Réprimande: Enjeux de l’avertissement en droit du travail

La réprimande constitue une mesure disciplinaire générale pouvant être prononcée à tout moment pour sanctionner un comportement fautif. Lorsqu’un licenciement est envisagé, la question de la validité dans le temps d’une réprimande se pose souvent.

07/05/2025 De: Nicole Vögeli Galli
Réprimande

Mesures disciplinaires générales et particulières

L’employeur peut sanctionner des manquements contractuels par des mesures disciplinaires, notamment en cas de non-respect des instructions ou des devoirs de comportement. On distingue:

  • Mesures générales: réprimande, blâme, licenciement ordinaire, congé immédiat, demande de dommages-intérêts. Elles sont admises à tout moment dans le respect du droit.
  • Mesures particulières: sanctions d’ordre (amendes, prolongation de la période d’essai, mutation, suspension), qui nécessitent une base dans un règlement d’entreprise conforme à la LTr (art. 38).

Ces deux catégories sont cumulables.

Sanctions d’ordre: cadre strict

Les sanctions d’ordre ont un but punitif exclusif et ne doivent pas enrichir l’employeur. Leur mise en œuvre impose un règlement approuvé par les autorités, détaillant faits punissables, droit d’être entendu, proportionnalité, procédure de recours, etc.

Exemple: pour qu’une absence injustifiée donne lieu à une amende en plus d’une déduction salariale ou de la comptabilisation d’heures négatives, une clause adéquate dans le règlement d’entreprise est indispensable. Comme une telle réglementation n’est obligatoire que dans l’industrie, la plupart des autres secteurs n’en disposent pas.

Il est essentiel que l’employeur détermine à quelles infractions correspondent quelles sanctions, et qu’il applique ces dernières de manière cohérente. Une réaction en cas de récidive est indispensable pour conserver sa crédibilité.

Licenciement avec ou sans réprimande

La réprimande n’est pas réglementée dans le Code des obligations. Elle constitue juridiquement une mise en garde formelle. Les tribunaux l’examinent surtout dans le cadre de licenciements avec effet immédiat, où elle est souvent exigée pour des fautes moindres.

Un licenciement ordinaire peut être notifié sans avertissement préalable ni audition, tant qu’il n’est pas abusif ou discriminatoire, et que les délais de protection sont respectés.

Il est fréquent que l’employeur commence par une mesure plus douce, comme une réprimande, notamment s’il souhaite poursuivre la relation contractuelle (comportement antérieur irréprochable, bonnes performances, rareté de main-d’œuvre, etc.).

Cependant, une fois la réprimande prononcée, il ne pourra licencier sur la base des mêmes faits, sauf nouveaux incidents. Sinon, le licenciement risque d’être qualifié d’abusif (art. 336 CO). Ce principe vaut si le salarié avait légitimement confiance dans la poursuite de la relation de travail.

Toutefois, le Tribunal fédéral (arrêt 4A_189/2023 du 4.10.2023) rappelle qu’un licenciement sans nouveau fait après une réprimande peut paraître inopportun, mais n’est pas forcément abusif.

Spécifier clairement les conséquences

Une réprimande doit indiquer explicitement le comportement reproché et annoncer les conséquences en cas de récidive (en général, un licenciement).

Selon le Tribunal fédéral, il n’est pas nécessaire d’annoncer formellement une résiliation immédiate ultérieure: il suffit de manifester clairement que le comportement ne sera plus toléré.

Si des conséquences sont mentionnées, elles doivent être exhaustives. À l’inverse, si aucune conséquence n’est évoquée, le document constitue un simple blâme, et non une réprimande.

Il est recommandé de toujours formuler les conséquences de manière non équivoque pour éviter toute incertitude.

L’écrit renforce la preuve

Aucune forme particulière n’est exigée pour la réprimande, mais la forme écrite est fortement conseillée, notamment pour des raisons de preuve. Un e-mail peut suffire, à condition que la réception soit documentée.

Idéalement, le salarié accuse réception par signature (sans devoir marquer son accord). En cas de refus, la réprimande doit être notifiée en présence de témoins.

L’écrit permet aussi d’éviter tout malentendu sur le contenu ou la portée de la sanction.

Réprimande: pertinence dans le temps

Une réprimande peut avoir des conséquences sur les promotions, salaires, licenciements et certificats de travail. Dès lors, se pose la question: jusqu’à quand peut-elle être invoquée?

Il n’existe pas de durée de validité générale. Le certificat de travail doit refléter fidèlement l’ensemble de la relation de travail. Des faits négatifs peuvent y figurer s’ils sont objectivement pertinents et/ou s’ils ont conduit à la résiliation.

Les incidents isolés ou anciens ne justifient généralement pas une mention dans le certificat final.

Conservation et protection des données

La réprimande contient des données personnelles. Sa conservation est soumise à l’art. 328b CO: les données ne doivent être conservées que si elles sont utiles à l’exécution ou à l’évaluation du contrat de travail.

Plus le comportement ultérieur du salarié est irréprochable, plus la réprimande perd en pertinence. La durée de conservation dépend de la gravité du manquement initial et de la durée de bonne conduite qui suit.

Suppression après perte de pertinence

Dès qu’une réprimande n’est plus objectivement pertinente, elle doit être supprimée, avec tous les documents associés. Il n’existe pas de délai uniforme: l’analyse doit se faire au cas par cas.

Le Préposé fédéral à la protection des données recommande une vérification du dossier du personnel tous les deux ans. La plupart des réprimandes perdent leur pertinence après ce délai, sauf récidive.

L’idée est de permettre un nouveau départ, l’employeur ayant à l’époque renoncé à un licenciement. Conserver une réprimande devenue caduque revient à sanctionner à nouveau le salarié.

Éviter une suppression prématurée

Il convient toutefois d’éviter une suppression anticipée. Des événements ultérieurs (plainte client, litige) peuvent redonner une pertinence à la réprimande, même après plusieurs années.

L’art. 31 de la LPD justifie un intérêt légitime de conservation, même si la réprimande ne peut pas être utilisée actuellement (ex.: certificat intermédiaire).

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