Le certificat médical: Une preuve absolue de l'incapacité?

Lorsqu’un employeur doute de la réalité d’une incapacité de travail, en particulier en lien avec le certificat médical en Suisse, la marche à suivre est souvent floue. Cet article apporte des réponses juridiquement sûres aux questions les plus fréquentes dans la pratique.

11/08/2025 De: Ralph Büchel, Thomas Wachter
Le certificat médical

Le certificat médical en Suisse

En droit du travail suisse, le certificat médical occupe une place centrale, notamment pour la poursuite du paiement du salaire en cas de maladie. Il atteste l’incapacité de travail et revêt une importance égale pour l’employeur et pour le travailleur.

Conditions du maintien du salaire

Selon le Code des obligations (art. 324a et 324b CO), le droit au maintien du salaire ne naît que si l’empêchement de travailler :

  • tient à la personne du salarié ;
  • survient sans faute de sa part ;
  • et que le contrat a duré plus de trois mois ou a été conclu pour plus de trois mois.

La première condition implique que le motif d’absence soit inhérent à la personne du salarié. Le maintien du salaire s’applique donc en cas :

  • de maladie, y compris absences liées à une grossesse attestée par un médecin ;
  • d’accident ;
  • d’accomplissement d’obligations légales (service militaire, service civil, service de sapeurs-pompiers, etc.) ou de devoirs de prise en charge ;
  • de raisons personnelles (consultation médicale, déménagement, mariage, soins temporaires à un proche malade, etc.).

En revanche, aucune obligation de maintenir le salaire ne s’applique pour des absences dues à des causes extérieures, comme des catastrophes naturelles, interdictions de vol, ruptures de trafic, embouteillages, fermetures de route, avalanches, fortes chutes de neige ou quarantaines/pandémies. Dans ces cas, la cause de l’empêchement n’est pas personnelle au salarié.

Pour la maternité et la paternité, la règle diffère : l’assurance maternité ou paternité remplace le maintien du salaire à charge de l’employeur.

La deuxième condition est que l’absence soit non fautive :

  • Sont considérés comme non fautifs les accidents de la circulation, les accidents sportifs, par exemple lors de la pratique du ski, de l’alpinisme, de la plongée, de l’équitation ou du deltaplane, les séjours en cure prescrits, les interruptions de grossesse, etc.
  • Sont en revanche considérées comme absences fautives celles résultant de comportements téméraires, comme la conduite en état d’ivresse, les sports à risque tels que les courses de motocross, les randonnées à ski malgré un grand danger d’avalanches, ou les ascensions en montagne malgré la menace imminente d’une tempête.
  • La situation est incertaine en ce qui concerne les maladies de dépendance, comme l’alcoolisme, la toxicomanie ou la dépendance à la nicotine. En règle générale, il existe une obligation de maintien du salaire pendant les périodes de traitement d’une maladie de dépendance. Sont en revanche clairement considérées comme des absences fautives celles qui sont, par exemple, dues à une nuit entière de festivités durant le carnaval. Dans ce cas, il n’existe aucune obligation de maintenir le salaire.

La jurisprudence n’impose pas d’exigences particulièrement strictes quant à l’absence de faute du salarié en cas de maladie. En présence d’une maladie, il faut d’abord partir du principe de l’absence de faute, indépendamment de la cause. Un congé de repos prescrit par un médecin est en règle générale considéré comme une absence pour cause de maladie.

La troisième condition est que la relation de travail ait duré plus de trois mois ou ait été conclue pour plus de trois mois.

Le certificat médical

Les travailleurs doivent annoncer immédiatement au(x) employeur(s) toute incapacité de travail. Le travailleur a la charge de la preuve pour l’empêchement de travailler et doit, sur demande, fournir le certificat médical. Il n’existe pas de règle générale contraignante indiquant à partir de quel jour de maladie un certificat médical doit être exigé. Il paraît toutefois judicieux d’en demander un à partir du troisième jour de maladie.

Conseil pratique : réglez dans votre entreprise la question du moment à partir duquel le certificat médical doit être fourni. En règle générale, un certificat médical est exigé « au plus tard à partir du troisième jour ouvrable ». Vous avez toutefois le droit d’exiger un certificat même pour des incapacités de travail plus courtes.

Il arrive régulièrement que des employeurs se méfient d’un certificat médical. La prudence est particulièrement de mise pour les certificats établis a posteriori. Les certificats qui se fondent uniquement sur les déclarations du patient, sans constatations objectives propres du médecin, ou qui ont été établis seulement plusieurs mois plus tard, ont à peine de valeur probante. C’est ce qu’a retenu le Tribunal cantonal du canton de Saint-Gall dans un jugement (10.9.2004).

L’Association suisse de médecine d’assurance (Swiss Insurance Medicine [SIM]) a publié pour les médecins la « Ligne directrice pour l’évaluation de l’incapacité de travail en cas d’accident et de maladie ».

Les points essentiels de la ligne directrice

Le trouble de la santé doit atteindre la valeur de maladie, c’est-à-dire qu’il doit entraîner un traitement et/ou une incapacité de travail partielle ou totale. Pour les facteurs suivants, il n’y a pas atteinte à la valeur de maladie ; une absence du poste de travail n’est pas considérée comme une incapacité de travail médicalement justifiée :

  • faiblesse constitutionnelle
  • malaise occasionnel
  • processus corporels naturels (maternité, vieillissement physiologique, réaction de deuil, abattement passager)
  • manque de motivation
  • environnement de travail pénible sans diagnostic psychiatrique
  • insatisfaction professionnelle
  • cures ou entraînements à titre de mesures préventives
  • interventions esthétiques

Il arrive souvent que les certificats médicaux soient peu clairs quant à l’incapacité de travail. Par exemple, la durée n’est pas clairement définie ou bien l’activité du travailleur en cas d’incapacité partielle n’est pas clairement décrite. La ligne directrice exige que, lorsqu’un médecin constate une incapacité de travail partielle, il l’explique : entend-on par une incapacité de travail de 50 % que le travail peut être effectué toute la journée mais avec une charge réduite à 50 %, ou bien cela signifie-t-il que l’assuré ne peut travailler qu’une demi-journée mais à plein rendement ?

En cas de doute, il est possible de demander au médecin ou à la médecin des précisions sur la manière d’interpréter le certificat ou sur la durée de l’incapacité de travail. Le secret médical ne s’applique pas à vos demandes légitimes visant à obtenir des informations précises sur l’incapacité de travail. La ligne directrice stipule : l’employeur a droit aux informations dont il a besoin pour, par exemple, effectuer des clarifications relatives au poste de travail ou répondre à des questions en lien avec la relation contractuelle de travail. Cela comprend le fait, la durée et le degré de l’incapacité de travail ainsi que l’indication s’il s’agit d’une maladie ou d’un accident.

Pour la prise en charge d’enfants malades ou d’autres membres de la famille, la ligne directrice recommande : le médecin qui soigne l’enfant délivre au père ou à la mère un certificat précisant l’ampleur de la prise en charge nécessaire. Il n’est pas admissible de mettre un parent soignant en arrêt maladie aux frais des assurances sociales.

Questions et réponses sur le certificat médical en Suisse

Après une longue absence de notre collaboratrice, des doutes sont apparus quant à l’exactitude du certificat médical. Lorsque nous avons voulu demander des précisions au médecin, la collaboratrice s’est prévalue du secret médical. Devons-nous l’accepter ?

Si le médecin traitant n’est pas libéré du secret médical, il ne peut fournir à l’employeur que des informations sur la durée et l’ampleur de l’incapacité de travail. S’il subsiste des doutes sérieux quant à l’exactitude du certificat médical et qu’un litige s’ensuit, l’employeur peut, par des témoins, des documents ou des expertises, apporter la preuve que le certificat médical remis est inexact et que la collaboratrice était apte au travail durant la période en question. Devant un tribunal, il est régulièrement demandé de consulter l’historique médical et d’entendre le médecin traitant comme témoin. Si la salariée refuse de libérer le médecin de son secret professionnel, le tribunal peut, dans le cadre de son appréciation libre des preuves, passer outre aux constatations médicales figurant dans le certificat.

Un collaborateur a été en arrêt maladie pendant deux semaines. Il est apparu ensuite que le médecin lui avait délivré un certificat sans l’avoir examiné. Pouvons-nous le licencier avec effet immédiat pour cette raison ?

Si, pendant la durée de l’incapacité de travail invoquée, le médecin n’a jamais vu l’employé, la valeur probante du certificat médical est faible. Si le salarié (qui supporte la charge de la preuve) n’est pas non plus en mesure de prouver son incapacité de travail par d’autres moyens, l’absence est considérée comme injustifiée. Dans ce cas, l’employé fautif doit recevoir un avertissement écrit et être sommé de reprendre immédiatement le travail, sous peine de licenciement (immédiat) en cas de récidive. Si, malgré l’avertissement et l’ordre de reprise, l’employé apte au travail ne se présente pas, un licenciement immédiat devrait être considéré comme justifié. L’employeur peut en outre retenir provisoirement le salaire correspondant à la période d’absence.

Notre collaborateur refuse l’examen par le médecin-conseil. Pouvons-nous l’y contraindre ?

L’obligation de loyauté implique que le salarié se soumette à un examen médical prescrit par un médecin-conseil. S’il refuse ou retarde cet examen, il assume en principe les conséquences de l’absence de preuve de son incapacité de travail. Après avertissement, il n’a donc pas droit au maintien du salaire. En outre, le refus de fournir, sur demande et après avertissement de l’employeur, un certificat médical détaillé ou de se soumettre à l’examen d’un médecin-conseil peut, dans certains cas, justifier un licenciement immédiat (ATF JAR 1998, 2017). En revanche, il n’est pas possible de contraindre physiquement un salarié à se soumettre à l’examen médical.

Quelles informations l’employeur peut-il demander au médecin-conseil ?

L’employeur ne peut demander au médecin-conseil que les informations nécessaires pour évaluer la capacité de travail du salarié. Cela inclut, par exemple, la durée et le degré de l’incapacité de travail, leur incidence sur le temps de travail, ainsi que la question d’un éventuel risque de contagion et les tâches que le salarié ne peut pas accomplir pour des raisons médicales. Comme le médecin-conseil est lui aussi soumis au secret médical, il ne peut fournir à l’employeur, sans déclaration de levée du secret, aucune information sur le diagnostic ou sur d’autres constatations issues de l’examen médical.

Médecin-conseil

Si la situation médicale est incertaine ou si vous souhaitez obtenir un deuxième avis, vous pouvez charger votre médecin-conseil de procéder à un examen et demander un certificat médical de confiance. Le médecin-conseil est un médecin librement choisi par l’employeur. Il prend rendez-vous avec la personne concernée et/ou recueille auprès du médecin traitant les renseignements nécessaires. L’examen par le médecin-conseil est à la charge de l’employeur. Les frais doivent être convenus à l’avance avec le médecin-conseil et s’élèvent généralement à quelques centaines de francs. Le certificat médical établi par le médecin-conseil doit se prononcer sur le pronostic et les mesures à prendre. Il ne doit pas contenir de diagnostic.

Situation juridique

Il est juridiquement controversé de savoir jusqu’où un employeur a le droit d’exiger un examen par son médecin-conseil. Certains estiment que ce droit découle de l’obligation de loyauté. D’autres considèrent qu’un tel droit ne peut être déduit que du contrat de travail ou d’un règlement d’entreprise déclaré contraignant dans le contrat. Il est donc recommandé d’inclure dans le règlement du personnel une disposition précisant que l’employeur a le droit d’exiger un examen par le médecin-conseil. Si, contrairement à une telle disposition et après avertissement, les travailleurs refusent de consulter le médecin-conseil, cela entraîne la suppression du droit au maintien du salaire.

Conseil pratique : il est recommandé d’inclure dans le règlement du personnel une disposition prévoyant que l’employeur a le droit d’exiger un examen par le médecin-conseil.

Exemple pratique : cas de harcèlement (ATF 125 III 70)

Le Tribunal fédéral a jugé conforme au droit le comportement d’un employeur qui avait informé une salariée qu’il doutait de son incapacité de travail et qu’il subordonnerait la poursuite du paiement du salaire à un examen par le médecin-conseil. Comme il s’agissait d’une affection comportant des aspects psychiques, l’employeur avait chargé un psychiatre d’établir le certificat médical de confiance. La salariée y a vu une atteinte à sa personnalité. Le Tribunal fédéral a conclu que la demande adressée à une salariée, encore absente pour maladie au moment déterminant, de se soumettre à un examen par le médecin-conseil ne constituait pas, en principe, une atteinte à la personnalité. Il en va de même pour le mandat confié à un psychiatre afin de réaliser l’expertise médicale de confiance.

Limites

Un certificat médical peut être réfuté par le comportement du salarié et perd alors sa valeur probante. Toutefois, il ne suffit pas, par exemple, qu’un salarié alité depuis quelques jours soit aperçu en train de se promener, ou qu’un salarié souffrant de troubles psychiques soit vu dans un restaurant. En revanche, si un salarié déclaré inapte au travail exécute d’autres travaux pendant la période d’incapacité alléguée, le certificat médical est certainement réfuté.

Exemple pratique : un salarié est déclaré inapte au travail par un certificat médical en raison de douleurs dorsales. Vous apprenez qu’il a, durant cette période, rénové sa maison. Dans ce cas, le certificat médical est suffisamment réfuté par le comportement du salarié. L’employeur cesse alors le maintien du salaire et réclame le remboursement des salaires déjà versés. Un licenciement avec effet immédiat est également possible.

La question se pose souvent de savoir si un salarié en incapacité de travail peut voyager. À ce sujet, un exemple pratique :

Un salarié déclaré inapte au travail souhaite passer des vacances à l’étranger. L’employeur peut-il cesser le maintien du salaire ? Si le salarié est en incapacité de travail pour raison médicale depuis longtemps et que le médecin donne expressément son accord, le maintien du salaire ne peut pas être suspendu malgré le séjour de vacances. Il est même envisageable qu’un changement de lieu favorise la guérison. En cas de doute, il est recommandé de faire vérifier la situation par le médecin-conseil. S’il existe une assurance indemnités journalières maladie, il convient d’obtenir au préalable l’accord de l’assureur. En cas d’accident, l’exemple pratique s’applique par analogie, et l’assurance-accidents peut cesser de verser les indemnités journalières, tandis que l’employeur peut imputer les jours de vacances sur le solde des vacances.

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