe (toujours) au travailleur d'apporter la preuve de son empêchement de travailler d'une autre manière, ce qui pourra s’avérer très difficile s'il ne dispose pas d'autres moyens de preuve lui permettant de prouver son incapacité de travail.

Remarque importante: en cas d'incapacité de travailler liée au poste de travail, il est courant que le travailleur ne soit pas limité dans l'organisation de ses loisirs privés, qu'il fasse du sport, qu'il s'aère. Cela fait d’ailleurs très souvent partie de la thérapie proposée en cas de maladie psychique.

Bien entendu, un employeur peut, sans disposer d'éléments concrets susceptibles d'éveiller des doutes fondés quant à l'exactitude d’une incapacité de travail attestée par un certificat médical, adopter le point de vue selon lequel il n'y a pas d'incapacité de travail du tout ou, si tant est qu'il y en ait une, qu'elle est uniquement liée au poste de travail. Dans ce cas, c'est à lui d'en apporter la preuve. En d'autres termes, le certificat médical attestant de l'incapacité de travail du travailleur doit être réfuté et il doit être prouvé que le travailleur n'est pas en incapacité de travail ou qu'il l'est uniquement à son poste de travail. En règle générale, cette preuve n'est pas facile à apporter, d'autant plus que l'employeur ou l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ne disposent généralement que de l'examen du médecin-conseil pour réfuter le certificat médical établi. Si l'examen du médecin-conseil n’atteste pas l'incapacité de travail du travailleur ou qu’il établit uniquement une incapacité de travail liée au poste de travail, le tribunal devra donc décider, dans le cadre de l'appréciation des preuves, lequel des deux certificats médicaux a le plus de valeur probante, voire exiger une autre expertise médicale. L'issue de cette procédure est donc souvent incertaine. Les loisirs privés du travailleur ne constituent pas un indice suffisant en la matière. En cas d'incapacité de travail liée au poste de travail, il est au demeurant assez courant que le travailleur ne soit pas limité dans l'organisation de ses loisirs privés: la pratique d’un sport ou de la randonnée font très souvent partie de la thérapie en cas de maladie psychique.

Dans les cas où le certificat médical délivré à un travailleur ne se voit pas opposer un certificat d’un médecin-conseil attestant d'une capacité de travail illimitée ou seulement d'une incapacité de travail liée au poste de travail, il est peu probable qu'une preuve puisse être apportée en la matière. Le licenciement prononcé par l'employeur sera donc considéré comme nul ou, si le licenciement a déjà été prononcé avant le commencement de la période de protection, sera suspendu.

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